Mémoire


Eléments de mémoire

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ÉLÉMENTS DE MÉMOIRE

Essai autobiographique

DANIELLE GONDARD-COZETTE

Ce petit opuscule n’est pas vraiment une biographie. Mais celle que mon amie Anne-Marie Blandeau, épouse Charbonnel, écrit – nous fûmes ensemble à l’ENS Cachan – et qu’elle me fait relire par chapitres a motivé mon envie d’écrire ces quelques pages !

Ce n’est qu’une petite autobiographie éclatée en quelque sorte.
Que l’on peut lire dans le désordre. Un peu dans l’esprit des petits livres de Philippe Delerm, sans en avoir toutefois l’universalité, la qualité et le charme.
Ces pages relatent des moments qui ont marqué ma vie de mathématicienne, et son écriture ne sera pas linéaire. J’écrirai parfois deux pages sur un épisode quand l’envie me vient de m’en souvenir.
Ainsi entre mi-février et mi-juillet 2021 je me suis écrit à moi-même cinquante petits « messages souvenirs » que j’ai enfin rassemblés et ordonnés le 20 juillet 2021.
La forme est devenue définitive après quelques corrections en septembre et octobre 2021.

J’ai choisi le titre « Eléments de Mémoire » comme un clin d’oeil amusé mais modeste aux « Eléments de Mathématiques » de Bourbaki. Il n’y aura pourtant pas beaucoup de mathématiques dans ce texte mais beaucoup de mathématiciens et quelques mathématiciennes.
La motivation et le support du texte seront toujours extrait de ma vie de mathématicienne.

L’éventuel lecteur découvrira combien le métier de chercheur en mathématiques est varié, passionnant et plein de voyages ou de rencontres.
J’ai beaucoup aimé cette vie tout à la fois libre et exigeante, mais très conviviale.
Puisse la lecture de ce petit texte susciter des vocations pour la recherche mathématique !

                                        Paris, 20 Octobre 2021

POURQUOI LES MATHÉMATIQUES ?

Au tout début il y a une histoire de voleurs ! J’ai 8 ans et je suis en 8ème comme on dit alors, ce qui est le CM1 actuel. J’ai une maitresse formidable dont j’ai oublié le nom. C’est au « petit lycée » du lycée de Saint Cloud, il y a surtout des garçons dans cette classe mais cela me convient bien. En effet je sors du Lycée Corneille de Rouen qui était un lycée de garçons où je fus admise par dérogation … En 9ème j’y avais un Maître, Monsieur Meunier, dont je me souviens très bien et qui m’avait attribué un « bien en tout sauf en soin » ! Je me souviens aussi avoir fait les quatre cents coups avec ces garçons et adoré jouer à la balle aux prisonniers et aux billes !

Donc revenons à Ali Baba et les quarante voleurs et au problème posé. Ils ont planqué 40 sacs de pièces d’or dans une grotte, mais dans l’un des sacs les pièces sont fausses et au lieu de peser 5,81g elles pèsent 4,81g … La question posée est « comment faire pour identifier le sac de fausses pièces avec une seule pesée ?  » .
Alors je propose on prend une pièce dans le premier sac, deux dans le deuxième, trois dans le troisième etc … jusqu’à 40 dans le quarantième. Et on pèse le tout. Puis on regarde le poids qu’on devrait obtenir si toutes les pièces étaient vraies. Le nombre de grammes en moins dans le total pesé donne le numéro du sac de fausses pièces. Evidemment à cet âge je me perds un peu dans le calcul « à la main » du poids théorique si toutes les pièces étaient vraies ; à cette époque je n’ai pas de formule simple pour faire ce calcul !
Mais ma solution d’indexation des sacs fait un peu de bruit dans le lycée où ma mère est professeur d’éducation physique ! Elle fera des maths cette petite …

Je continue mes études toujours au lycée de Saint Cloud mais cette fois dans le lycée de jeunes filles. L’ambiance est sage et consciencieuse. A cette époque il y avait encore un examen d’entrée en 6ème. Je me souviens toujours du titre de la dictée, « La bille », un extrait de « Si le grain ne meurt … » d’André Gide !
En 4ème et en 3ème mon professeur de mathématiques est une demoiselle qui aime la géométrie, celle qui demande de l’imagination, des initiatives et des constructions auxiliaires afin de pouvoir utiliser des propriétés connues et arriver au but. J’adore vraiment et cela me réussit bien. Je commence la série des prix un peu en tout et des prix d’excellence !

En première Mademoiselle Girard décide de m’envoyer au concours général de version latine. Sans doute parce que je traduis très facilement Sénèque. Cet honneur m’est indifférent et je fais le pont pour skier entre des vacances de Pâques et un 1er mai férié. Puis je débarque du train de nuit pour aller composer à la Sorbonne !
Mais l’anecdote n’est pas sans importance, j’ai constaté au long de ma carrière que beaucoup de mathématicien étaient allés composer au concours général de latin.
C’est assez intéressant de remarquer que le plus souvent les Analystes y étaient allés en thème latin et les Algébristes en version latine. Je suis Algébriste, et vraiment en ce sens que je ne réussirai guère en Analyse !

Enfin en terminale encore au lycée de Saint Cloud mes professeurs de Mathématiques (Madame Loubiat) et de Philosophie (Madame Canguilhem) veulent m’envoyer l’une en Math Sup faire des mathématiques, l’autre en Hypokhagne pour faire plus tard de l’épistémologie avec son mari le grand Canguilhem … Mes parents ne disent rien, c’est moi qui choisis et ce sera la Math Sup. Car pour moi les maths c’est plus facile que la philo ! Et puis surtout je crois que cela n’empiète pas sur la vraie vie. Plus tard je verrai qu’avec la recherche cela n’est plus du tout exact … Les questions de recherche en cours vous poursuivent même dans votre bain !

Monsieur Brille, mari de mon professeur d’espagnol, est professeur de mathématiques en SUP 1 à Janson de Sailly et c’est donc là que le bouche à oreille m’inscrit. Il n’y avait point de dossiers ni de parcoursup à l’époque !

EN PRÉPA Á JANSON DE SAILLY

Mes années prépa furent joyeuses et heureuses.
Peut-être car inscrite à Janson de Sailly je retrouvais l’environnement de garçons qui fut le mien en primaire.

La rentrée scolaire 1963 me retrouve donc en Sup 1, 45 garçons et 2 filles !
Durant l’été j’avais fait une réaction méningée supposée virale qui m’avait valu une descente nocturne en ambulance de Font Romeu à Perpignan avec franchissements de gués ! A l’arrivée ponction lombaire, mais rien de grave finalement. Ou peut-être l’administration de grosses doses de pénicilline et de pénicilline retard avant le départ par le médecin d’Odeillo avait-t-elle déjà éradiqué la chose ? Je passe deux semaines hospitalisée en clinique et y avale Les Thibault de Roger Martin du Gard, presque deux tomes en pléiade, c’est un livre au programme de la math sup …
Evidemment on a prévenu mes professeurs, la pauvre petite il ne faut pas la surmener ; on avait même failli ne pas m’envoyer en prépa, mais j’avais énergiquement protesté. L’autre fille c’est Dominique Masse, elle abandonnera à Pâques et je me retrouverai seule fille.

A la rentrée en math sup j’expérimente ma première discrimination : les anciens viennent dans la classe pour bizuter les nouveaux. Avec une quinzaine d’autres taupins je m’échappe par la fenêtre du fond et escalade les grilles de Janson pour me retrouver dans la petite rue en impasse juste derrière. L’après-midi je suis convoquée chez le surveillant général, mais moi et moi seule ! Leçon de morale sur les dangers encourus etc … je ne dis rien mais je trouve cela pas juste du tout !

Nos professeurs sont Monsieur Brille en Mathématiques et Mademoiselle de Leiris – alias La baronne – en physique-chimie. Dans notre classe nous avons Patrick Merycer ; un jour notre professeur de math nous annonce « c’est un grand jour Merycer a 15 ans aujourd’hui ». Il sera normalien mais obligé de faire 5/2 faute de dérogation d’âge pour passer le concours de l’ENS Ulm en 3/2.
Mon binôme de travaux pratiques c’est Olivier Pironneau. Nous nous amusons bien durant ces TP. Olivier sera Polytechnicien, je le retrouverai comme collègue à Paris 6 et il sera ensuite élu à l’Académie des Sciences. Je ne travaille que très raisonnablement mais je m’en sors très bien, avec même des prix en Physique et en Français, et un accessit en Mathématiques. Dans cette classe 2 intégreront Ulm (Merycer et Schwartz) et beaucoup seront polytechniciens (Cassou, Dujardin, Jannet, Laroque, Magnien, Marre, Pironneau, Porgès, entre autres)

Je passe donc en Math Spé X’2, nous ne sommes plus qu’une trentaine et toujours seulement deux filles, l’autre est 5/2, je ne la connaitrai guère.
Nos professeurs sont Messieurs Ecalle en mathématiques et Joly en physique-chimie. Je deviens meilleure en maths et moins bonne en physique-chimie … Mon niveau dépend beaucoup de la qualité des professeurs !
Je suis beaucoup courtisée par cette future élite … Le plus tenace (ou le plus amoureux ?) Claude Gondard, un 5/2, débarque un soir chez moi à Courbevoie sous prétexte de répondre à une question de la jeune 3/2 sur un devoir ! Je finirai par l’épouser en Juillet 1967 …
Je suis au premier rang bien sûr entre Daniel Andler et Didier Nordon. Le premier fera un rejet de la prépa et quittera en cours d’année, mais nous nous sommes retrouvés à des postes en université. Didier Nordon intègrera l’ENS Cachan la même année que moi en 1966.

En 3/2 je suis admissible à Cachan et admise à Centrale Lyon. Mais je ne veux pas être ingénieur. Je veux être professeur. Tout l’été Centrale m’envoie des documents sur le ski club mais je résiste à la tentation.
Je m’inscris aux IPES d’Orsay que l’admissibilité à l’ENS Cachan m’offre. En 5/2 à Janson de Sailly je travaillerai seule sur le poly de Math 1 et réussirai l’examen à la faculté d’Orsay ; mais la dispense de TP reste un obstacle insurmontable pour réussir un examen de physique !

Quand en 5/2 je suis admissible en 1966 aux trois Ecole Normales Supérieures (Sèvres, Fontenay et Cachan) mon professeur de mathématiques Monsieur Ecalle me dit à l’affichage de l’ENS Sèvres « vous avez mis un cierge gros comme ça » ! C’est très injuste car j’ai la seconde note du concours de Sèvres en algèbre, et je suis même en position d’être admise … Un oral d’Algèbre avec Jean Pierre Laffon qui séduit par mon écrit s’attend à mieux, un autre d’Analyse avec Paulette Lieberman assez moyen et surtout un 6 à l’oral de chimie me renverront à la 39e place quand on en prend 26 ! C’est vrai que Claude était déjà à l’X et que je sortais plus que je ne travaillais durant cette 5/2, mais j’avais tout de même bien révisé durant les vacances de Pâques. Dans cette classe il y avait plus de filles. Certaines auront aussi des postes à l’Université plus tard, Joëlle Pichaud et Monique Pontier par exemple.

Il me reste un souvenir mitigé de ma spé quand même. En février j’étais allée au ski les 4 jours de vacances de l’époque. Le dernier jour grosse tempête, les perches s’enroulent autour d’un câble de téléski, je rentre à l’Alpe d’Huez à pied par Huez contre le vent, parfois à 4 pattes en tirant mes skis ; d’autres dorment dans les granges à Villard Reculas. A l’arrivée l’estafette de la gendarmerie attend les quelques naufragés et on me raccompagne au Chamois d’or. Bien sûr on a raté le train prévu, ma mère m’accueille par une gifle pour évacuer son stress et mon père trouve d’autres couchettes. A l’arrivée à Paris direct Janson de Sailly, je suis en fuseau bien sali et pas très fraiche après la nuit dans le train … Ecalle me fait passer au tableau. Evidemment ce n’est pas brillant, je n’ai pas travaillé et je suis fatiguée. Et il m’administre un « Mademoiselle Cozette ça ne vous réussit pas les vacances » qui m’est resté en mémoire …


À L’ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE DE CACHAN

A la rentrée 1966 j’ai intégré ce qui s’appelait l’ENSET, avant de devenir l’ENS Cachan puis l’ENS Paris-Saclay.

Mon amie Anne-Marie Blandeau de ma promotion a épousé Jean-Louis Charbonnel de la même promotion de Polytechnique que mon mari Claude Gondard et elle a longuement parlé dans sa biographie de cette école. Je n’ai pas autant de souvenirs qu’Anne-Marie et ils sont un peu différents mais le cours intensif de topologie de 15 jours en prérentrée par le professeur Mény est un souvenir fort qui nous est commun.

Lors de la rentrée il m’a fallu convaincre Francis Hirsch, le directeur des études, que puisque j’avais déjà obtenu Math 1 pendant ma préparation à Janson de Sailly je pouvais bien suivre Math 2 comme les premiers classés au concours et non MMP (Méthodes Mathématiques de la Physique).
Cette première année d’école fut très joyeuse, nous avons beaucoup fait la fête au quartier latin, mais nous avons tout de même bien réussi nos études.
Nous suivions le cursus à l’Université d’Orsay mais avions des compléments à l’école. Nous étions plusieurs à avoir des voitures pour aller à Orsay le jour et à Paris la nuit !

L’année suivante j’étais mariée – Claude avait dû pour ce faire demander l’autorisation au Commandant de l’Ecole Polytechnique – mais j’étais encore interne car Claude faisait son service militaire sur la Jeanne d’Arc donc bien loin.
Cette année 1967-1968 est restée dans l’histoire avec les évènements de mai 1968. A l’école il ne se passait plus rien et nous entendions les grenades lacrymogènes depuis Cachan. J’avoue humblement ne pas avoir manifesté, nous avons joué au ping-pong, fait des bombes à eau que nous laissions tomber du 5ème, cuisiné et festoyé dans nos chambres faute de restauration collective. C’était une vraie vie communautaire, chacune fournissait ce qu’elle pouvait, ingrédients, vaisselle et recettes !

Tout était en grève. Il n’y avait plus d’argent liquide, les banques étant fermées ; plus de stations-service non plus, les élèves issues de province avaient des problèmes pour rentrer dans leur famille.
Au bout de quelque temps je suis rentrée chez mes parents à Courbevoie près de La Défense. Un peu inconsciente je suis partie vers 2h du matin avec une voiture bien chargée. Vers Neuilly je me suis fait arrêter par la police et je garde un souvenir mitigé de la mitraillette pointée sur moi quand j’ai ouvert la fenêtre !

L’internat n’était pas mixte il y avait le bâtiment F et le bâtiment G, et les restaurants – l’Universitaire et celui de l’Ecole – étaient entre les deux.
Nous étions logées au 5ème étage du bâtiment F dans des chambres individuelles bien fonctionnelles avec un petit cabinet toilette. Les douches, les toilettes et la « tisanerie » étaient au milieu du couloir. Je me souviens qu’au-dessus du bâtiment F à l’extrémité où nous habitions il y avait une sculpture-girouette, oeuvre de Raymond Subes qui grinçait quand il y avait du vent.
Pour moi le petit déjeuner est un repas essentiel, je ne sais pas m’en passer… Donc ces lendemains de fêtes parisiennes je descendais au réfectoire déguster le café et des tartines beurre – confiture. Mes fidèles amies n’étaient pas toujours là et souvent je remontais une ou deux assiettes avec des tartines toutes prêtes ! Nous avions toutes des bouilloires pour faire du thé … ou même des grogs !

Le cursus classique de trois années comportait licence / maitrise, la préparation du CAPET qui comportait un stage en situation dans un lycée, et un stage dit industriel que j’ai fait, comme mon amie Anne-Marie, au GTES (service technique des engins spéciaux) à Toulon. C’était très bien organisé en été car nos maris travaillaient aussi à Toulon, et comme épouses de militaires nous avions été autorisées à intégrer cet endroit protégé.
Je me souviens qu’il y avait un super laboratoire photographique pour suivre les trajectoires des engins et un centre de calcul époustouflant pour l’époque.
J’ai appris un peu de Fortran et programmé avec des cartes perforées. En particulier j’ai programmé la formule de Stirling sur les factorielles. Dans un coin de mon bureau on peut surement retrouver des listings et des cartes datant de ce stage.
Les machines – des IBM je crois – étaient d’énormes armoires ! Et il fallait faire attention à ne pas désordonner nos cartes perforées que nous gardions en liasses avec des élastiques !

Mon expérience suivante pour l’informatique fut dans les années 1980 avec mon fils ainé Gabriel et un petit Sinclair à clavier « confiture » qui disposait de 1Ko et auquel on avait acheté pour faire des jeux en basic une extension de 8Ko.
On sauvegardait les programmes sur une petit magnétophone à cassettes, et on jouait sur la micro télévision cathodique familiale que nous avions en montagne … Le graphisme était réduit mais c’était amusant !

Si on le souhaitait on pouvait passer l’agrégation, ce que beaucoup d’entre nous ont fait. Nos promotions y ont eu de très bons résultats. Pourtant la concurrence était rude puisque la plupart des élèves des ENS avaient boycotté le concours l’année d’avant en 1968 et le présentaient en 1969.
C’était une belle promotion la « 66 » et beaucoup ont eu une quatrième année pour commencer la recherche avec un Diplôme d’Études Approfondies dans un domaine de leur choix.
Je suis pour cela allée à Paris ; l’Université scientifique de Paris à Jussieu s’est après scindée en Paris VI et Paris VII suite aux événements de 1968 !
J’ai suivi un semestre d’Arithmétique des Corps avec Paulo Ribenboim, et un autre de Théorie des Ensembles avec Jean-Louis Krivine. J’étais déjà partagée par avance entre lles futures universités Paris VI et Paris VII …

Ensuite beaucoup parmi nous à l’ENS Cachan ont eu des carrières universitaires ; je peux par exemple citer Dominique Dumont, Monique Jeanblanc, Maurice Margenstern, Maurice Mignotte, Didier Nordon, et bien sur mon amie Anne Marie Charbonnel.
J’en oublie très certainement … D’autres sont allées enseigner en classes préparatoires comme Vivianne Neveu épouse Durand, ou en grande école comme Roger Mohr.

Nous étions une promotion d’un peu plus de 25 ; nous avons déjà perdu pas mal de nos camarades, je crois que nous ne sommes plus que 19 à échanger des nouvelles chaque début d’année.

SKI-ÉTUDES

J’ai débuté le ski avant l’âge de 5 ans, j’en ai toujours fait beaucoup, j’en fais toujours beaucoup et ce fut une de mes grandes frustrations cette année sans ski alpin à cause de la Covid-19.
J’ai appris à skier et longtemps skié avec les « d’huizats » à l’Alpe d’Huez, Francoise Sarret, Odile et Françoise Seigle, les Cupillard, etc … C’était de très joyeuses bandes, de belles descentes et des soirées dansantes !
C’est ainsi que je fis mon 1er glacier de Sarenne avec une dépose avion par Henri Giraud, le seul pilote à s’être posé sur le Mont Blanc et sur le Mont Aiguille. Il nous a aussi emmenés plusieurs fois sur le glacier de la Girose pour descendre les magnifiques vallons de la Meije. Maintenant un téléphérique permet de faire cela sans dépose avion, lesquelles sont d’ailleurs interdites de nos jours.

J’ai fait un peu de slalom, surtout du géant, parfois de la descente ou du spécial. J’ai collectionné les coupes et les trophées Ski-Open régionaux ou nationaux.
Nous étions 5 femmes à nous battre sur les courses de géant et trois d’entre elles sont devenues monitrices de ski (Denise Laval, Michèle Court et Marie-Sophie Brunet Debaisne). Marie de Pourtalès courait avec nous,et sa fille Claire a plus tard fait de la compétition de haut niveau Mais ma mère était professeur d’éducation physique, je savais qu’exercer un métier passion et physique n’était pas une bonne idée sur le long terme. Mon fils ainé Gabriel a rattrapé cela en faisant beaucoup de compétitions entre grandes écoles et en obtenant pendant ses études son diplôme national de moniteur ; il a parfois exercé ensuite durant les vacances scolaires.

J’avais aussi tenté de faire de la compétition Universitaire vers 1966-1968 avec le PUC (Paris Université Club). On s’entrainait durement au stade Charlety. Cet entrainement mixte était si dur qu’une fois en quittant le stade des courbatures immédiates m’empêchaient presque de descendre les escaliers du métro !
Je suis allée par exemple à des compétitions universitaires à Val d’Isère ce qui m’a valu d’être classée comme on dit. La vie en ENS laissait assez de liberté pour s’absenter parfois. Mais honnêtement depuis Paris, à cette époque sans TGV, partir quelques jours avec deux paires de skis et tout le matériel c’était vraiment très dur !

Je me suis alors contentée de faire les compétitions « amateur » quand je séjournais en station. Mais j’ai bien profité de mes années d’études pour skier souvent …
En 1968 je me suis éclipsée pour aller skier à La Plagne avec mon mari. J’y ai même fait une épreuve de descente sans casque ! Hélas il y avait un partiel au milieu du séjour (je crois que c’était sur le cours de Michel Demazure) et, consciencieuse quand même, je suis venue le passer avec deux nuits de train consécutives.
C’était une bonne idée car ce partiel a fini par me donner l’examen : nous étions en 1968 …

En 1969-1970, année du DEA où je suivais deux demi AEA – Ribenboim et Krivine – j’ai même abusé je suis allée deux fois à l’UCPA de Val d’Isère en séchant des cours bien sûr. J’ai été très choquée quand peu après cela on a annoncé l’ensevelissement de la salle à manger nord de l’UCPA. Je ne m’y sentais pourtant pas menacée. J’ai pensé à nos cuisiniers qui étaient de ce côté du bâtiment.
Plus tard dans l’année j’avais programmé un séjour au ski avec Claude à Tignes je crois. Or Paulo Ribenboim innovait : il faisait corriger notre examen par les étudiants en redistribuant les copies dans le désordre…
Bien ennuyée je me suis excusée par avance, et notre camarade de promotion Dominique Dumont qui suivait aussi ce cours a assuré la chose pour moi et m’a téléphoné les résultats … Lui avait mention TB et moi B …

Longtemps plus tard ma réputation de skieuse m’a précédée dans un colloque à Aussois en plein hiver. J’étais venue en voiture – un très petit 4×4 Suzuki Samourai SJ410 génial sur la neige – depuis l’Alpe d’huez avec mon matériel de ski bien sûr.
J’ai fait le taxi pour récupérer les arrivants à la gare, je crois que certains, surtout ceux qui venaient d’un autre continent, ont été étonnés par ce véhicule si minuscule et si efficace …
Ensuite Kristof Kurdyka qui organisait localement le colloque m’a confié la charge de gérer les matheux skieurs. Je fus donc monitrice de ski un mercredi après-midi dans ma vie ! Je me souviens que dans le groupe des forts que j’emmenais un peu loin il y avait Ludwig Bröcker et Johanes Huismann.
Pour ce dernier le magasin qui louait le matériel n’avait pas réussi à trouver un casque assez grand ! Parfois je repense à cela : j’ai un petit-fils qui avant 10 ans avait déjà ce problème même avec un casque adulte …

DE CACHAN À L’U.B.O.

L’Université de Bretagne Occidentale, anciennement nommée Université de Brest, était une petite université, avec tous les inconvénients que cela comporte. J’ai été nommée Assistante à la rentrée 1970, c’était mon premier poste et j’y suis restée six années, de la rentrée 1970 à celle de 1976. Durant ces 6 années à l’UBO j’ai eu mon premier enfant qui est né fin juillet 1975, cela n’a entraîné qu’un congé de maternité très théorique pendant les vacances puisque l’enseignement ne reprenait qu’en Octobre à cette époque.

Comme séquelle locale importante des évènements de 1968 le département de mathématique était physiquement coupé en deux !
D’un côté les jeunes Maîtres de Conférences et les membres du Snesup près de la bibliothèque, de l’autre les vieux Professeurs et leurs poulains près de l’administration du département et du pouvoir.

Nous avions relativement peu de moyens, quelques mandarins tout puissants, et nous subissions l’éloignement des activités de séminaires parisiens et la pauvreté de la bibliothèque. Y faire de la recherche n’était pas chose facile. Je travaillais avec Pierre Samuel directeur de ma thèse de 3ème cycle, et je collaborais avec Paulo Ribenboim qui avait dirigé mon DEA. Tout cela se faisait à distance et par courrier postal à cette époque.
Si je m’interrogeais sur un point de mathématiques et me décidais à écrire à Paulo Ribenboim pour poser la question, le temps de traverser l’Atlantique, de stationner sur un bureau à Queen’s University, que Paulo écrive et envoie la réponse cela prenait bien un bon mois. Evidemment lorsque la lettre arrivait enfin j’avais décidé que la question était stupide ou mal posée, ou j’avais trouvé toute seule la réponse. C’était finalement une bonne formation à l’autonomie.

Mais ce n’était pas très facile il fallait faire venir des microfilms ou de mauvaises photocopies d’articles, ou aller à Paris se documenter à l’IHP, ce qui était finalement le plus efficace. J’ai beaucoup fréquenté l’IHP à cette époque. Il y avait un vieil ascenseur charmant mais très très lent qui montait au 4ème pour la bibliothèque.
L’IHP sera totalement rénové plus tard et le courant 110V changé en 220V ; la bibliothèque descendra au 1er étage mais le nouvel ascenseur ne sera pas lui non plus très rapide ! Il donne du temps pour réfléchir en allant au second …

J’ai tout de même poursuivi mes recherches sous la direction de Pierre Samuel et soutenu mon doctorat de 3ème cycle en janvier 1973 à l’Université d’Orsay.
En 1973 j’ai publié deux notes aux CRAS (Comptes Rendus de l’Académie des Sciences) et deux articles au Bulletin des Sciences Mathématiques en 1974.
Cela m’a permis d’être inscrite sur la LAFMA (Liste d’Aptitude aux Fonctions de Maître-assistant). J’ai alors négocié d’assurer les cours IREM délaissés si j’étais bien nommée Maître-assistante. Cela a fonctionné j’ai été promue.
J’avais quelques collègues avec lesquels parler de mathématiques, Pierre Le Bihan, Jean Marot, Yann Quentel… et j’exposais parfois au séminaire local d’Algèbre et Géométrie.

Ce fut la seule époque où j’ai eu un bureau individuel à l’Université. Par la suite à Paris je partagerai d’abord un bureau en 46-00 au 5ème avec Thérése Merlier et longtemps avec Thierry Coulhon, puis en 45-46, toujours au 5ème, et à Chevaleret avec François Bayen. François Bayen décédera brutalement en janvier 2008, nous ne nous connaissions que peu mais cela m’a marquée. Au retour des vacances de Noël le bureau semblait attendre son retour. Des mois après son fils Terence est venu trier et reprendre ses documents.
Au retour sur le campus Jussieu désamianté et rénové ce sera un grand bureau avec Marie-José Bertin, Odile Lecacheux et Michel Carpentier. Ce dernier sera malheureusement remplacé par Jean-Michel Kantor décidément peu agréable …

Le déménagement entre les deux bureaux du 5ème à Jussieu s’est fait suite à la création de l’Institut de Mathématiques de Jussieu en 1994.
Ce fût épique… un jour nous avons trouvé des cartons des déménageurs bretons pliés dans notre bureau. A nous de faire nos cartons ! J’étais là depuis presque 15 ans et mes documents étaient déjà bien poussiéreux. Nous avions en plus eu des fuites de la terrasse et il s’était formé des cristaux au sol certainement plein d’amiante.
Ensuite peu après, en 2000 je pense, pour laisser place aux travaux de désamiantage, nous avons déménagé dans des locaux loués rue du Chevaleret dans la 13ème. Et cette fois nous avons eu interdiction de faire quoique ce soit ! On nous a envoyé des ouvriers masqués en combinaison avec des soufflettes qui ont tout dépoussiéré et mis en carton. Nos documents n’étaient plus très poussiéreux puisque nous venions de les déménager sans aucune protection …
La gestion de ce problème d’amiante à Jussieu laisse perplexe. Déjà dans un discours du 14 juillet Jacques Chirac avait déclaré, en improvisant certainement, qu’il n’y aurait plus aucun étudiant à Jussieu à Noël. C’était méconnaitre le fonctionnement de laboratoires scientifiques. Jussieu n’a été complètement désamianté que dans les années 2010. Et excepté les doctorants et les post-docs, les étudiants n’ont jamais quitté le campus Jussieu !

A Brest j’étais à peine plus âgée que certains de mes étudiants. Cela s’est bien passé mais en fait nous n’avions guère eu de formation pour l’enseignement, on apprend sur le tas. Durant mes études à Cachan j’avais fait un stage dans un lycée qui m’avait surtout permis de comprendre que pour faire des calculs exacts il faut aller doucement. Je ne suis guère patiente et ce trop de rapidité m’a couté beaucoup d’erreurs durant mes études. Encore aujourd’hui je plante souvent des machines par excès de rapidité …
L’ENS Cachan avait pourtant essayé de faire quelque chose pour notre avenir de professeur : nous avions eu des « cours » sur la dynamique de groupe.
Cela nous avait laissés perplexes, nous trouvions que c’était un peu ridicule … mais après avoir enseigné un certain temps je dois avouer qu’effectivement c’est quelque chose qui existe, des groupes peuvent évoluer bien ou mal en cours d’année.
C’est difficile de deviner à l’avance comment évoluera un groupe, je n’ai toujours pas compris ce qui provoque des évolutions favorables ou défavorables.

A Brest dès le début de ma seconde année on m’a confié à titre transitoire le gros amphi de 1ère année de CBBG (Chimie, Biologie, Botanique, Géologie).
C’était juste pour quelques semaines, le temps que le professeur « vide » le cours dont il était chargé, avec la perspective de pouvoir demeurer à Paris où il habitait et puisse reprendre cet amphi.
Il y avait beaucoup d’étudiants, peut être 250, pas du tout passionnés par les maths ! Alors leur présenter quelques éléments de théorie des ensembles ou de logique, et des bases d’Algèbre et d’Analyse était un challenge. Pour mes premiers cours j’avais heureusement un micro sans fil comme à la télévision, cela me facilitait la tâche et je me suis vite adaptée au fait que si on se tourne pour écrire au tableau il ne faut surtout pas élever la voix sous peine de se faire sursauter.
Ensuite ce fut un micro à tenir à la main avec un fil, et cela devenait plus compliqué, deux mains seulement pour le micro, la craie, le chiffon et les notes ; et bien sûr ce fil où il ne faut pas se prendre les pieds !
Enfin tout est tombé en panne sans doute et je n’ai plus eu que ma voix ! Mais finalement une fois l’expérience du cours en amphi déjà faite c’était plutôt mieux.
Les cours en amphi c’est aussi beaucoup plus fatigant physiquement, la puissance vocale nécessaire demande beaucoup d’énergie. Après 1h15 de cours il faut presque 2h pour récupérer. Passionnée d’Opéra je mesure bien l’exploit physique, et pas seulement artistique, que représente les prestations des chanteurs lyriques.
Un autre point délicat est que dans un amphi les étudiants sont loin et il est beaucoup plus difficile de suivre leurs réactions. Je constaterai aussi plus tard à Paris qu’il faut beaucoup de vigilance en amphi pour naviguer entre deux écueils : ennuyer les étudiants si on est trop élémentaire ou trop lent, ou les larguer si on va trop vite ou trop loin !

Il y avait à Brest un IREM (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) qui avait la charge de faire la formation continue des professeurs certifiés, en alternance chaque année sur Brest et sur Quimper. J’ai assuré cela deux années en 1974-1975 et 1975-1976.

Ce fut une première expérience d’enseignement à des adultes qui par ailleurs connaissaient toutes les ficelles du métier de professeur. Cela a certainement modifié ma manière d’enseigner.

C’était aussi compliqué du fait que parmi ces certifiés certains venaient d’avoir le CAPES et d’autres étaient à deux ans de la retraite et s’étaient inscrits pour bénéficier de la décharge.
J’étais libre de mes choix d’enseignement. J’ai donc fait des chapitres courts sur 2-3 cours en partant d’un niveau basique et en allant vers quelques pointes de recherche.
Et j’ai souvent changé de sujet et de centre d’intérêt. J’ai fait un polycopié qui témoigne de cette approche.
La seconde année les cours étaient à Quimper ; c’était assez fatigant d’aller en voiture le matin, d’enseigner et d’en revenir le soir. A Quimper j’ai été très surprise le jour ou un enseignant âgé a déclaré à ses collègues « Moi j’ai deux chapitres d’avance sur mes élèves » ; comment passionner des élèves si on se contente d’avoir deux chapitres d’avance sur eux dans leur livre de classe …
Il est clair que le problème des mathématiques dites modernes qui ont tant défrayé la chronique était dû en fait au manque de formation préalable des professeurs devant les enseigner !

Quand j’ai compris que mon mari quitterai Brest j’ai consacré presque toute mon énergie à me faire nommer à Paris. Le doyen d’alors, Jean Querré, me dira que j’avais bien poussé mes pions mais que ce n’était pas gentil pour la petite Université qu’était Brest.

UNE CARRIÈRE AVEC L’AIDE DES HOMMES !

Le titre peut interpeller, mais forcément vu le peu de place qu’occupent les femmes dans notre discipline, ils ont forcément joué un rôle important dans ma carrière.

Cela a commencé très tôt par l’aide de Claude mon mari
Mariés en juillet 1967, nous nous sommes installés en 1968-1969, j’étais encore à l’ENS Cachan et je préparais l’agrégation.
Ce fut difficile de quitter l’assistance parentale et la vie de pacha dans une Ecole Normale Supérieure pour affronter à la fois cette nouvelle vie matrimoniale et la préparation d’un concours.
Nous avions acheté un grand studio près du Village Suisse et je me revois encore faisant des problèmes dans l’entrée pendant que Claude dormait … Claude a bien supporté ma surcharge et mon incompétence de gestion matérielle de la maison, je lui en sais gré.
Tout cela s’est bien terminé après un oral brillant sur la planche d’Algèbre avec pour sujet « La notion d’idéal », je fus je crois 39éme, le même rang que celui que j’avais eu après l’oral au concours de Sèvres, l’Analyse n’étant pas mon fort. Je me souviens que dans le jury d’algèbre se trouvait une personne qui m’avait autrefois « descendue » à l’oral de Fontenay sur une question de cours de géométrie très élémentaire … Cela m’avait donné une bonne décharge d’adrénaline et à mesure que je la voyais en difficulté pour tout noter, mon assurance s’accroissait !
Longtemps après j’ai compris qu’il s’agissait d’Huguette Delavault, avec laquelle j’ai ensuite beaucoup travaillé et appris à l’AFFDU, et qui est devenue une amie.

Claude, ingénieur du génie Maritime, voulait construire des bateaux. Le seul endroit où il y avait un arsenal et une université était Brest. J’ai donc postulé sur un poste d’assistante à Brest et uniquement là. Claude m’a expliqué qu’il ne suffisait pas de déposer un dossier et qu’il fallait que j’y aille.
Il avait bien raison, je suis donc allée à Brest me présenter, rencontrer de futurs collègues et le doyen de l’université Jean Querré qui était mathématicien.
Et j’ai été nommée sans problème à l’Université de Bretagne Occidentale à la rentrée 1970.

En 1969-1970 en quatrième année à Cachan je voulais faire de l’Algèbre.
Francis Hisch m’a dissuadée d’aller chez Dubreil en me disant que plus personne ne voudrait de moi après. Je me suis tournée vers la Théorie Algébrique des Nombres. Je pensais au cours de Pierre Samuel à Paris 6.
Mais cette année-là il était ailleurs, et c’est Paulo Ribenboim, professeur invité, qui faisait un cours d’Arithmétique des Corps. J’ai fait mon mémoire de DEA avec lui et ce furent mes vrais débuts de rédaction mathématique. Il m’a appris l’usage des bibliothèques et bibliographies ainsi que les règles de rédaction.

Paulo Ribenboim avait admis trois stagiaires de DEA qui ont rédigé des parties de son livre Arithmétique des Corps paru chez Hermann dans la collection argentée « Méthodes ». Il m’avouera plus tard qu’il s’est décidé à me prendre en stage car j’étais venue le voir en fin de cours avec une jolie robe … En fait j’enchainais après le cours avec un fête de mariage … A quoi tient l’orientation scientifique d’un début de carrière !

Par la suite je lui ai proposé de cosigner une note aux Comptes Rendus dont j’avais eu l’idée et où j’utilisais ses méthodes. Et je fus conviée à une « open house » à Kingston (Queen’s University) en 1973, c’était mon premier déplacement professionnel hors de France.
Nous avons ensuite collaboré sur deux articles publiés au Bulletin des Sciences Mathématiques en 1974 dont l’initiative revenait pour l’un à lui et pour l’autre à moi. Je lui avais fait découvrir les charmes de la Théorie des Modèles et de son usage comme outil parfois puissant, ce qui lui avait plu. Malheureusement il a fini par tomber amoureux et j’ai arrêté de travailler avec lui, ce n’était plus possible.

A Brest j’ai été bien conseillée par Pierre Le Bihan, un ancien de Cachan avec lequel je discutais souvent. Il m’avait mise en garde sur les dangers de travailler avec mon directeur de thèse de 3ème cycle et m’avait déclaré un jour « fais gaffe de ne pas détrôner Madame F. qu’on a surnommée les plus belles jambes de l’algèbre commutative ».
J’ai fait gaffe, travaillé à distance et j’ai eu confirmation par ailleurs que j’avais bien fait de tenir compte du conseil de Pierre Le Bihan. Il m’a aussi conseillée au moment de demander la LAFMA (Liste d’Aptitude aux Fonctions de Maître-Assistant). Enfin j’ai ensuite eu son soutien pour obtenir un poste de Maitre-Assistante localement en négociant avec le département l’acceptation de faire les cours de formation continue de l’IREM (Institut de Recherche pour l’Enseignement des Mathématiques).

Aux journées arithmétiques de Caen j’avais accepté d’aller déjeuner avec Daniel Barski. Ce fut très intéressant ce tête-à-tête, il m’a entre conseillé de demander la LAES (Liste d’Aptitude à l’Enseignement Supérieur), qui me permettrait d’être Chargée de cours, me disant que j’avais largement de quoi l’obtenir sans problème. Je l’ai écouté et il avait raison.
Les hommes peuvent heureusement être des amis qui vous aident.

Pour ma mobilité de Brest à Paris 6 en 1976, c’est Jean-Marc Deshouillers qui m’avait encouragée à aller voir Roger Descombes au séminaire parisien de Théorie des Nombres. Celui-ci et Paul Malliavin, qui était un ami de Paulo Ribenboim, m’ont bien soutenue en commission.

A Paris suivant le conseil donné par Pierre Samuel quand je lui avait dit apprécier l’usage de la Théorie des Modèles, je fus voir un peu plus tard Gabriel Sabbagh, professeur dans l’équipe de Logique de Paris 7. Il a commencé par me demander un exposé au Séminaire Général de Logique du Lundi.
En vérité je l’avais déjà croisé dans un déjeuner IREM à Rennes après mon doctorat de troisième cycle. Il m’avait impressionnée par sa connaissance de mon sujet de thèse.
Il m’a été d’un précieux conseil dans la suite de mes travaux et publications.
C’est ainsi qu’a commencé cette double appartenance : l’équipe de Théorie des Nombres de Paris 6 et l’équipe de Logique de Paris 7.

Dans les années 1976-1980 j’ai eu un trou dans ma recherche car j’avais un jeune enfant né en 1975, et j’habitais Brest, Amiens ou Lille tout en travaillant déjà à Paris. C’était infernal, j’étais épuisée, mes documents déménageaient en cartons que je n’ouvrais pas, et passant ma vie dans le train je n’avais aucune envie d’aller en plus en congrès.

Mais la chance m’a souri ! Don Dubois, professeur à Albuquerque (USA) et organisateur d’une session dans un colloque AMS à San Francisco m’a conviée à faire une conférence en 1981 au premier congrès de Géométrie Réelle.
Cela m’a permis de repartir et de renouer avec le sujet et les collègues du domaine. Un second colloque à Rennes en 1981 a confirmé ce renouveau.

A ce colloque de San Francisco j’ai découvert dans une autre session une conférence (de Ron Brown je crois) qui parlait des ordres de niveau supérieur. C‘est là que j’ai conçu le projet d’un 17ème problème de Hilbert pour les puissances supérieures.
Il faudra attendre 1994 et pas mal d’articles et de collaborations en cours de route pour que tout cela finisse par un article au Journal de Crelle, premier et célèbre journal de Mathématiques, un couronnement !

Entre temps j’ai travaillé et présenté mon Doctorat d’Etat effectué sous la direction de Gabriel Sabbagh. Nous avons vécu une période transitoire passant des secrétaires qui dactylographient nos articles à l’avènement des ordinateurs qui changeaient tout.
Pierre Jarraud, encore un Pierre, m’a initiée à l’usage des ordinateurs et du traitement de texte scientifique Chiwriter.
Cela m’a beaucoup aidée, j’ai une écriture manuscrite illisible, presque autant que celle de mon père dont j’avais du mal à déchiffrer les cartes postales. Un peu comme celle Marie-Francoise Roy mais avec un autre design … En fait il me semble que si on pense trop vite la main ne suit pas la pensée.

Ensuite sous l’impulsion d’Odile Lecacheux, je suis passée à Scientific Word, logiciel cher mais efficace, et enfin à LaTeX, gratuit et performant, quand il a fallu fournir des fichiers .TeX pour publier ne serait-ce qu’un résumé.
J’avoue ne pas tout maitriser dans LaTeX mais suffisamment pour pour gérer mes publications et mes exposés avec « Beamer » .
Il est loin le temps des transparents écrits à la main, puis de ceux imprimés page par page à partir de Chiwriter, ou encore de fichiers .pdf créés avec Scientific Word …
Nos conditions de travail ont beaucoup évolué depuis mes débuts.
Maintenant on peut monter un colloque en un temps record.

Plus tard encore d’autres hommes ont influencé ma carrière :

Je devrais bien sûr parler aussi de mes coauteurs Eberhard Becker, Murray Marshall, et des co-organisateurs de notre séminaire « Structures Algébriques Ordonnées » Françoise Delon et Max Dickmann mais ce sera fait ailleurs.

PREMIERS COLLOQUES INTERNATIONAUX

Mon premier exposé dans un colloque international fut à Bordeaux.
A l’époque la géométrie réelle se dissimulait au sein de la théorie des nombres.
La raison en était que le grand Dieudonné avait déclaré qu’on ne pourrait jamais rien faire en géométrie réelle !

Evidemment j’étais stressée à l’idée des questions qui pourraient m’être posées …
Et Paulo Ribenboim, directeur de mon DEA et co-auteur, m’avait suggéré par avance la réponse classique aux questions embarrassantes « c’est une question très intéressante, je ne sais pas y répondre mais je vais y réfléchir ».
Une autre épreuve fut lors d’un petit déjeuner, moment sacré pour moi mais où je ne suis guère performante. Mon voisin commença à me parler de mathématiques en connaissant visiblement ce que j’avais fait même si je n’avais pas encore exposé.
Moi je n’avais aucune idée de qui il était ! Et j’étais trop timide à l’époque pour demander … J’ai su après que c’était Yves Pourchet dont un résultat sur le 17ème problème de Hilbert venait de faire sensation dans le milieu : tout polynôme de Q[X] défini positif sur Q est somme de 5 carrés dans Q(X).
Enfin la dernière aventure de ce colloque fut qu’un mathématicien voulut aller diner en ville avec moi, je l’ai éconduit en me disant occupée et … nous nous sommes retrouvés seuls dans le même bus pour Bordeaux, le mensonge devenait flagrant ! Difficile d’être femme dans ce milieu masculin sans se faire d’ennemis !

Un autre colloque de théorie des nombres en France dont je me souviens fut à Luminy bien avant la création du CIRM.
Nous étions très nombreux et sommes bien sûr allés voir les calanques déjà.
Fait assez rare, sans doute faute de restaurant proche, il y eut une soirée dansante ! Je découvris un cavalier fantastique en Jean-Marc Deshouillers. Nous étions tous les deux très heureux de danser. Il me raconta qu’avec Francine chez eux parfois ils roulaient les tapis pour danser ! Jean-Marc est un camarade de promotion de mon mari et nous avons fini la soirée par une marche au clair de lune jusqu’au Belvédère.
Enfin je suis partie avant la fin du congrès, à l’époque j’enseignais à Brest et il n’y avait point de TGV. Je fis un départ remarqué … Hédi Daboussi, qui aurait bien voulu savoir danser la veille et aimait mon nez retroussé, m’a hurlé au travers du campus des « je t’aime » mémorables et très drôles.

Après ma thèse de troisième cycle dirigée par Pierre Samuel et soutenue à Orsay, comme j’avais découvert la puissance de certaines méthodes de Théorie des Modèles, Pierre Samuel m’a conseillé de continuer avec Gabriel Sabbagh.
Il m’avait aussi de manière prémonitoire conseillé d’aller voir à Grenoble Jean-René Joly qui avait un beau papier sur les sommes de puissances à Acta Arithmetica.
Jean-René Joly ne s’est pas intéressé à mes travaux et moi je n’ai pas vu ce que Pierre Samuel avait certainement en vue : les ordres de niveau supérieur.
Mais cela est venu à moi autrement, longtemps après, via l’article de Harmann dans le Contemporary Mathematics 9 où j’avais aussi un article après le colloque de San Francisco de 1981, le premier à ouvrir l’ère de la Géométrie Algébrique Réelle.

Grenoble fut un autre colloque international de théorie des nombres. Curieusement nous avons eu deux sorties en montagne. A la première j’ai loué du matériel et fait du ski alpin avec Daniel Bertrand qui venait de sortir de l’X. Mais le matériel loué et les pistes n’étaient pas magnifiques pour moi. Alors à la sortie suivante j’ai opté pour ma première expérience en ski de fond. La sortie était organisée par les Bertrandias, des presque professionnels de la chose. Les paysages étaient magnifiques et je m’en suis honorablement tirée. Sauf pour le manque d’expérience à l’arrivée à un col venté après un bonne montée : j’ai omis de me couvrir, regardé la vue et pris froid !
Je relis ce texte le 28 septembre juste après avoir appris que Jean-Paul et Françoise Bertrandias étaient décédés la semaine précédente dans un accident de voiture. Et ce souvenir de notre sortie en montagne devient plus émouvant.

LES THÉS MATHÉMATIQUES

C’est une sorte d’institution les thés de mathématiciens dans l’après-midi.
On y échange des idées, des projets, des références, des anecdotes et il s’y démarre souvent des recherches.
Bien sûr dans une salle où l’on prend le thé, il doit y avoir des tableaux noirs, ou plus récemment blancs. Maintenant certains sortent parfois l’ordinateur portable pour expliquer quelque chose de compliqué.

La première fois où j’ai découvert cette tradition c’était dans un endroit parfait pour cela : au Bedford College à Londres en 1973.
Là on avait même droit à deux thés chaque jour, un le matin et l’autre l’après-midi !
Le lieu, une salle des professeurs toute habillée de bois, était parfait pour cette cérémonie anglaise.

Ce qui peut paraître un moment mondain et futile est en fait essentiel à la vie des mathématiciens. Nos expériences en quelque sorte se font dans nos échanges d’idées lors de rencontres. On peut y tester l’intérêt d’un projet, la solidité d’une hypothèse ou l’avenir d’un étudiant.

Les autres thés très réguliers que j’ai connu sont ceux de l’IHP lors des trimestres recherche ou des colloques, et celui de Paris 6 qui précède toujours le colloquium mensuel du jeudi après-midi. Ce dernier est maintenant amélioré à l’IMJ-PRG de petits fours de traiteur pour attirer les foules ! Bien sûr si on parle toujours du thé, il y aussi du café et des jus de fruits. Mais « Le Thé » est le terme officiel !

A l’Institut Newton à Cambridge cela revêt une importance toute particulière. Surtout si l’on a en tête le mauvais diner universitaire qui nous attend très tôt dans le collège anglais où l’on est logé. Se gaver de cookies devient un mode de survie… Et étrangement là-bas il y a même des tableaux dans les toilettes, pour des besoins de partager des idées sans délai ?

Un souvenir de thé qui m’est commun avec Françoise Delon est celui où se rendait Krasner dont nous suivions à l’IHP le cours sur les valuations. Il quittait la salle pour aller au Thé et revenait dans un délai assez indéterminé et souvent très long, trop long même et j’ai fini par abandonner de suivre ses cours.

Bien évidemment les pauses café lors des colloques tiennent le même rôle mais c’est moins efficace car trop concerné par les derniers exposés auxquels on a assisté. Ce qui alors joue le même rôle que les thés ce sont les petits déjeuner après le travail nocturne du cerveau, et les bières ou les verres de vin du soir où l’alcool désinhibe un peu et permet de lancer des pistes audacieuses.

PREMIÈRES MISSIONS À L’ÉTRANGER

En 1973 j’ai été invitée à passer un mois à Queen’s University à Kingston en Ontario au Canada. C’était pour travailler avec Paulo Ribenboim.
Nous avions un article en cours où je lui avais montré l’usage possible de la Théorie des Modèles et en juillet 1973 nous avons initié un autre papier.
Les deux articles sont parus au Bulletin des Sciences Mathématiques en 1974.
Le second papier est réapparu à ma grande surprise dans un exposé de Konrad Schmuedgen en 2006 dans un congrès sur « Positive Polynomials » à Banff (Canada).
Il a été utilisé et cité assez souvent après cela. Chris Miller avait ensuite lors de ce congrès donné une autre démonstration, effective celle-là, de notre résultat.
La recherche fondamentale a besoin du temps long pour progresser et éventuellement avoir des applications.
Queen’s University a été mon plus long séjour dans une université étrangère. Pourtant c’est très favorable pour travailler en recherche. Mais après cela j’avais un puis plusieurs enfants, et cela devenait difficile de s’éloigner plus de 10-12 jours.

A Kingston j’étais logée à la « Student Union » et j’ai découvert la vie sur un campus d’Amérique du Nord. Depuis la boisson de packs de 50cl de lait aux déjeuners à la soulerie à la bière des étudiants le soir où ils alignaient les bouteilles.
J’ai aussi profité des installations sportives. C’est extraordinaire d’arriver avec juste un cadenas pour demander matériel et serviette, se changer, faire du sport, se doucher et repartir prête à travailler en bibliothèque. Un jour j’ai un peu parlé avec la personne de l’accueil du sport et elle a découvert que j’étais « française de France » ! Cela m’était visiblement très favorable !

En semaine j’ai parfois eu un vélo prêté par un membre du département de mathématiques. J’ai supporté des moustiques que les moustiquaires n’arrêtaient pas et parfois des orages dont un jour où j’ai même senti le champ électrique de la foudre qui a fait se dresser mes longs poils fins sur les bras, depuis je me méfie.

Aux week-ends je louais une voiture et j’allais visiter Toronto, Québec, Ottawa, et j’ai même fait une excursion aux USA.
Pour les USA vers les Thousand Islands, j’avais une Ford galaxy immense, je portais une robe short, presque un maillot de bain, j’étais sans bagage avec juste un passeport et quelques dollars canadiens !
J’étais naïve à l’époque, et je me suis demandée pourquoi à la frontière on m’interrogeait si longuement … mais je suis entrée aux USA et revenue sans problème finalement.

Quand je suis allée pour deux jours à Québec je n’avais rien réservé. Encore une inconscience ! L’office du tourisme m’a finalement indiqué une auberge de jeunesse en banlieue. J’ai garé ma voiture un peu plus loin et suis arrivée avec mon mini bagage. J’ai payé 50 cents pour un matelas de mousse dans une chambre commune et un petit déjeuner.
J’avais failli tricher sur mon âge en remplissant le cahier, j’avais 27 ans et tous les autres âges étaient moins de 20.
Le matin il y avait la queue dans l’escalier pour les toilettes. J’ai craqué, repris ma voiture et je suis allée petit-déjeuner et me laver dans les toilettes d’un de ces très grands hôtels au charme désuet dont le Canada a le secret.

Quand je suis allée vers Ottawa je suis revenue en flânant vers les lacs et les forêts. J’ai cru que j’allais y passer la nuit. Une voiture automatique cela descend bien un chemin de gravillons mais quand il faut remonter c’est une autre histoire.
J’ai finalement reculé le long du lac, pris de l’élan pour que la voiture passe en seconde et je me suis sortie du piège.
Il y avait probablement une manière de shunter la boite automatique mais on ne connait pas tout sur une voiture louée…

En fait j’étais partie deux mois avec comme à mon habitude juste un bagage cabine. En juin avec Claude nous avions fait un superbe voyage au Mexique et ensuite j’allais 5 semaines au Canada.
A Mexico nous avions aussi vu Paulo Ribenboim et j’ai adoré le bâtiment de la bibliothèque de l’Université. Nous avons emmené Paulo à Teotihuacan et je dois avoir quelque part une photo de lui ravi en haut d’une pyramide. Au retour j’ai eu très peur, Claude conduisait et à un moment il n’a pas réalisé que nous n’étions plus sur une voie d’autoroute mais sur une route à deux voies normales. Je lui ai fait part de cette remarque, il a pali mais nous n’avons pas eu d’accident.

Il faut dire que Claude était fatigué par notre voyage. Il avait tellement maigri qu’il avait acheté une belle ceinture en tortue ! Et il a fini par me laisser dans le quartier « rose » pour aller faire du stand bye auprès d’Air France et rentrer plus tôt.
Pour m’occuper je suis alors allée rendre visite à Monsieur et Madame Brille, mes professeurs de mathématiques de Math Sup à Janson et d’espagnol du Lycée de Saint Cloud, car ils habitaient en vacances leur hacienda en grande banlieue de Mexico.
J’ai pris un taxi et j’ai laissé voir que je parlais un peu espagnol. Alors le chauffeur a commencé à me demander si les petites françaises c’était comme dans les films …
J’ai été un peu inquiète, mais je ne l’ai pas montré, j’ai plutôt plaisanté et je suis arrivée à bon port…

SUR LA GENÈSE DES THÈORÈMES

C’est un phénomène assez mystérieux où le subconscient joue certainement un grand rôle. Le moment où l’on tient la clef de ce qu’on pense être un nouveau résultat est assez magique, c’est un moment de grande joie.
Il a été très bien évoqué par Laurent Schwartz dans sa conférence de clôture du Congrès Mathématique Junior.
Cela peut se passer n’importe où, et n’importe quand, mais il y faut certainement beaucoup de travail préalable et aussi avoir développé un grand intérêt pour un sujet qui mûrit tout seul dans son esprit.
Cela arrive comme une évidence qui nous étonne, car comment ne pas l’avoir vue auparavant ? Mais en réalité il y a eu un travail intellectuel inconscient et long qui a permis cette découverte.

Je me souviens de ma première trouvaille inattendue ; c’était dans une couchette seconde en direction de Grenoble et du ski.
Cela a donné une extension du 17ème problème de Hilbert pour des corps admettant plusieurs ordres et une petite note aux Comptes Rendus de l’Académie des Sciences (CRAS Tome 278, 20/08/1973).

En 1981 a germé pendant une conférence à San Francisco l’idée d’un 17ème problème de Hilbert au niveau supérieur, c’est-à-dire pour des puissances supérieures. J’avais alors parlé durant le congrès de ce projet à Paulo Ribenboim qui m’avait encouragée mais aussi dit qu’il y avait beaucoup de travail pour arriver à cela ; en particulier étudier en détail la théorie des ordres de niveau supérieur et faire une Théorie des Modèles pour des corps munis de tels ordres. Cela donnera après de nombreux travaux un très bel article en 1994 au Journal de Crelle (450, 139-157) écrit en collaboration avec E. Becker, R. Berr et F. Delon.

Je me souviens d’une autre fois en 1984, c’était environ un an après la naissance de mon second fils Vincent, épuisée j’étais partie me reposer à Antibes dans l’appartement récemment acheté par mon père et ma belle-mère. Cela avait commencé par une grosse décharge d’adrénaline quand l’ascenseur n’avait pas démarré et que tout s’était éteint dans un immeuble encore presque inoccupé. J’avais réussi à glisser des doigts et à ouvrir la porte en prenant force sur une jambe appuyée sur la paroi. Ouf !…
Je devais ensuite rendre visite à un oncle hospitalisé à Cannes, j’ai commencé par me promener sur le port où une réplique neuve d’un ancien grand voilier attirait l’attention ; un homme a engagé la conversation en anglais, c’était Hussein de Jordanie (« I am King of Jordania » (sic), et pas de doute vu les trois gardes du corps qui ne me quittaient pas des yeux et la belle auto qui l’attendait …). Il était intrigué par le bateau et aurait bien voulu m’embarquer au Palm Beach ! Je l’ai quitté sur un « Have a nice day » qui m’a mise en joie pour le reste de la journée.
Gourmande je suis allée acheter des fruits confits pour mon oncle et des clémentines confites pour mon diner. J’avais passé une belle journée et le soir sur la plage au coucher du soleil je dégustais les clémentines quand l’illumination est apparue sans préavis ; le rôle de certains éléments des corps selon que leur carré est ou n’est pas une somme de puissances quatrièmes. La belle formule découverte plus tard sur le nombre de composantes connexes d’une variété algébrique réelle lisse et non vide (1995 noyée dans un article en anglais, et 2021 plus détaillée et en français) est l’une des conséquences de cette découverte.

La dernière fois dont je me souviens c’était en 2020 pendant le confinement en montagne. A la poursuite de valuation fans abstraits depuis longtemps, j’ai été convaincue dans une balade sur des chemins fleuris que la notion de P-structure était à revoir, d’où m’est venue l’idée d’admissible P-structures ».
Le problème venait du fait que si les ordres sont des fans, et même des valuation fans, les fans triviaux à deux éléments semaient le désordre. Il fallait les éviter, Murray Marshall ne l’avait pas fait dans sa définition de P-structure. Ce travail n’est pas achevé à ce jour, j’espère trouver un collaborateur intéressé par mon projet !

ENSEIGNER À PARIS VI

J’ai été nommée à Paris VI à la rentrée 1976. J’habitais encore Brest et mon ainé Gabriel né fin juillet 1975 était encore très petit. Heureusement mes beaux-parents et mes parents étaient parisiens et m’accueillaient volontiers.
En 1978-1979 j’ai habité Amiens et Gabriel est allé à la maternelle liée au dépôt SNCF de Longueau dont Claude était le directeur. Ce qui est assez drôle c’est que c’est le poste qu’a occupé mon grand-père paternel en fin de carrière.
Mon père aussi était cheminot après avoir fait Sup Elec ; il s’est occupé en particulier de l’électrification Paris-Rouen.
Puis ce fut Lille de 1978 à 1980 et Gabriel est allé à la maternelle Wycar ; la garderie ouvrait vers 6h le matin et fermait à 20h ! Claude, patron des ateliers d’Hellèmes, avait un chauffeur et il pouvait ainsi déposer et reprendre Gabriel à ces heures matinales et tardives.
Je passais ma vie dans les trains, ce qui était en fait plus facile depuis Lille que depuis Amiens car il fallait changer à Longueau et les trains étaient déjà chargés.
Depuis Amiens je me souviens avoir parfois travaillé assise par terre dans un couloir. Je groupais mes cours sur 2-3 jours mais j’étais exténuée.
Mon enseignement et mon fils consommaient toute mon énergie. Je n’ai rien fait en recherche durant ces quatre années de double domicile.

Je serais bien en peine de décrire dans le détail les enseignements que j’ai fait entre 1976 et 2009 ! J’y ai travaillé avec beaucoup de professeurs dont Aribaud, Combes, Hervé, Krée, Marle, Peskine, Pisier, Smyrnelis, Varopoulos, Vauthier et bien d’autres…
J’ai commencé par faire des travaux dirigés en DEUG seconde année MP, et en licence ou maîtrise de mathématiques, en particulier j’ai enseigné plusieurs fois Topologie et Fonctions de variable complexe.
En 1979-1981 j’ai assuré le certificat de Topologie par correspondance. C’était beaucoup plus de travail qu’un enseignement en présentiel.
Puis j’ai fait en 1992-2008 des cours magistraux en amphi en DEUG SCM 1ère année, et ensuite en L1 modules LM 120 et 125.
A partir de 2004 j’ai aussi travaillé pour la formation continue dans un DIU dont je parlerai ailleurs.

Quand j’enseignais en première année, j’avais l’habitude de présenter plusieurs démonstrations d’un théorème ou plusieurs solutions pour un exercice.
Inévitablement ces étudiants sortant de l’enseignement secondaire demandaient « Quelle est la meilleure ? «
Systématiquement je leur disais que la meilleure était celle qu’ils préféraient… J’essayais de casser la rigidité de l’enseignement secondaire.
Dans des années ultérieures une de mes habitudes pour montrer la vivacité de la recherche en mathématiques était de leur faire une règle de 3.
Il y a en France (resp. dans le monde) environ 4 000 (resp. environ 40 000) chercheurs en mathématiques. En moyenne un mathématicien publie un article par an, c’est évidemment très variable, certains publient beaucoup plus, d’autres beaucoup moins.
Dans un article publié dans une revue scientifique internationale il y a au moins un théorème profond. Un rapide calcul montre qu’en France il s’invente plus d’une dizaine de bons théorèmes par jour, jours fériés inclus !
Après les choses se compliquaient, ils voulaient un exemple de théorème et je leur parlerai parfois de mon article sur les Corps de Rolle.
Cet article présente une axiomatisation des corps pour lesquels la propriété bien connue de Rolle est vraie pour les polynômes.
Publié en français en 1989 à Manuscripta Mathematica il est relativement peu connu, c’est pourtant, esthétiquement parlant, un très beau résultat.

Quand je suis arrivée à Paris une des premières choses qui m’a frappée a été le nombre d’étudiants d’origine étrangère. Nous sommes terre d’accueil pour les étudiants aussi. C’était intéressant de découvrir comment une civilisation et une éducation étrangère modèlent différemment les individus.
Les étudiants africains des années 1980 étaient de culture très orale, plutôt littéraire ou juridique, ils parlaient beaucoup mais parfois sans justifier leurs affirmations.
Pas mal d’années après cela avait beaucoup évolué, très certainement grâce aux collaborations internationales et aux programmes d’éducation mis en place par l’UNESCO en Afrique.
Il y avait aussi des étudiants hommes qui supportaient très mal d’avoir un professeur femme. C’était très nouveau pour moi, rien de pareil à Brest !
Parfois certains venaient me voir en fin de cours sous prétexte de poser des questions, mais en fait histoire de tenter de reprendre une certaine autorité !
J’ai eu aussi des élèves de l’ENS Fontenay, ce n’étaient pas les plus agréables. Ils se pensaient très forts, travaillaient un minimum et séchaient souvent.
Par contre j’ai beaucoup apprécié les étudiants de la section F dont je reparlerai plus tard. Ils étaient motivés, courageux au point de venir en cours de loin en skate ou en rollers quand il y avait grève de transports.
Ces étudiants étaient respectueux de leurs professeurs et reconnaissants de ce que nous essayions de faire pour les faire réussir.

Quelques étudiants particuliers sont restés dans mes souvenirs.
J’ai eu un couple qui s’était formé en première année et qui était attachant. Ils habitaient le 5ème, je les croisais parfois et longtemps après ils pouvaient s’arrêter pour me donner des nouvelles. Je crois que dans leurs débuts la vie n’était pas facile, je me souviens les avoir vu regarder l’étalage de gâteaux place Contrescarpe et repartir sagement sans rien. Plus tard j’ai appris que lui était en thèse.
Une autre année j’ai eu d’autres personnalités remarquables.
Je me souviens d’un monsieur âgé qui était Ingénieur des Mines et voulait se remettre à niveau pour faire des mathématiques en retraite. Ce qui est drôle c’est que cette présence a fait un peu évoluer mon langage durant les cours, il est devenu plus élégant, plus châtié.
J’ai eu aussi en cours une étudiante qui était absolument magnifique, elle aurait pu faire la couverture de Vogue. Elle croquait des pommes vertes à la pause…
Elle travaillait bien mais un jour elle est revenue en cours avec un très gros diamant à la main gauche. Et elle a fini par disparaître, mariée sans doute. Quel dommage !
Je me rappelle aussi d’un étudiant qui avait un look de marin breton avec de longs cheveux blonds et qui habitait Etampes. Il travaillait bien, ne séchait jamais et a très bien réussi ses examens.

A l’époque de la réforme « Devaquet » j’ai eu un vendredi matin la visite d’un comité de grève. Je leur avais donné 10-15 mn pour s’exprimer.
A un moment un élève les a interrompus « Moi je n’ai pas de problème, je suis bon, je travaille et j’ai de l’argent » ; que faire, que dire ? Rien et les laisser échanger…
Au bout de 20-25 mn j’ai proposé que ceux qui voulaient continuer à discuter aillent le faire dans le couloir et que ceux qui voulaient travailler restent en salle.
Aucun étudiant n’est sorti à part le comité de grève. D’une certaine manière c’était élogieux pour mon travail. Mais cela m’a couté cher : le lundi mon bureau avait été mis à sac et les papiers maculés de coca, café ou autre. C’est assez traumatisant ce viol de son espace de travail.
Plus tard j’ai croisé dans Jussieu l’étudiant qui avait fait la déclaration fracassante ci-dessus et … il était en uniforme d’EOR, encore une audace provocante. C’est le seul uniforme militaire croisé en 50 ans à Jussieu !

Un autre étudiant mérite un paragraphe spécial. Constantin R. Il arrivait systématiquement avec 5-10mn de retard, mais il était beau comme un dieu et je l’imaginais ayant passé la nuit en smoking blanc…
Il travaillait bien, posait des questions intelligentes et ne laissait jamais passer quelque chose qu’il n’aurait pas compris. Ce devait être en 1984 j’attendais mon second fils Vincent dissimulé sous des pulls un peu larges.
Deux ans plus tard je crois, il a fait irruption dans mon bureau. Il m’a expliqué qu’il avait séché tous les cours et qu’il avait besoin de cours particuliers. Ce n’était pas mon habitude d’en donner mais je savais l’étudiant intelligent et que lui apprendre des mathématiques serait un plaisir. J’ai donc accepté !
J’ai ainsi appris que c’était le fils de l’ambassadeur de Grèce (le smoking blanc n’était pas loin), et que sa mère était chercheur en physique au CNRS (l’esprit scientifique venait de là). Je lui ai donné beaucoup de cours, je ne les ai pas tous fait payer, car nous étions devenus presque des amis, ou plutôt un peu comme une mère et un fils sans avoir de différend. Cela m’a valu un beau cadeau : un grand et beau châle en lin de chez Dior.
Nous avons aussi parfois joué au tennis au Luxembourg où il avait un créneau, et au tennis club des cheminots où j’avais mes entrées par Claude. Il circulait dans une BMW à plaque verte et conduisait un peu follement. Je me souviens sur un quai rive droite du 16e l’avoir vu prendre la voie de bus à contresens en franchissant la séparation !
Nous avons aussi beaucoup bavardé et beaucoup flâné dans Paris. Il m’a fait connaître l’existence de l’Institut Arthur Vernes où il allait se faire examiner suite à quelques-unes de ses frasques … J’ai aussi découvert grâce à lui le superbe magasin « Il bisonte » rue du cherche midi. J’y ai acheté plus tard un sac dont la fidélité est telle qu’il m’accompagne encore aujourd’hui plus de 25 ans après.
Mais, il y avait aussi un mais, j’avais donné mon numéro de téléphone et il m’appelait souvent et trop longuement. « C’est Constantin » me disait mon fils Gabriel d’un air résigné après avoir décroché …
Après cela je n’ai plus jamais donné que des adresses e-mails dont les étudiants n’abusent pas !

MATHS, METS ET VINS

Les mathématiciens sont souvent gourmands et gourmets. Lors de
l’organisation de colloques il convient de veiller à la qualité du
« social dinner » comme on dit ! J’ai quelques beaux souvenirs.

A San Francisco le guacamole de l’Université de Berkeley pour un
cocktail de l’ICM 1986 est un souvenir très gouteux.
Toujours à Berkeley, mais au MSRI cette fois, les donuts de la pause
du lundi matin apportés par une femme de l’administration, sont carrément
fantastiques !
Et toujours à Berkeley je me souviens d’un diner tout « garlic », même
la glace au dessert, avec Max Dickmann le soir d’une arrivée sur
place. En fin de diner mes yeux se fermaient mais se coucher tard est le meilleur moyen de se mettre à l’heure locale !
Un jour je fus diner dans un restaurant réputé de Berkeley avec un
groupe de RAAG (Real Algebraic and Analytic Geometry) ; je me souviens
que Tomas Recio voulait commander un vin espagnol Rioja. J’ai protesté
et j’ai été soutenue, alors nous avons pu boire un Zifandel parfait !

Dans les diners mémorables il y a aussi celui de l’ICM 2002 à la maison
du peuple place Tiannamen : 3000 convives dans une seule salle pour un
diner chinois servi par une armée de serveurs impeccables dans leurs
uniformes. La collection des quelques 80 bus qui nous attendaient
devant n’occupaient quasi pas d’espace sur Tiannamen immense.
Mais en fait le meilleur diner fut la fondue chinoise découverte dans
un restaurant très simple au milieu des Hutongs où, avec Daniel Lascar,
sa femme et ma fille Alice, nous nous étions perdus et avions faim !
Après le diner un jeune étudiant parlant anglais nous a aidés à sortir
des Hutongs. Et pour lui Paris c’était le film d’Amélie Poulain !
A part cela avec Alice, le soir où nous avions une soirée prévue par l’ICM à
l’Opéra de Pékin nous sommes allées déguster un canard laqué dans le
restaurant réputé pour ce plat, et avant de reprendre le métro pour aller à
l’Opéra nous nous sommes changées dans les toilettes du restaurant !

Au Chili à Talca ce fut un cocktail à l’Université avec le meilleur
Pisco jamais bu. De ce premier voyage au Chili en décembre 2002 j’ai
rapporté deux bouteilles de vin rouge extra (pour les réveillons),
achetées chez un analogue local de Lavinia ou Fauchon, et 3 kilos de
cerises achetées au Mercado Central de Santiago. Tout cela a été plus
apprécié que mes puddings Fortnum et Mason rapportés de Londres !

Au Brésil mon premier diner « Rodizio », mémorable, fut à Campinas en 2004 lors d’une école d’Algèbre. Oh la bosse du bison quand elle est de qualité et juste
bien cuite, c’est vraiment un régal. !
Par contre coté vins au Brésil, il faut oublier le vin local. Je me
souviens d’une expérience avec Ido Efrat, nous n’avons pas réussi à le
boire … Mais heureusement le Malbek argentin et le Carmenere chilien
ne sont pas loin pour l’importation.

Au Costa Rica en 2004, notre diner de colloque fut dans une plantation
de café. J’ai oublié le menu mais ils nous ont servi un café inouï sur
des trépieds à chaussette individuels (cela se nomme « Chorreador de
cafe »). Séduite j’ai acheté sur place un trépied et tous les matins
que je passe à l’Alpe d’Huez (une bonne centaine par an) je fais mon café
avec mon chorreador et je renouvelle les chaussettes en les achetant
chez Mariage Frères au Bon Marché…

Il y a parfois de moins bons souvenirs gustatifs ; en 2009 à Bedlevo en Pologne
nous avons eu choux, pommes de terre et saucisses pendant une semaine !
Mais le soir du diner social, à peine amélioré, il y a eu un concert improvisé,
Martin Ziegler sur un vieux piano a accompagné Katrin Tent qui
chantait des lieders. Un étudiant tenait un halogène incliné pour
éclairer la partition. Ce fut un moment magique qui a très largement
rattrapé les repas insipides.

En 2011 un colloque de logique se tint à Koc University prés d’Istanbul.
La soirée festive fut un barbecue sur le pont d’un bateau privatisé qui a
descendu le Bosphore de jour et l’a remonté de nuit. C’était la fin
du ramadan, sur de nombreux bateaux et dans les restaurants des rives
c’était la fête. Je me souviens qu’avec Zoé Chatzidakis nous avons
même fini par esquisser quelques pas de danse ! Au week-end suivant je suis restée à Istanbul et avec Katrin Tent et son mari nous fûmes diner en terrasse avec un spectacle de musique et danse de derviches tourneurs.

Une réunion O-minimalité se tient à Lisbonne en Juillet 2013 à l’époque des « Caracoles », de petits escargots délicieux servis partout.
Avec Max Dickmann nous travaillons à notre projet de Colloque
au CIRM pour 2015 en dégustant ces petites bêtes avec cerveza ou vino
verde ! La vie est belle et Lisbonne aussi …

ENSEMBLE(S)

Être femme dans un milieu essentiellement masculin peut être parfois compliqué …
Un brillant professeur de Paris VI est bêtement tombé amoureux de moi, il ira jusqu’à me dire qu’il l’est depuis l’ICM 1978 à Helsinki où je ne me souviens même pas l’avoir croisé … Ce dont je me souviens pour Helsinki c’est d’avoir expérimenté la médecine finlandaise pour une laryngite attrapée à force de nuits trop courtes en août. L’abaisse langue passé à la flamme m’a rappelé mon école primaire, et je suis allée 3 fois à la pharmacie à cause du temps nécessaire au comptage des pilules d’antibiotiques !

Donc ce brillant mathématicien a postulé et obtenu un poste à Paris 6. Pas méfiante j’ai commencé par bavarder avec lui de mathématiques et de montagne, et j’ai même parfois déjeuné avec lui. Pour moi c’était juste un collègue intelligent, mais lui y voyait une manière de m’approcher.
Il a commencé à débarquer dans mon bureau sous des prétextes variés. J’ai vite compris que si mon téléphone sonnait et qu’il n’y avait personne au bout du fil il fallait que je me précipite pour fermer mon verrou.

Cela amusait beaucoup Thierry Coulhon et Thérèse Merlier avec lesquels je partageais mon bureau et auxquels je racontais mes problèmes de harcèlement.
Un jour les choses se sont terminées chez Anne Durrande qui gérait l’UFR ; j’avais choisi mon enseignement et mes horaires et il était intervenu pour que je travaille dans sa section. J’ai violemment protesté évidemment, et Anne, qui avait bien compris, m’a laissé mon choix d’enseignement initial.

Inscrite à un congrès à Catane, j’ai mon billet pour Palerme et une réservation de location de voiture, mais le matin du départ mon fils Vincent a plus de 39 de fièvre et des maux de tête, j’annule mon départ car Claude est déjà parti à son bureau et impossible de laisser l’enfant seul. Je fais les démarches nécessaires aux annulations et le soir je reçois un appel anxieux du collègue amoureux. Pourquoi ne suis-je pas arrivée à Catane ? Je reste polie sans plus, mais comment a-t-il pu trouver mon numéro de fixe privé ?

Une autre fois je reçois (une fois de plus) un message me proposant de déjeuner « ensembles ». Je réponds que je ne suis pas libre, et que ensemble ne prend un S qu’en mathématiques.

Hélas cela ne suffit pas. Il m’envoie des lettres délirantes qui finissent au panier.
Je fais des courses dans le quartier déjà bien enceinte d’Alice, en 1989 donc, et il me suit assidument, impossible d’être tranquille. Je me retourne lui dit de me laisser en paix et lui allonge une droite (j’ai fait tout mon primaire avec des garçons !), puis je me réfugie dans un immeuble. Mais rien n’y fait le harcèlement se poursuit …

Jusqu’au jour où je vois un papier affiché sur sa porte à l’intention de ses collègues « on déjeune ensembles à … », je sors mon stylo et barre visiblement le S. Le papier reste là une bonne semaine, il doit être en mission. Et miracle j’ai enfin la paix ! Il ne m’a plus jamais reparlé !
Morale : une bonne humiliation est une méthode efficace pour se débarrasser des hommes qui vous importunent …

MAX DICKMANN

Ma fille Alice dit de Max que c’est mon meilleur ami ! C’’est en tout cas plus qu’un collègue. Et c’est l’un des trois collègues, avec Salma et Murray, qui sont venus à la fête de mariage de mon ainé et dans ma maison normande.
Parfois je dis en riant que j’ai plus voyagé avec lui qu’avec ma famille.
Il serait plus facile de compter les missions à l’étranger dont il n’était pas que celles où il venait. C’est un excellent compagnon de voyage, curieux d’esprit et très cultivé. Il partage son savoir de façon claire, simple et à propos.
Nous avons aussi en commun un goût certain pour la table et aimons partager un bon repas ou découvrir un vin.

Cela fait donc plus de 35 ans que nous travaillons ensemble et ce sans jamais aucun désaccord. L’organisation du séminaire bien sûr à laquelle nous réfléchissons parfois autour d’une bière ou d’un verre de vin. Nous travaillons aussi à son édition annuelle, je rassemble les documents et les organise, et Max vérifie les textes.
Nous avons aussi collaboré longuement pour le trimestre Borel/IHP en 2005 et pour l’organisation du colloque au CIRM des 30 ans du séminaire en 2015.

Max Dickmann connait beaucoup de mathématiciens, mais il y a aussi beaucoup d’amis non matheux. Il est naturellement généreux et héberge souvent des collègues ou amis chez lui. Parfois on lui prête des logements ici ou là. Je vais relater quelques-uns de mes meilleurs souvenirs en déplacements professionnels.

Je me souviens d’une maison qui lui était prêtée dans la pente de Berkeley avec une superbe terrasse. En remerciement entre deux conférences Max repeignait la balustrade de la terrasse.
Il y a organisé un diner polyglotte, où nous changions sans arrêt de langue, anglais, français, italien, allemand, espagnol. C’était un choix pragmatique et instinctif : s’exprimer facilement et être compris le mieux possible de tous. Ce fut parfait.
Avec Francesca Aquistapace nous avions cuisiné ce que nous pouvions avec des restes dans le frigidaire et cela a paru bon. Max nous avait dit en riant que les femmes avaient un art particulier pour tirer parti des restes …

Toujours à Berkeley un jour où j’avais loué une voiture, Avis m’avait surclassée de B à un somptueux cabriolet métallisé turquoise ! Max m’a demandé de l’emmener dans un magasin d’Oakland pour acheter du matériel de pêche pour lui et ses cousins argentins. Il m’a guidée dans ces banlieues compliquées et nous sommes arrivés à un grand magasin où le rayon pêche était confiné au fond du premier étage. Le reste du magasin était consacré aux armes, toutes sortes d’armes. C’était terrifiant. Il y avait entre autres choses des armoires coffres, genre réfrigérateur en noir, labellisées Browning. Heureusement les essayages de tenues de pêche par Max m’ont bien détendue et il a trouvé ce qu’il cherchait.
A chaque fusillade de masse aux USA je repense à mon étonnement glacé quand je suis entrée dans ce magasin.

Francesca Aquistapace et Fabrizio Broglia sont des mathématiciens de Pise. Ils y ont organisé plusieurs colloques RAAG. Nous étions souvent logés dans un ancien monastère transformé en hôtel plein de charme. Il s’agissait de l’hôtel Santa Croce a Fossabanda : https://santa-croce-hotel-pisa.hotelmix.fr/
Une fois je partais en avion pour Pise avec le même vol Air France que Max.
Le vol a été annulé, on nous proposait de partir le lendemain ou de passer par Gênes le soir même. Nous avons de concert choisi cette option. A Gênes nous fûmes embarqués dans un bus pour Pise. A l’arrivée, vers 2h du matin, nous fûmes déposés dans un aéroport désert, que faire ?
Nous avons vu un panneau avec un numéro de taxis, j’avais un téléphone mobile et Max parlait assez bien l’italien, cette coopération nous a sauvés !

Une autre fois nous étions en congrès à Ravello, c’était je crois en l’honneur des 60 ans de MacIntyre . L’endroit est superbe et les environs sont intéressants ; ma chambre avait terrasse et vue sur mer, c’était idyllique.
Les conférences se tenaient dans une chapelle désacralisée. Le programme avait ménagé de longues pauses déjeuner. Cela permettait de descendre se baigner et de remonter la longue pente pleine de citronniers qui sépare Ravello de la mer.
Deidre Haskell était venue avec son mari et leur petite Zoé. Lui s’occupait de son adorable fille magnifiquement.
J’avais loué une voiture en ces temps fastes, et Max avait un ami qui habitait dans la presqu’ile de Sorrente. Nous sommes donc allés lui rendre visite dans une maison superbe avec vue sur le golfe de Naples et le Vésuve. Dans le jardin magnifique son ami nous a servi un poulpe inoubliable mitonné à notre attention.
A un moment son ami nous a demandé « vous avez des enfants ? « . Max a élégamment répondu « Madame oui et moi non ». Cela a clos parfaitement l’ambiguité de la situation !

Lors de ma première mission au Chili pour un colloque organisé par Ricardo Baeza, professeur à l’Université de Talca, notre réunion commençait à Talca et se poursuivait à Pucon près du volcan Villarica où un bus de l’université de Talca nous avait emmenés. Nous voulions escalader le volcan et avions tout prévu, mais le temps s’est gâté et nous avons finalement fait sous la pluie une magnifique promenade dans la forêt primaire en la terminant dans des bains thermaux. Claus Scheiderer faisait partie de cette excursion mémorable. Max a ensuite aidé Claus à réserver un vol pour le sud de la Patagonie, car Claus voulait randonner seul dans le parc Torre del Paine. Je me souviens avoir alors pris une photo de Claus qui m’a dit souriant « It might be the last picture of me », mais il nous est heureusement revenu.
A la fin du colloque un ami de Max nous a emmenés, avec Alex Prestel, dans la ferme qu’il possédait un peu plus au sud. Nous y avons retrouvé des cousins de Max (les pêcheurs) qui étaient venus d’Argentine et avec lesquels Max allait repartir.
Ce fut un petit séjour très intéressant, il y avait aussi une ancienne centrale électrique sur un petit cours d’eau du domaine. Nous étions en décembre et avons aidé à cueillir les cerises. Elles étaient fantastiques.
Le vol retour Temuco-Santiago, montrait à gauche le Pacifique et à droite les Andes, concrétisant l’étroitesse de ce pays. A Santiago j’ai acheté 3 kilos en trois sortes de cerises au Mercado Central, et à la saint Sylvestre nous les dégustions encore ! J’ai aussi acheté deux bouteilles de très bon carmenere chilien, dont une avec une étiquette qui représente un glacier !
En repartant de Santiago je n’ai pas vu l’Aconcagua que j’avais très bien vu à l’aller lors du début de descente sur Santiago. Quelle masse débouchant sous l’aile droite ! Je m’étais alors souvenue du Walt Disney qui m’avait fascinée très jeune enfant :
« Saludos amidos » cf. https://www.chroniquedisney.fr/perso/1943-pedro.htm

J’ai aussi été invitée à donner un exposé à l’Université de Buenos Aires, avant d’aller à un colloque à Campinas au Brésil. Max qui avait loué un logement pour un long séjour, est allé chez une amie pour me laisser quelques jours son appartement.
Faisant la preuve encore une fois de sa très grande gentillesse.
Nous sommes ensemble allés à un diner présentant des danseurs de Tango. Il m’a aussi emmenée diner chez des amis professeurs en Uruguay qui avaient un appartement incroyable.

Je suis allée deux fois à Rio de Janeiro.
La première fois je suis allée diner chez une amie de Max. Elle habitait près d’une favela. L’accueil était très sécurisé. Le taxi attendait que je sois prise en charge et on venait me chercher dans le hall. J’ai découvert là un double discours, d’une part contre la délinquance dans les favelas et d’autre part sur l’utilisation de leurs habitants comme personnel de maison qui avaient d’ailleurs cuisiné notre diner.
La seconde fois je suis allée déjeuner chez un professeur ami de Max. De la famille Chateaubriand, il possède une superbe collection de tableaux de maîtres et une énorme bibliothèque. Il a aussi plein de chiens de garde …
La maison à flanc de coteau, près d’une autre favella, a une très belle vue, et sur les arbres plein d’orchidées fleurissent …

Souvent après notre séminaire quand l’orateur est étranger Max et moi l’emmenons diner au restaurant accompagnés parfois d’autres mathématiciens.
Un tel soir chez Lena et Mimile, place Lucien Herr dans le 5ème, quelqu’un a posé la question « Quand penserez-vous que vous êtes vieux ? ».

Et voici les réponses qui fusèrent alors :

Pour aucun d’entre nous l’hypothèse « quand je ne pourrai plus faire de recherche mathématique » n’a été évoquée ! Ce n’était même pas pensable …

STRUCTURES ALGÉBRIQUES ORDONNÉES

Structures Algébriques Ordonnées, c’est le titre du séminaire que je co-organise avec Max Dickmann et Françoise Delon depuis 1984 ; il est surnommé DDG, par analogie au DPP (Delange-Pisot-Poitou) de Théorie des Nombres, et il est devenu une institution puisqu’il fonctionne encore en 2021 …
Il a été passagèrement nommé DDGS entre 2015 et 2020 quand Tamara Servi a aussi travaillé avec nous.

Un jour Max Dickmann était venu dans mon bureau en me proposant de co-organiser un séminaire. Ce devait être à la suite de l’exposé que m’avait demandé Gabriel Sabbagh pour le séminaire général de logique du lundi. Nous avions un intérêt commun pour la géométrie algébrique réelle, mais Max était plutôt du côté de la Théorie des Modèles et moi de l’Algèbre. J’ai été enthousiaste et ensemble nous avons demandé à Françoise Delon de se joindre à nous. Françoise était également logicienne et elle connaissait très bien la théorie des valuations qui est très liée à celle des ordres.

Ce trio a très bien fonctionné, chacun avait ses sujets préférés et son petit réseau ce qui donnait une belle ouverture au séminaire. Nous étions aussi très motivés pour donner parfois la parole à des thésards afin qu’ils exposent leurs premiers résultats, ou pour profiter d’un invité longue durée qui nous faisait un mini cours spécialisé. La parole y était très libre et tout le monde osait poser des questions. C’est une très bonne manière d’améliorer un article ou de commencer des collaborations.

Au-delà des réseaux européens RAAG (1994-1997 et 2002-2006) et MODNET (1993-1996 et 2004-2008) nous avons aussi bénéficié de programmes Procope (1989-1994 et 1997-1999) avec l’Université de Dortmund, et nous avons aussi eu un programme de collaboration bilatérale entre Paris VI et l’Université du Saskatchewan (1999-2004). Tout cela nous a beaucoup aidé pour inviter des conférenciers étrangers et travailler en collaboration.

J’ai cosigné deux fois avec Françoise Delon (au Journal of Symbolic Logic et au Journal de Crelle), mais avec Max Dickmann si nous avons énormément discuté de mathématiques nous n’avons jamais cosigné autre chose que la préface du Contemporary Mathématics 697 ! En fait chacun gardait une optique différente et continuait sa propre voie. Ceci était d’autant plus vrai que Max Dickmann étant argentin partait régulièrement d’Octobre à Janvier en Amérique du Sud à Buenos Aires ou à Sao Paulo. De temps en temps je m’amusais à le surnommer l’homme aux deux printemps. Mais ces absences mettaient un terme à une potentielle collaboration.

Le seul problème rencontré avec mes co-organisateurs était qu’eux étaient chercheurs CNRS, sans réelle obligation d’enseigner et n’avaient pas d’enfant. En comparaison j’étais enseignant-chercheur et j’avais déjà deux enfants en octobre 1984. C’était un peu difficile pour moi de disposer d’autant de temps qu’eux pour la recherche.

En 2005 avec Max Dickmann et Michel Coste nous avons organisé à l’IHP un trimestre Borel sur la géométrie réelle dont je parlerai ailleurs.

Pour 2015 j’ai eu envie de marquer notre trentième anniversaire du séminaire et je m’en suis ouverte à Max et Françoise. Nous avons donc dès 2013 soumis une demande au CIRM pour y faire un colloque.
Notre demande, que je peaufinais avec Max durant un colloque à Lisbonne, a été acceptée et nous avons complété le financement du CIRM grâce à l’IMJ-PRG, au GDR Théorie des Nombres, mais aussi à la NSF (National Science Foundation américaine) qui a soutenu les participants venant des USA. Vicky Powers et Greg Bleckermann nous ont aidés à monter ce dernier financement. Le CIRM, et en particulier Olivia Barbarroux, nous a beaucoup facilité la tâche pour l’organisation et j’ai gardé un excellent souvenir de cette opération.

Pour cette occasion fêtant nos trente ans de séminaire Max a réalisé un petit opuscule qui fait des statistiques sur les sujets traités et le taux de conférenciers étrangers, et qui montre très bien comment nous avons su faire évoluer les thématiques au cours du temps. En 30 ans il y a eu 440 exposés, 284 contributions écrites aux actes du séminaire et 60% des exposés ont été faits par des mathématiciens étrangers venant de 25 pays.
Pour celles des années où nous avons eu un site internet les archives du séminaire peuvent être consultées sur la page http://semsao.imj-prg.fr

Ce colloque a été une vraie réussite, nous avions 5 thèmes pour les 5 journées et cela a permis d’avoir pour chacun des intervenants de grande qualité. Comme souvent il y eu aussi un regret, un de nos conférenciers et co-auteur Murray Marshall est décédé en mai 2015. Nous avons donc remplacé sa conférence par un hommage et un exposé sur ses travaux.

Nous avons aussi avec l’aide de Marie-Françoise Roy dédié une soirée à la situation des femmes en mathématiques dans différents pays.
Cet amphi a été bien rempli et cela s’est poursuivi en beaucoup de discussions sur le sujet les jours suivants.

Et en plus de la session poster usuelle pour les jeunes, nous avons fait une soirée pour des exposés courts de 15mn par des post-doc volontaires.
Leurs exposés ont été remarquables et parfaitement préparés pour ce temps si court. C’était satisfaisant de sentir en quelque sorte la relève assurée.

A la traditionnelle bouillabaisse du jeudi soir nous avons posé la question : devions-nous arrêter le séminaire après ces 30 années ou le continuer ? Les participants ont beaucoup insisté pour que nous continuions. Nous avons alors recruté Tamara Servi comme co-organisatrice, malheureusement suite à des soucis de santé elle renoncera à participer à l’organisation en 2020.

Le CIRM conserve toutes les informations sur ce colloque :
les comités, le programme, mais aussi des photos, des résumés, des transparents, et des vidéos. Cela peut être consulté à l’adresse :
https://conferences.cirm-math.fr/1155.html

FRANÇOISE DELON

Je connais Françoise depuis le lancement en 1984 du séminaire « Structures Algébriques Ordonnées » que nous co-organisons avec Max Dickmann.
Puis nos liens se sont renforcés au moment de la création de l’association Femmes et Mathématiques à laquelle nous avons toutes deux participé et dont elle fut un moment présidente.

Surtout nous avons consigné deux articles ensemble, au Journal of Symbolic Logic en 1991, et au journal de Crelle (J. für die reine und Ang. Mathematik) en 1994. Cela s’est fait après une série d’articles utilisant les ordres de niveau supérieur que j’avais introduit dans le séminaire à la suite du colloque de 1981 à San Francisco. Max Dickmann et Françoise ont aussi publié plusieurs papiers autour de ce sujet.
Un jour où nous discutions d’un de nos articles en gestation par téléphone, je me souviens que Françoise m’avait dit « Si tu voyais mon bureau ! » et c’était très amusant d’imaginer les papiers éparpillés tout autour de notre travail en cours comme cela nous arrive parfois. Rédiger nos résultats est souvent plus compliqué que de les concevoir, voire même parfois de les démontrer.

Nous avons aussi collaboré au sein des réseaux européens Modnet et avons été membre de contrats Procope entre les universités de Paris 7 et de Dortmund.
Nous avons aussi édité quelques livres issus de notre séminaire pour 1984-1987 dans les éditions de Paris 7 et pour le colloque des 30 ans tenu au CIRM en 2015 et édité dans la série Contemporary Mathematics. Enfin Françoise maintient ponctuellement à jour la page du séminaire où se trouvent les archives.
Au-delà de ces deux publications conjointes nous avons travaillé sur des sujets voisins. Par exemple nous avons toutes deux un article sur les corps de Rolle, mais nos axiomatisations au premier ordre ne se ressemblent pas, la sienne relève plus de la logique et la mienne de l’algèbre.
Une autre fois j’avais travaillé sur un nullstellensatz pour des corps chaîne-clos et là aussi un de ses élèves Rafaël Farré travaillait sur des sujets proches.

Françoise est une personne solide et pas seulement au plan mathématique.
Elle est aussi très fiable sur le plan de l’amitié, ce que j’ai bien vu lorsque nous avons malheureusement dû rendre hommage, dans une édition de notre séminaire, à notre collègue François Lucas récemment décédé.
Elle l’est aussi psychologiquement car elle a dû affronter un grave souci de santé et passer beaucoup de temps en salle d’opération et en convalescence. Mais la volonté a eu raison de la maladie et Françoise est toujours une collaboratrice efficace et précieuse.
Je dirai que j’aime beaucoup sa manière de dire les choses avec franchise, très directement, même si la chose n’est pas très agréable à entendre.
C’est une manière efficace de faire progresser les personnes et une preuve d’amitié. Elle m’avait par exemple un jour dit que je parlais trop de moi. Elle avait raison et j’ai depuis essayé de faire plus attention. Évidemment être fille unique est surement un peu en cause. J’espère avoir progressé !
Françoise a une très grande ouverture d’esprit, elle est consciente que la société et ses mœurs et lois évoluent nécessairement. Elle peut même les accompagner ; par exemple je me souviens de ses confidences sur les difficultés de sa maman pour obtenir une nouvelle carte d’identité pour pouvoir aller en Suisse finir dignement sa vie. Françoise en était malheureuse mais comprenait bien la chose.

Parfois Françoise peut aussi être drôle avec des remarques bien ciblées et bien formulées. Un jour que nous étions au balcon au-dessus d’un hall durant un colloque, à Dortmund peut être, je me souviens qu’elle m’avait dit en voyant passer un jeune matheux en bas « il est pas mal cet étudiant, il n’y a rien qui dépasse sauf ce qu’il faut ». Clairement je pensais un peu la même chose mais je n’aurais pas su l’exprimer ainsi avec humour.

Nous partagions aussi autrefois une certaine passion de la montagne que Françoise à un peu abandonnée maintenant, mais elle m’écoute quand même très gentiment quand je parle de ski ou de randonnées voire de mon trek au Népal. Il faudra que je lui montre l’album photo de ce trek au Kala Patar. Son caractère toujours positif lui fera apprécier quelque chose qu’elle ne peut plus faire maintenant mais qu’elle aura joie à imaginer.

C’est toujours un plaisir de parler de l’existence avec Françoise.
Un jour elle m’avait philosophiquement dit que chaque âge avait ses joies et qu’il fallait s’y adapter sans regrets de celles d’autrefois.

LE PARFUM

C’est une des expériences les plus troublantes de mon existence de mathématicienne. Je fais les travaux dirigés, de topologie me semble-t-il, d’un brillant et sympathique professeur.
A la fin des cours du certificat il me demande de venir le voir pour discuter du sujet d’examen, j’apprécie car tous les professeurs faisant des cours magistraux n’ont pas cette attention. C’est pourtant important pour que le sujet soit bien adapté à l’enseignement que nous avons donné en binôme.

Et donc je suis assise à côté du professeur pour examiner le sujet et là il se passe une chose incroyable. Je suis subjuguée par son parfum, dont j’ignore l’origine et la marque. C’est terrible car cela anéantit complètement mes facultés intellectuelles ! Je fais des efforts énormes pour me comporter raisonnablement.
Je n’ai pas dû faire beaucoup de remarques intelligentes sur le sujet !
Je n’imaginais pas qu’un parfum pouvait avoir autant d’effet.
Le pouvoir de séduction – réel – du professeur n’y est pour rien, c’est seulement son parfum qui me rend stupide … Mais que trouve-t-on là-dedans ? Des phéromones peut-être ? Ou vient-il d’Inde où ce professeur aime aller ? Heureusement soit il ne s’est pas aperçu de mon trouble, soit en gentleman il l’a ignoré, ouf !
J’écris ce texte en 2021, en ces temps de covid, cette maladie qui peut parfois faire perdre l’odorat ! Que ce serait dommage …

Après cette aventure je regarderai la publicité d’un certain parfum avec un autre œil, elle assure que  » Il se parfume elle s’abandonne  » .

Je croyais qu’il s’agissait d’Opium par Yves Saint Laurent dont on dit : Opium est un art de vivre, une façon d’aller au bout de soi-même. Une harmonie orientale aux notes boisées et épicées. Cette version intense et profonde souligne la sensualité d’une fragrance Orientale aussi mythique que mystérieuse…

Mais recherche faite ce texte publicitaire dont je me souviens trop bien est pour le parfum « Bel ami » d’Hermès dont je reprends ci-dessous des descriptions dans les publicités…

« Signée Jean-Louis Sieuzac en 1986, la fragrance de « Bel Ami » met le cuir à l’honneur et son odeur est omniprésente.
S’inspirant du roman éponyme de Guy de Maupassant il incarne tous les clichés véhiculés par cet univers littéraire de la fin du siècle.

Il mêle l’opulence à la légèreté et laisse dans son sillage une ambiguïté intrigante et fascinante. En l’occurrence, « Bel Ami » est un parfum d’androgynie. Il correspond à un homme élégant et soucieux de son apparence. Sa virilité est très raffinée et sa fraicheur s’associe à merveille à son aspect plus suave et quelque peu érotique.
« Bel Ami » incarne l’image d’un homme s’inscrivant pleinement dans l’air de son temps. Ce dernier maîtrise à la perfection l’art du paraitre et sait séduire. Il véhicule son aura à travers le monde et plait infiniment aux femmes. Qui plus est, il s’adresse tout autant à un homme en jean, qu’à celui vêtu d’un smoking. Peu importe que cet homme soit fort ou fragile, l’essentiel est que celui-ci fasse rêver les femmes. Il est comme le héros de Guy de Maupassant : très sensuel, aimant séduire, à la fois ami et amant … «
La très belle description de cet homme parfumé convient parfaitement au professeur émérite et académicien que mon collègue est devenu … Quant à la fragrance en voilà une description extraite aussi d’une publicité !
« Bel Ami » laisse un sillage puissant et possède une excellente tenue. « Bel Ami » débute par des notes hespéridées, citron et mandarine, associées à des notes aromatiques, sauge, petitgrain. Le cœur est animé par des épices comme la cannelle et la cardamome, alors que l’expression du cuir révèle déjà sa splendeur. « Bel Ami » réaffirme sa virilité grâce au patchouli, au vétiver, au labdanum, de styrax, de castoréum et de cuir. Les bois de santal et de cèdre viennent enfin apporter des tonalités boisées, alors que la vanille offre une douce sensualité à l’ensemble de la composition. Le flacon est élégant, sobre et romanesque. Revisité, le flacon actuel est présenté dans un des flacons iconiques de la maison Hermès. Le verre lourd et transparent est surmonté par un cabochon noir, affichant une dernière touche de masculinité.

LA VIE ASSOCIATIVE

Ma vie associative a commencé lors de la création de l’association femmes et mathématiques en 1987. Cela faisait suite à la fusion des ENS Ulm et Sèvres qui avait abouti à la quasi disparition des filles dans les promotions de mathématiques.
Marie-Françoise Roy en fut la première présidente. La plupart des membres fondateurs participent encore dans cette association.
De mon côté je m’étais chargée de la collecte et de la mise en forme des toutes premières statistiques faites par femmes et mathématiques. A cette époque c’était assez difficile d’avoir des données sexuées ; sur ce point au moins les choses ont progressé.

Puis femmes et mathématiques m’a demandé d’aller présenter l’association dans un colloque au Sénat organisé en 1991 par l’Affdu (Association française des femmes diplômées de l’université) sur la formation du personnel de l’enseignement secondaire à l’égalité des chances entre filles et garçons. J’ai été séduite par cette association lors du colloque en raison de la qualité des interventions et de la variété des disciplines représentées.

J’ai donc adhéré à l’Affdu. J’y ai beaucoup travaillé, notamment avec Huguette Delavault auteur de rapports intéressants sur la place des filles dans les classes préparatoires et les grandes écoles. J’ai accepté de prendre la présidence de la commission des bourses. J’y ai travaillé de 1996 à 2002. C’était beaucoup de travail mais assez passionnant. L’Affdu attribuait des bourses – ou plutôt des aides ponctuelles – à des étudiantes en thèse ou en recherche post doctorales pour les aider à réaliser un projet de recherche avec mobilité. Il y avait des aides ciblées et d’autres plus ouvertes. J’ai réussi à faire créer deux nouvelles aides : Femmes et Finances d’une part, et Gauthier Villars pour une mathématicienne d’autre part.
Nous avions de l’ordre d’une centaine de dossiers pour environ une dizaine d’aides ponctuelles. Les dossiers étaient souvent très bons et même parfois très étonnants par leur audace et leur qualité. Les décisions étaient prises en commission après avoir eu des rapports sur les dossiers. Les rapports par Marianne Bruguière étaient de vrais petits chef-d’œuvres, c’était un plaisir de les lire à haute voix.

En 2003 j’ai organisé à Reid Hall un hommage à Huguette Delavault récemment décédée ; celui-ci a donné lieu à un numéro spécial de Diplômées (#205) et j’ai écrit une notice sur Huguette Delavault pour la Gazette des Mathématiciens.

Des querelles intestines de pouvoir minaient l’Affdu depuis quelque temps. Les activités de l’association me paraissaient ressembler de plus en plus à celles d’un club de vieilles dames et on oubliait les buts initiaux. Pourtant Marie Curie avait autrefois été adhérente à l’Affdu et à ses nobles objectifs : la promotion des femmes et la paix dans le monde.
Huguette Delavault n’avait pas pu y créer un groupe Femmes et Sciences. Avec en particulier Claudine Hermann elle ont décidé de créer l’Association Femmes et Sciences. Celle-ci est un vrai succès, elle s’est beaucoup développée et fonctionne très bien. J’ai tout de suite adhéré à Femmes et Sciences. J’ai fait partie du CA comme titulaire ou suppléante, mais je n’y ai pas vraiment été très active sauf pour des questions de relations entre associations ou une expertise sur des bourses attribuées par l’Oréal en partenariat avec l’Unesco. Colette Guillopé qui fut une présidente de femmes et mathématiques s’est beaucoup mieux intégrée que moi dans l’association Femmes et Sciences. C’est peut-être parce que relevant de la 26ème section, celle des mathématiques appliquées, Colette était plus proche d’adhérentes travaillant dans d’autres disciplines ou dans le privé.

Dans le mouvement d’éloignement de l’Affdu par certaines de ses membres s’est ensuite créée en 2013 l’association Réussir l’égalité femmes hommes (REFH) ; celle-ci est multidisciplinaire et est assez liée à l’Europe via la CLEF et la grande activité d’Huguette Klein. Mon amie historienne Nicole Fouché en fut la première présidente, et je fus du premier CA. Pour cette association j’ai aidé Corinne Belliard en ce qui concerne les mathématiques pour son étude sur la place des femmes à l’Institut Universitaire de France.

Je suis toujours membre de femmes et mathématiques, Femmes et Sciences et REFH, mais plus de l’Affdu. Je ne suis plus membre de leurs CA car je me suis depuis ces débuts investie ensuite dans d’autres actions pour la place des femmes, dont je parlerai ailleurs : DIU, IEC, The Gender Gap in Sciences, le Comité Parité de mon institut.

HUGUETTE DELAVAULT

En Mars-Avril 2003 j’étais à l’Université de Pise après avoir quitté peu avant Huguette Delavault hospitalisée à l’hôpital de La Croix Rouge. Nous savions toutes deux je crois que nous ne nous reverrions pas, c’était émouvant.
Nous avions beaucoup travaillé ensemble et je faisais ce que je pouvais pour adoucir sa maladie. J’ai appris avec beaucoup de tristesse son décès le 2 avril pendant le colloque et changé mon vol de retour pour venir aux obsèques.
Après je me suis occupée d’organiser une journée d’hommage à Huguette Delavault le 3 juin à Reid Hall. Le délai était très court mais beaucoup de personnes étaient attachées à Huguette et m’ont beaucoup aidée.

Je reproduis ci-après le programme de cet hommage. Les textes correspondant aux interventions sont reproduits dans un numéro spécial de Diplômées (# 205).

J’ajoute à la suite le texte que j’ai écrit pour la Gazette des Mathématiciens. Cela éclaire les interventions qui ont été faites le 3 juin 2003.

Hommage solennel à Huguette Delavault le 3 juin 2003 à REID HALL
Ouverture par Anne Nègre, présidente de l’association française des femmes diplômées des universités (AFFDU), docteure en droit, avocate à la cour
et message d’ Hélène Ahrweiler, présidente de l’Université d’Europe

Je reproduis le texte que j’ai écrit pour la Gazette des Mathématiciens 97 ( juillet 2003)
Huguette Delavault est décédée, le 2 avril 2003, à l’âge de 79 ans.
Sa disparition laisse un vide immense dans tous les organismes, associations et réseaux qui ont, ces dernières années, œuvré pour la parité et en particulier pour développer et améliorer la place et le rôle des femmes en sciences et en technologie. Elle a aussi profondément touché toutes celles et tous ceux qui ont travaillé, que ce soit dans le passé ou très récemment, avec Huguette Delavault. Un hommage solennel lui a été rendu le 3 juin 2003 au siège de l’Association française des femmes diplômées des universités (Affdu) par ses camarades de promotion, par ses collègues, par ses amies et amis, par toutes celles et par tous ceux qui l’ont connue durant sa vie exemplaire, dans laquelle les activités scientifiques, pédagogiques et associatives, ainsi que la défense des intérêts des femmes, ont tenu une si large place.
Toutes les interventions lors de cet hommage ont mis en évidence l’extraordinaire capacité à mobiliser des équipes et des énergies d’Huguette. Elles ont aussi rappelé ses qualités d’exigence et de rigueur intellectuelle, sa générosité et sa sensibilité dissimulées par une grande réserve. Elles ont enfin fait l’éloge de son courage et de sa ténacité. Les textes des interventions et messages délivrés lors de cet hommage figureront dans le numéro 205 de la revue Diplômées éditée par l’Affdu.
Née à Andilly (Charente-Maritime) en 1924, fille d’un couple d’instituteurs, Huguette Delavault fut d’abord élève de l’école normale d’institutrices de La Rochelle de 1940 à 1943, puis de l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses de 1946 à 1949. Elle obtint l’agrégation de mathématiques en 1952, après une interruption d’études pour raison de santé. Elle a soutenu son doctorat d’Etat ès sciences mathématiques à l’université de Paris, le 30 novembre 1957, devant un jury composé de Messieurs Villat et Pérès et de Madame Dubreil. Le sujet de sa thèse était « Application de la transformation de Laplace et de la transformation de Hankel à la détermination de solutions de l’équation de la chaleur et des équations de Maxwell en coordonnées cylindriques ». Cette thèse a été publiée intégralement et a fait l’objet d’un article.
N’étant pas spécialiste du sujet, je ne retiendrai de cette thèse que deux choses : la dédicace faite à son directeur de thèse Henri Villat « qui à l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay-aux-Roses, comme au CNRS, m’a éclairée et aidée de toute sa science, qui, pas à pas, a guidé mon travail avec une constante sollicitude, qui, peut-être même, a orienté ma vie en m’apprenant que la vraie culture ne consiste pas seulement à résoudre un problème de mathématiques, si difficile soit-il, mais encore à aimer la musique et la poésie, et tout ce qui honore l’esprit et le cœur de l’homme », où l’on devine déjà la générosité et l’ouverture d’esprit si caractéristiques d’Huguette ; et le fait que son domaine de recherche, la physique mathématique, lui a certainement donné, dès le début, son aptitude à travailler en relation avec des chercheurs d’autres disciplines, des physiciens à cette époque, des sociologues et des historiens ou des juristes plus tard.
Huguette Delavault fut d’abord chercheuse au CNRS de 1952 à 1958 ; durant cette période et les quelques années qui suivirent, elle réalisa l’essentiel de son oeuvre mathématique dont le dernier travail est un mémoire sur les transformations intégrales à plusieurs variables et leurs applications. Elle fut ensuite enseignante-chercheuse à la faculté des sciences de Rennes de 1958 à 1970. Elle s’y investit énormément dans l’enseignement des mathématiques ; elle rédigea un cours « Techniques Mathématiques de la Physique », d’une grande utilité pour les physiciens, prit la direction de l’IPES (Institut de préparation à l’enseignement secondaire), puis celle du Centre pédagogique régional pour les mathématiques et la physique, ce qui lui donna plus tard l’opportunité d’initier des projets de coopération avec l’Afrique. C’est encore à la faculté des sciences de Rennes qu’elle est nommée professeure des Universités en 1962.
Chargée dès 1969 d’une mission de coordination des actions de rénovation de l’enseignement des mathématiques en Afrique noire francophone et à Madagascar par le ministère de la Coopération, elle fut plus tard à l’origine d’une convention – entre l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses et l’Institut de mathématiques et de sciences physique (IMP) de l’université de Ouagadougou (Haute-Volta / Burkina Faso) – qui permettait des échanges d’étudiants et d’enseignants. A ce titre elle effectua de nombreuses missions en Afrique et organisa maintes formations pour les enseignants africains et les coopérants. Elle gardera un profond attachement pour l’Afrique et suivra le devenir des contrats et projets jusqu’à la fin de ses jours.
Professeure à l’École nationale supérieure d’électronique et d’électromécanique de Caen jusqu’en 1984, Huguette Delavault fut, durant cette période, détachée (1976-1980) comme directrice adjointe de l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses.
C’est à cette époque que se confirma sa vocation à défendre la cause des femmes, notamment dans le domaine scientifique. Consciente du « plafond de verre » qui limite les carrières universitaires des femmes – elle alla même jusqu’à dire lors d’un colloque à Bruxelles en 1998 « J’ai été nommée professeur, peut-être parce que c’était une période d’expansion de l’enseignement supérieur et qu’il n’y avait pas assez d’hommes pour le nombre de postes ! » – elle vécut le drame du premier concours d’entrée mixte à l’Ecole normale supérieure de Fontenay-aux-Roses en 1981 : seule une femme est admise en mathématiques (sur dix admis). Le désastre se renouvela lors du premier concours mixte de l’agrégation de mathématiques.
Déjà impliquée dans des actions en faveur de la parité hommes-femmes, Huguette s’engagea alors dans la recherche sociologique pour essayer de comprendre les origines du problème et tenter de proposer des solutions pour y remédier. Huguette Delavault participa activement aux réunions qui aboutirent à la création, en 1987, de l’association « femmes et mathématiques ». Ses activités au sein de cette association ne représentent qu’une partie de son engagement associatif. Huguette fut d’abord secrétaire et trésorière, de 1973 à 1976, de l’Association des anciennes élèves de l’Ecole normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, qu’elle présida ensuite de 1985 à 1988. Elle adhéra à l’Association française des femmes diplômées des universités (Affdu) en 1977, entra au conseil d’administration en 1983, présida l’Affdu en 1984 et 1985, puis de 1988 à 1994. Huguette représenta l’Affdu dans le réseau d’associations Demain la parité, mis en place en 1994 par Françoise Gaspard et Colette Kreder afin de promouvoir une stratégie commune en matière d’égalité des chances dans la prise de décision.
En 2000, treize ans après avoir participé à la création de l’association femmes et mathématiques, elle fut, avec Claudine Hermann, Françoise Gaspard, Colette Kreder, Françoise Cyrot-Lackmann, et l’association femmes et mathématiques, membre fondatrice de l’association Femmes et Sciences, dont les objectifs sont les suivants : renforcer la position des femmes exerçant des carrières scientifiques et techniques dans les secteurs publics et privés, promouvoir l’image des sciences chez les femmes et l’image des femmes dans les sciences et inciter les jeunes filles à s’engager dans les carrières scientifiques et techniques.
Depuis 1990, Huguette Delavault a réalisé par ses travaux, publications et conférences, une œuvre importante et novatrice de recherche scientifique en sociologie. Elle a notamment écrit en 2000, en collaboration, deux rapports commandés par Francine Demichel, directrice de l’Enseignement supérieur : l’un sur les femmes dans les filières de l’enseignement supérieur, l’autre sur les enseignantes-chercheuses à l’Université. L’année 2002 vit l’achèvement de cette œuvre avec la publication du livre : Les Enseignantes-chercheuses à l’Université : demain la parité ?
La dernière des très nombreuses manifestations à l’organisation desquelles Huguette participa fut le colloque Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), que l’Affdu organisa, le 15 mars 2002, à l’Assemblée nationale. Cette importante convention de l’ONU pourrait être un instrument juridique efficace pour défendre la cause des femmes. Officière des Palmes académiques depuis 1967, Huguette Delavault fut nommée chevalière de la Légion d’honneur en 1995 et promue officière de l’ordre national du Mérite en 2002.
Huguette a été inhumée en Charente-Maritime, sa terre natale.
Une bourse scientifique à la mémoire d’Huguette Delavault a été créée. Elle est destinée à aider des étudiantes de niveau fin de thèse ou post-doctoral à réaliser un projet de recherche impliquant une mobilité de ou vers l’étranger. Les dons sont reçus par l’Affdu, 4 rue de Chevreuse, 75006 Paris.

DES JURYS DE CONCOURS

Quand je me suis mariée avec Claude en juillet 1967, j’étais donc élève-professeur ENSET et mon mari élève-ingénieur X-GM. Nous ne nous sommes installés qu’à la rentrée 1968 en achetant un studio de 32 m2 près du village suisse dans le 15e arrondissement.
J’avais alors 2,5 années de salaire épargné correspondant à mon année d’IPES et presque deux ans d’élève ENS. Tout cela, et bien sûr des crédits épargne-logement, nous ont permis cet achat. Je pense que compte tenu de l’augmentation de l’immobilier parisien et du décrochage des salaires de fonctionnaires par rapport à l’inflation, ce serait tout à fait impossible de nos jours. En plus nous avions signé avant mai 1968 et commencé à payer après, cela a été très favorable en raison des fortes augmentations de salaires qui ont suivi les évènements de 68.

En fait nous n’avons jamais été aussi riche, ou du moins aussi à l’aise, qu’à cette époque. En 1970 nous fûmes nommés à Brest, mais avant d’y aller nous avons pu acheter, avant de partir en voyage d’études au Japon, un studio de 35m2 à la montagne en bonne partie grâce à Claude qui avait donné des cours aux conducteurs de travaux de l’ESTP. Nous avions aussi acheté des tapis persans à Drouot pour meubler notre futur appartement brestois supposé être cours Dageot. Malheureusement, ou heureusement selon le point de vue, cet appartement fut finalement mis en vente et nous avons dû louer un appartement neuf et sans âme rue Pierre Trépos, mais celui-ci était près de l’Université.

L’année suivante nous avons corrigé l’écrit du concours de l’ESTP, je dis « nous » car c’est Claude qui était nommé correcteur mais je l’ai largement aidé. Nous devions corriger toutes les copies du concours ! C’était un travail énorme qui nous a permis de meubler le studio de l’Alpe d’Huez.

Malgré tout cela faisait pas mal de crédits à assumer, j’ai ainsi participé à la correction de l’épreuve d’Algèbre-Géométrie du concours d’entrée à l’ENSET.
J’ai corrigé cet écrit de concours pendant une quinzaine d’années (1971-1986) ; l’équipe du concours était très sympathique ; il y avait double correction mais tout se faisait à la main, point d’Excel à cette époque.
Le jury de cette épreuve était habituellement Alain Mézard (le père d’Ariane Mézard que j’ai rencontrée enfant chez Alain à Anthony), Gérard Rauch, Charles Delorme et moi-même. Nous étions très rigoureux pour l’harmonisation de la double correction et l’établissement des bordereaux, remplis à la main certes mais vérifiés en double appel.
Pourtant une année nous avons eu un gros problème : vers minuit Alain Mézard m’a téléphoné en me disant que nous devions être à Cachan à 6h le lendemain, convoqués par la directrice de l’Ecole Madame Janneau. Nous avions en effet mis des notes à certains absents… Il y avait eu un décalage quelque part. Nous avons donc tout remis à plat et réglé le problème.
Depuis cette aventure j’ai toujours dit à mes étudiants, comme à mes enfants, que lorsqu’on ne comprend pas sa note on demande à la faire vérifier.

Très longtemps après, en 2018, je participerai à la correction de l’épreuve de 6h (Math D) du concours d’entrée à ULM. Cela a bien occupé mon mois de mai 2018.
Je suis allée à l’X à Palaiseau pour une réunion où l’on nous donnait des informations et une tablette contenant toutes les copies que nous devions corriger. J’étais un peu anxieuse pour cette correction sur tablette, mais en fait c’est extrêmement confortable. Quand on a un candidat qui a écrit 10 copies doubles c’est beaucoup plus facile de naviguer entre les pages virtuelles qu’avec du vrai papier. De plus si quelque chose est mal écrit on peut agrandir cette partie pour mieux la lire.

Lors de la correction, à droite de la tablette j’avais mon vieil ordinateur, un mac book air de 2009 universitaire et fatigué, avec un grand tableau excel de 54 cases par numéro de copie pour entrer des mini-notes suivant le barème très détaillé. A gauche le texte du problème avec indication du barème détaillé. Cela a été un peu difficile du coté yeux en raison d’une cataracte débutante.

Pour établir le barème nous avons commencé par donner un poids égal à toutes les questions ; puis après avoir corrigé chacun une cinquantaine de copies nous nous sommes réunis à l’ENS Ulm et avons décidé de modifier le poids des questions et de les subdiviser en tenant compte de ce que nous avions vu.
Il a fallu que j’intervienne pour que des questions trop faciles ne se retrouvent pas avec un poids zéro ou presque ; en effet si on passe du temps à bien rédiger une question très facile on ne le consacre pas à des parties plus difficiles. Or nous savons, au moins à femmes et mathématiques, que la tendance consciencieuse des filles les conduit plutôt à ne pas bâcler la rédaction de telles questions. J’ai été en partie écoutée. Clairement le Jury était favorable à l’admission de plus de filles si c’etait possible, mais il ne se rendait pas compte que l’esprit mathématique qui le guidait dans sa sélection risquait de nuire aux femmes.

Vu le rapport temps passé / revenu procuré qui résultait de cette correction (de l’ordre de 5 euros par copie ! ) je n’ai pas renouvelé l’expérience l’année suivante et les autres correcteurs non plus je crois, sauf peut-être ceux qui participaient aux oraux.

Concernant les colles en mathématiques spéciales j’ai fait d’abord passer des interrogations à Janson de Sailly introduite par Ecalle, mon ancien professeur de Math Spé, avant de partir à Brest où j’ai fait passer des interrogations au lycée Kerichen, puis après notre installation à Paris et l’achat de l’appartement que j’occupe toujours, j’ai fait longtemps des interrogations en classe de mathématiques spéciales au lycée Saint Louis proche de chez moi et de Jussieu.
En hiver il fallait bien se couvrir car Saint-Louis coupait le chauffage à la fin des cours ! Je me ridiculisais dans un grand manteau de vison hérité d’une tante de mon mari, mais au moins j’étais bien au chaud !

Je me suis aperçue que lorsque on approchait de 19h30 certains élèves devenaient inefficaces, et puis j’ai compris après avoir posé quelques questions innocentes que c’était une spécificité des élèves internes qui ne pensaient plus qu’au diner éventuellement réduit s’ils étaient en retard …

Une autre chose fût longue à venir jusqu’à ma conscience : j’avais un préjugé favorable quand l’étudiant arrivait sans lunettes et prenait la craie de la main gauche. J’ai lu plus tard que des études américaines avaient mis en lumière la petite supériorité en mathématiques, comme au tennis, des élèves gauchers !

DES TRAVAUX D’ÉCRITURE ET D’ÉDITION

Publier ou mourir dit la maxime dans le milieu des chercheurs. Cela commence bien sûr par écrire …

Pour moi l’écriture mathématique a commencé en 2ème année à Cachan par un mémoire de maîtrise « Anneaux Euclidiens parmi les anneaux d’entiers des corps quadratiques sur Q. »
Ensuite, en 4ème année, ce fut le mémoire de DEA « Etude et application de la théorie des corps ordonnables », texte qui a été intégré dans le livre « Arithmétique des corps » écrit par Paulo Ribenboim dans la collection Méthodes chez Hermann.
Ma thèse de troisième cycle « Sur le 17ème problème de Hilbert » a donné lieu à deux notes aux comptes rendus de l’Académie des Sciences et un article dans le Bulletin des Sciences Mathématiques.
Quant à mon Doctorat d’Etat « Théorie des modèles de corps ordonnables et sommes de puissances 2n-ièmes », il a repris 4 nouvelles publications et fait ensuite l’objet de six publications entre 1990 et 1992.

Le processus de publication d’un article est long. Il faut écrire et vérifier, puis choisir à quelle revue on va soumettre son texte, et attendre, parfois longtemps, un avis et un rapport de referee qui conduit souvent à corriger ou compléter le texte.
Ensuite arrivent les épreuves qu’il faut vérifier, et attendre parfois longtemps encore que le papier soit imprimé dans le journal choisi.
Après quoi cet article fait généralement l’objet d’une revue dans Mathematical Reviews (AMS) ou Zentrallblatt für Mathematik.
Sur le site de MathScinet j’ai je crois 28 articles qui font l’objet d’une revue.
Dans Zentrallblatt c’est 9 articles plus 19 autres selon que j’ai signé Gondard ou Gondard-Cozette… L’AMS a elle recollé les deux listes. Encore une raison pour garder son nom de naissance !

J’ai fait pas mal de revues pour les Mathematical Reviews et j’ai aussi fait le rapport de referee d’un certain nombre d’articles. Ce dernier travail est une importante responsabilité, il faut dire si l’article est valable, intéressant, exact et proposer des améliorations.
Cette responsabilité est scientifique bien sûr, mais c’est aussi une responsabilité morale car la carrière d’un mathématicien dépend surtout de ses publications.
L’auteur du rapport de referee est théoriquement anonyme, car le rapport est transmis par l’éditeur. Mais il se laisse parfois deviner car nous ne sommes pas si nombreux sur un sujet de recherche pointu. L’éditeur choisit souvent le rapporteur en consultant la bibliographie de l’article. Il lui faut une certaine proximité au sujet traité mais aussi quelqu’un qui ne soit pas trop proche de l’auteur du papier !

Un autre type de travail est celui d’être éditeur d’un ouvrage, d’actes de séminaire ou de proceedings de colloque.
Mon premier travail de ce genre fut pour « The Rocky Mountain Journal of Mathematics » paru en 1984 (volume 14, number 4).
Cela faisait suite à un colloque tenu à Boulder en juillet 1983.
Ce volume contient des textes importants pour la géométrie réelle dont ceux de Becker, de Brumfiel et de Lam.
Mais il y a aussi un éventail de textes courts et déjà prémonitoires de développements futurs ; on y trouve beaucoup des auteurs qui compteront en géométrie réelle. L’état de mon exemplaire témoigne de son importance pour la suite de mon travail !
Cet ouvrage est dédié à la mémoire de Gus Efroymson disparu un mois après la fin du colloque de Boulder où il donna une conférence en dépit de son état de santé.

1984 c’est aussi le début de notre séminaire « Structures Algébriques Ordonnées ». Forte de l’expérience précédente j’ai souhaité que nous éditions des textes correspondant aux exposés donnés.
Max Dickmann et Françoise Delon ont été d’accord. Nous avons donc édité deux tomes correspondant aux exposés des années 1984 à 1987. Ils sont parus dans la collection des publications de l’Université Paris 7.
Nous avions voulu faire les choses parfaitement et avoir des rapports sur tous les articles soumis. Cela a été beaucoup de travail et la publication ne s’est faite qu’en juin 1990. Ce délai rendait la chose moins intéressante car les articles étaient un peu en retard sur l’actualité des sujets traités.

Par la suite nous avons décidé de faire une édition de prépublications sous la responsabilité conjointe des auteurs et des éditeurs.
Ainsi les textes correspondant à une année d’exposés étaient imprimés et diffusés à quelques 200 exemplaires autour du monde au printemps de l’année suivante.
Cette manière de publier a assuré notre succès et c’est toujours ainsi que nous procédons en 2021.
Le seul changement est que nous n’imprimons plus que 80 exemplaires et mettons un fichier .pdf du volume sur la page du séminaire tout en envoyant un mail d’annonce à tous nos contacts.
Nous avons en quelque sorte joué par avance le rôle du site actuel ArXiv mais en ciblant le public potentiellement intéressé. C’était bien utile et très apprécié.

Après le congrès Mathématique Junior de 1992, et avec Jean-Pierre Ressayre, nous avons édité les actes d’un numéro de Quadrature.
Ce fut fait avec l’aide de Didier Nordon qui s’occupait je crois de cette revue de vulgarisation mathématique à destination essentiellement des lycéens.

J’ai eu aussi le plaisir de co-signer avec mon amie Anne-Marie Charbonnel un article sur Huguette Delavault demandé par Anne Boyé pour le dictionnaire des créatrices édité par les éditions Des femmes. C’est je crois mon seul travail d’écriture qui donna lieu à des droits d’auteur jamais réellement perçus car trop insignifiants pour atteindre le seuil critique de la mise en paiement !

J’ai par ailleurs le souvenir d’un de mes articles dont Chip Delzell, organisateur avec James Madden des colloques à Bâton Rouge, avait corrigé la forme avant édition. Il y avait entre autres corrections une faute systématique : mes « semicolon » (i.e. point-virgule) suivaient un espace alors que l’article était en anglais, et que je n’aurais pas dû mettre d’espace avant ces « semicolon ». J’avais reçu une très longue liste de corrections précises et explicites. Chip Delzell c’est l’homme qui tape un texte plus vite que l’écran ! Je l’ai vu un jour sur un ordinateur que je lui avais ouvert dans la salle de logique, quand il a travaillé les autres occupants se sont arrêtés médusés par la rapidité et la dextérité de Chip !

Ma dernière expérience est l’édition d’un volume, le 697, dans la série Contemporary Mathematics éditée par l’AMS.
Il fait suite au colloque que nous avons tenu au CIRM en 2015 et est paru en 2017.
Pour l’édition, avec Françoise Delon et Max Dickmann, nous nous étions adjoint Fabrizio Broglia de l’Université de Pise et Vicky Powers d’Emory University à Atlanta.
Essentiellement avec Max Dickmann nous avions soumis à l’AMS un dossier parfaitement préparé. Et nous avons eu une approbation dans un délai record, quelque chose comme une semaine, nous en étions étonnés.

Après bien sûr les 5 éditeurs se sont répartis les papiers pour obtenir des rapports assez rapidement.
Et l’oeil de lynx de Max n’a laissé passer aucune coquille ! Il faut dire qu’il y est excellent car très jeune il relisait déjà les textes de son père romancier …
C’est finalement un bel ouvrage de référence qui couvre très bien les divers champs liés au séminaire et qui est dédicacé à mon co-auteur Murray Marshall décédé en 2015.

EBERHARD BECKER

Notre collaboration a commencé vers 1987 et s’est concrétisée par un article consigné à Manuscripta Mathematica en 1989.

J’avais auparavant écrit un projet d’article qui comportait, comme je le fais souvent, beaucoup de questions ouvertes ou de conjectures.
Je ne sais plus du tout si, ni où, j’avais proposé cela, peut-être dans notre édition formelle 1984-1987 de notre séminaire Structures Algébriques Ordonnées » qui passait le filtre des referees, ou c’est bien possible dans une note aux CRAS qui aurait été refusée ?
Toujours est-il que Françoise Delon a soit reçu un rapport de referee par Eberhard Becker, soit discuté avec lui de mon projet d’article et m’a dit qu’il avait la réponse à beaucoup de mes questions ouvertes.
Elle m’a alors incitée à collaborer avec Eberhard Becker et nous avons fait un article co-signé « On Rings admitting orderings and 2-primary chains of orderings of higher level. »

Ce fut le début d’une fructueuse et longue collaboration qui a été soutenue de 1989 à 1999 par des programmes de coopération franco-allemande Procope.
En effet trois autres articles cosignés avec Eberhard Becker ont suivi cette première co-signature de 1989 : en 1994 au Journal de Crelle, en 1995 dans un livre édité par W. de Gruyter et enfin en 1999 au Journal of Algebra.
Deux d’entre eux portent aussi la signature de Ralph Berr ou de Françoise Delon.

Travailler avec Eberhard à l’Université de Dortmund durant des séjours financés par Procope était efficace et très agréable. Enceinte en 1989 j’avais même été logée dans un superbe hôtel dans un parc …
Eberhard passait beaucoup de temps à m’expliquer des choses nouvelles pour moi. C’était clairement un professeur qui aimait beaucoup transmettre.
De plus le secrétariat de l’Université de Dortmund avait une personne formée au LaTeX qui dactylographiait nos articles ; c’était très confortable.

Malheureusement le soutien Procope s’est tari et la collaboration s’est ralentie sinon arrêtée. Bien sûr nous nous croisions encore dans de nombreux colloques RAAG soutenus entre 1994 et 2006 par des réseaux européens, mais le travail lors d’un colloque ne peut pas être une aussi intense collaboration. En effet il y a beaucoup d’exposés et d’autres rencontres et échanges ; ce peut être le point de départ d’un travail mais plus rarement la naissance d’un nouvel article co-signé.

Je ne sais plus lequel de mes articles co-signé avec Eberhard Becker j’avais un jour donné avec une dédicace à mon père qui fut ingénieur.
Mais j’ai vu dans ses yeux et son attitude toute l’horreur de la seconde guerre mondiale.
Officier, dans l’artillerie lourde divisionnaire je crois, dans le régiment 231, ce régiment avait dû battre en retraite. Ils avaient d’abord évacué leurs troupes avec les canons par la route et ces soldats se sont faites douloureusement décimer.
L’état-major est ensuite parti à pied par les forêts, la légende familiale dit que son ordonnance avait ramassé les bottes de mon père abandonnées dans les bois.
Mon père a ensuite été hospitalisé pour broncho-pneumonie grave.

Clairement pour mon père cosigner avec un mathématicien allemand c’était pactiser avec l’ennemi qui avait tué ses soldats et amis. Il n’en a rien explicité bien sûr mais c’était une évidence.
Faisant partie d’une génération qui n’a pas connu la guerre je suis profondément attachée à l’Europe et je n’avais pas du tout anticipé la réaction de mon père qui m’a vraiment surprise car il ne manquait pas d’ouverture d’esprit.

LES ICM

ICM signifie International Congress of Mathematicians. Cela a lieu tous les 4 ans et c’est le moment où sont décernés quelques prix dont notamment la Fields Medal, qui est une sorte de Nobel des mathématiciens mais réservé aux moins de 40 ans.
C’est un peu une grande fête des mathématiques mondiales, qui présente les dernières grandes avancées et propose des directions de recherches futures. Il y a aussi beaucoup de rencontres et d’échanges qui permettent d’établir des collaborations et des liens entre différents pays. Généralement il y a des excursions qui sont proposées en option avant, pendant et après le colloque et aussi des réceptions et des cocktails très réussis.

J’ai failli aller en 1974 à l’ICM de Vancouver. J’étais inscrite, j’avais mes billets et réservations, et le projet de traverser le Canada avec ma belle-soeur qui à l’époque habitait Montréal. Mais je n’avais eu aucun support financier pour ce déplacement et au dernier moment j’ai tout annulé ! J’ai décidé que j’avais beaucoup plus envie d’apprendre à piloter que d’aller à Vancouver …
Je me suis donc inscrite à l’aéroclub de Guipavas et l’été je suis allée apprendre à voler. Cet aéroclub vivait grâce aux heures de vol obligatoires des militaires brestois qui voulaient conserver leur licence. Alors la jeune femme de 28 ans que j’étais a été très bien accueillie et considérée. J’ai appris à faire plein de piqués que j’adorais, et à sortir des vrilles avec le palonnier extérieur. Le moment des ressources quand on reprend appui sur l’air est un vrai plaisir presque physique. J’ai arrêté ma formation en novembre car j’attendais un enfant, mon premier, ce sera Gabriel.

En 1978 l’ICM était à Helsinki et je m’y suis rendue avec mon amie Anne-Marie Charbonnel. Nous partagions une chambre sans volets et ses maigres rideaux laissaient passer le soleil très tôt le matin. Nous nous couchions fort tard le soir puisqu’il n’y avait que peu de nuit en août.
J’ai oublié les mathématiques exposées là, mais pas l’esthétique et les orgues de la grande salle. Le design finlandais m’avait paru extraordinaire et je dois avouer que j’ai parfois craqué et fait expédier en France quelques objets.
Les lauréats de l’année étaient Pierre DELIGNE (Belgique) ; Charles FEFFERMAN (Etats-Unis) Daniel QUILLEN (Etats-Unis) ; Grigori MARGOULIS (U.R.S.S.), point de français donc, mais Deligne est considéré comme étant issu de l’école française.
Nous avons eu aussi un déjeuner / défilé de mode où le rennes était magnifiquement cuisiné et qui a eu pour conséquence que j’ai acheté un manteau de peau porté par un modèle en me rendant en boutique après ! Je l’ai beaucoup porté, Anne Marie a elle acheté un joli collier argent qui lui allait magnifiquement et quelle a elle aussi beaucoup porté !
Un soir nous nous sommes offert toutes les deux un massage dans l’Intercontinental local. Nous nous souvenons bien du moment incroyable où la masseuse balance des seaux d’eau à température parfaite sur tout le corps ; la sensation est extraordinaire, cela renvoie peut-être à la sortie des eaux de la naissance ou à nos toilettes de bébé je ne sais …
Je garde le souvenir d’une petite ville multicolore, pleine de mathématiciens, avec un marché sur le port qui regorgeait d’écrevisses et de baies dont j’ai abusé aux restaurants le soir.
Au vol aller le hasard m’avait placée à côté d’Apery ; Il a parlé pendant tout le vol ! De mathématiques bien sûr, mais aussi de sa déception sentimentale, car il avait été amoureux de celle qui est devenue Madame Choquet. Point de risque pour le vol retour car j’étais inscrite à une croisière vers Léningrad ; j’ai partagé la cabine avec Mademoiselle Lutz, grenobloise je crois, et j’ai découvert cette magnifique ville en dormant à bord plusieurs jours. Le retour à bord le soir était très contrôlé puisque nous sortions chaque matin du territoire de l’URSS.

L’ICM suivant auquel je fus est celui de San Francisco en 1986. J’y suis allée après un colloque organisé par Charlie Robson et Bill Jacob à Corvallis « Quadratic Forms and Real Algebraic Geometry ». J’avais emmené Gabriel, qui avait donc 11 ans, et laissé Vincent qui allait avoir 2 ans à Claude en montagne. Depuis Corvallis petite ville peu attrayante de l’Oregon, nous avons fait une excursion mémorable avec Alberto Tognoli dans un parc naturel. Après ce colloque nous sommes allés prendre un bus Greyhound de Portland à San Francisco. Une expérience fatigante mais intéressante. A l’arrivée une ancienne jeune fille au pair fantastique, Sheana Bull, est venue nous chercher pour nous emmener à San Mateo au sud et nous avons logé dans sa famille. Elle a emprunté la Mercedes blanche décapotable à sièges en cuir rouge de son père pour faire découvrir San Francisco à Gabriel. Après quoi elle m’a prêté pour mes déplacements entre San Mateo et Berkeley (50km) un énorme 4×4 noir nommé BULL bien sûr qui consommait des gallons comme nous consommons des litres. Un jour je parlais avec des passagers mathématiciens et a un feu en côte j’ai oublié que c’était une boite automatique et démarré en marche arrière ! Tout le monde a eu une bonne décharge d’adrénaline, surtout la voiture juste derrière qui a vu cet énorme « Bull » reculer, mais pas d’incident j’ai réagi assez vite …
De cet ICM je me souviens que les remises de médailles se passaient en plein air dans un genre de faux théatre antique … L’un des lauréats (Simon DONALDSON (Grande-Bretagne) ou Gerd FALTINGS (Allemagne) ou Michael FREEDMAN (Etats-Unis)) avait emmené son jeune enfant pour recevoir sa médaille. Cela a été encore plus applaudi.

Après celui de 1986 je ne retournais à un ICM qu’en 2002, à celui de Pékin. Les lauréats furent Laurent LAFFORGUE (France) ; Vladimir VOEVODSKY (Russie).
A la réception de la délégation française à l’ambassade de France qui a suivi, l’ambassadeur empêché était absent, il avait envoyé un représentant. Clairement si nous avions gagné une coupe de football c’eut été différente. Nos politiques font trop peu de cas de nos scientifiques…
A cet ICM il y a eu une table ronde en soirée sur la place des femmes en mathématiques dans les différents pays avec l’exposé de problématiques et de statistiques. Cette fois-ci j’avais emmené ma fille Alice qui allait avoir 13 ans. Nous étions logées dans l’hôtel lié au centre de congrès, c’était assez facile. Je lui remontais du petit-déjeuner quelques viennoiseries et je la retrouvais après les conférences dans l’immense salle des ordinateurs entre l’hôtel et le centre de conférences. Parfois si elle était réveillée, ou que nous avions un départ en excursion prévu, elle venait aussi au petit-déjeuner. Un jour nous y avons vu John Nash, accompagné comme toujours. J’ai repensé à son air un peu perdu quand j’ai vu plus tard le film « A beautiful mind » et j’ai aussi un peu parlé de lui avec Alberto Tognoli qui le connaissait bien.
Nous avons bien sûr pas mal visité Pékin et les environs car j’avais allongé notre séjour pour cela. Je ne savais pas que je retournerai beaucoup en Chine entre 2006 et 2015 plus tard, à Shanghai où sont nés mes deux premiers petits-fils, puis à Hong Kong où mon ainé travaille toujours.

Enfin en 2010 j’allais à l’ICM d’Hyderabad en Inde. Il était précédé, d’un ICWM (International Congress of Women Mathematicians) de deux jours qui fut très réussi et très intéressant. Les lauréats de cette année-là furent Elon LINDENSTRAUSS (Israël) ; Ngô Bảo Châu (France) ; Stanislav SMIRNOV (Russie) ; Cédric VILLANI (France).
Je connaissais bien Cedric, et depuis longtemps, déjà quand il était à l’ENS ; un jour à la maison je l’avais interrogé sur son avenir académique et il m’avait répondu qu’il travaillait avec Yoccoz et n’aurait pas de problème. L’avenir lui a donné raison.
La réception française a été très réussie et très arrosée. Je garde quelques photos intéressantes assez représentatives de l’ambiance !
Le voyage pour Hyderabad fut long, j’étais allée à Bangalore avec Air France, mais arrivée en fin de soirée je repartais tôt le matin, j’ai donc sommeillé 6h dans un fauteuil de l’aéroport les pieds sur mon bagage cabine.
Une fois installée confortablement au Novotel du congrès, j’ai demandé un taxi pour aller au centre-ville à Charminar. Le taxi ne voulait pas m’y abandonner. J’ai compris après que ce ne serait pas forcément facile de repartir… Au bout de deux heures dans ce quartier très central, la pollution m’en a chassée et je suis allée en tuktuk dans un parc au bord du lac. Quand j’ai voulu en repartir on m’a expliqué que c’était l’heure de la sortie des écoles et que je ne trouverai pas de taxi. Je suis donc retournée au Novotel un peu lointain en tuktuk, ce fut belle approche de l’Inde.

Après en dehors des conférences et des excursions prévues, j’ai compris que ce qui était efficace et habituel c’était de commander un taxi depuis sa chambre et de le prendre pour 4h. C’est ainsi que j’ai visité la forteresse de Golconda et surtout le cimetière de Sultans voisin, aussi beau que décadent, en toute tranquillité.
Quand on compare l’organisation des deux ICM de Pékin et d’Hyderabad le contraste est frappant. A Pékin c’était parfaitement organisé et rigide, et à Hyderabad cela fonctionnait avec beaucoup de sourires sans trop de notion du temps. Mais au final c’était tout aussi réussi. Le départ du diner social fut tout de même un grand moment de pagaille à Hyderabad car les cars mal identifiés arrivaient en vrac sur une route avec de la circulation et quelqu’un rassurait tout le monde en disant qu’il resterait là jusqu’à ce que le dernier délégué soit parti.
Jean-Pierre Bourguignon était venu avec Olivier Peyon et son équipe pour filmer une partie du colloque et interwiewer des mathématiciens pour un projet de film documentaire intitulé « Comment j’ai détesté les maths ». C’est un joli film qui part du pédagogique, passe par la recherche et finit sur les mathématiques financières. Un bémol tout de même, dans le film les femmes sont pédagogues ou secrétaires. Point de chercheuse, c’est bien dommage et peu fidèle à la réalité. Nous sommes peu de femmes en mathématiques mais il y en a de très brillantes.
Avant cet ICM il y a eu un colloque de deux jours ICWM (International Conference of Women Mathematicians) pour les femmes mathématiciennes. C’était très intéressant et très réussi. Cependant c’était l’époque de la mousson et la circulation à Hyderabad était presque impossible. Le bus qui nous emmenait au diner de cette conférence est arrivé avec je crois 2h de retard. Mais ici peu importe le temps on garde le sourire et tout finit par fonctionner …

Je n’ai pas pu aller à l’ICM de 2014 à Séoul faute de financement. Je me reposais sur le fait que travaillant bénévolement pour un DIU à la formation continue qui avait financé le précédent voyage, mon transport serai bien pris en charge. Mais une des administratives de Paris 6 a mené cabale contre ce financement auprès des administratifs de Paris 3. Alors que tous mes intervenants du DIU, retraités ou non, d’autres universités étaient rémunérés, moi j’étais bénévole. C’était trop tard pour chercher d’autres sources de financement que j’aurais pu évidemment obtenir. Ce fut d’autant plus dommage que c’est là que la première médaille Fields a été donnée à une femme, Maryam Mirzakhani. Et il y a eu une conférence ICWM, comme à Hyderabad, à laquelle mes activités sur la place des femmes justifaient parfaitement que j’aille. Les lauréats furent cette année-là Artur AVILA (Brésil/France) qui était assez souvent dans notre institut de Paris ; Manjul BHARGAVA (Canada) ; Martin HAIRER (Autriche) ; Maryam MIRZAKHANI (Iran). Cette dernière déjà malade devait malheureusement décéder moins de trois années plus tard. Le 12 mai, jour anniversaire de sa naissance, est devenu « Journée des mathématiciennes ».

LES CENTRES DE RENCONTRES MATHÉMATIQUES

Pour initier des idées de théorèmes, démarrer des collaborations et tester ses résultats il y a surtout les colloques organisés dans des centres dédiés aux mathématiques.
Les mathématiciens y vivent en vase clos, avec souvent un très bel environnement, un support logistique excellent et une bibliothèque très bien organisée.
Il y a aussi des traditions lors de ces conférences, les sorties organisées généralement le mercredi après-midi, un « social dinner » etc …
Certains centres font aussi des réunions plus longues ou plusieurs conférences regroupées.

Celui où je suis allée le plus souvent est le CIRM (Centre international de rencontres mathématiques) situé à Luminy près de Marseille.
J’y ai aussi organisé un colloque important en 2015 pour les 30 ans de notre séminaire.
Au départ il s’agissait d’une vieille bastide provençale qui a été rénovée et étendue à plusieurs reprises. La SMF (Société Mathématique de France), l’Université d’Aix Marseille et la Région sont impliquées dans son fonctionnement.
Les calanques ne sont pas loin et au minimum les participants vont au moins une fois jusqu’au Belvédère regarder la mer et la vue qui est superbe.
Les plus jeunes, ou les moins frileux, descendent se baigner et nagent autour du long rocher peu éloigné de la calanque de Sugiton.
Les mathématiciens, souvent montagnards, marchent aussi vers Cassis via l’oeil de verre, ou vers la calanque de Sormiou, ou encore ils montent au mont Puget qui domine le campus de Luminy.
A ma première visite à Luminy je me souviens être descendue jusqu’a la mer avec George Poitou qui faisait partie du jury de mon doctorat de 3ème cycle.
A l’époque le chemin était moins facile et moins fréquenté. Il m’avait raconté ses passions pour le vélo et la montagne.
L’eau est toujours froide dans ces calanques mais parfois je m’y suis baignée, c’est toujours un peu un challenge. Je me souviens de bains avec Claus Scheiderer ce grand sportif et aussi avec Zoé Chatzidakis qui tout en nageant autour du rocher m’expliquait que si on attrapait une crampe au diaphragme on se noyait …
L’autre tradition ici c’est la bouillabaisse du jeudi soir. La soupe de poisson est excellente et je me suis souvent dévouée pour servir les poissons en expliquant aux étrangers ce qu’ils sont, avec un faible bien sûr pour la rascasse laide mais bonne !

Ensuite je suis beaucoup allée à Oberwolfach, le centre de rencontre allemand, Mathematisches Forschungsinstitut Oberwolfach ; la première fois ce fut en 1987 puis ensuite j’y suis allée assez régulièrement.
Il y eut là autrefois un centre dans un vieux château qui a été détruit et remplacé par un centre moderne et parfaitement conçu.
Il s’y trouve même un salon de musique avec instruments. Claus Scheiderer pouvait jouer du piano et Jean Jacques Risler du violoncelle par exemple. Le grand billard qui trône dans le centre de conférence au milieu des bibliothèques n’est lui pas très fréquenté.
La tradition ici est déjà un problème : comment faire pour que les 60 participants qui dinent autour de tables de 6 voient tout le monde en une semaine !
Une des femmes du bureau administratif a sa méthode pour répartir les porte-serviettes qui portent nos noms. Le problème se complique avec les départs anticipés et les arrivées en retard !
Le mercredi c’est une promenade en forêt, car nous sommes en Forêt Noire, et elle donne lieu à un gouter avec gâteau du même nom.
La tradition c’est aussi de se perdre dans ces forêts vallonnées. C’est d’ailleurs évoqué dans le film « Comment j’ai détesté les maths » d’Olivier Peyon.
Une autre tradition c’est le gouter à l’issue de la pause prolongée qui suit les déjeuners. Il y a toujours des gâteaux très tentants, et donc toujours un peu de poids en plus au retour chez soi …
Le centre fonctionne sur la confiance dans les participants, les chambres ne ferment pas. Les bars dans la salle de restaurant et près des salles de conférences proposent bières, vins et snaps. Une affiche donne leurs tarifs et des boites attendent la monnaie. Alternativement une grande fiche permet la marque de ce qu’on a pris si on préfère tout régler à la fin de la semaine ou si l’envie d’alcool était imprévue ! Le système est le même pour les friandises, les cartes postales (dont celles superbes de Imaginary Collection !) et les timbres postes disponibles dans le hall.
On s’y sent à la fois chez soi, dans un hôtel et dans un institut de recherche, le tout en compagnie de mathématiciens que l’on connait souvent déjà très bien. Tout y est parfait !

Un autre endroit extraordinaire est le MSRI « Mathematical Science Research Institute » de Berkeley qui fonctionne un peu comme notre IHP (Institut Henri Poincaré à Paris). Il y a à la fois des semestres ou trimestres thématiques, des colloques d’une semaine et des séminaires réguliers.
Bien avant le CIRM les conférences étaient dejà filmées au MSRI et je dois être dans leurs archives ! Maintenant le CIRM le fait aussi mais pas Oberwolfach.
Le point magique au MSRI est la vue sur la baie de San Francisco, parfois elle nous empêcherait presque de travailler ! Mais il faut aussi y monter, c’est tout en haut au-dessus du petit accélérateur de particules.
Pour parler de mathématiques on peut aussi aller se promener dans les forêts et espaces verts alentour.
Un jour je suis descendue avec Salma Kuhlmann par les sentiers dans les bois à droite. Un vrai dédale, nous sommes passées devant une maison d’où une femme est sortie nous dire qu’elle nous avait prises pour des chevreuils !
Il y a des affiches devant le MSRI mettant en garde contre les Lynx et disant je crois qu’en cas de rencontre il faut lever les bras pour être grand et ne pas ramasser de bâton, je n’ai pas essayé …
Et surtout il ne faut pas y manquer la pause du lundi matin et sa tradition de donuts succulents !
La grande différence avec les centres précédents est qu’on y est pas logés ni nourris. Il faut aller ailleurs ou apporter de quoi utiliser la petite cuisine.
J’ai habité à plusieurs endroits au Durant Hotel (le jus d’orange du matin est une « tuerie » diraient les jeunes) comme au Women Student Union de Berkeley niché dans un écran de verdure au sein du Campus, ou encore chez des amis.

Il y a aussi « The Banff International Research Station for Mathematical Science », dans les Rocheuses Canadiennes. Un grand centre qui partage les vastes lieux avec d’autres disciplines notamment les artistes.
Dans les bois il y a de petites cabanes en bois où se trouvent des pianos pour que les compositeurs et les virtuoses puissent travailler en paix sans déranger personne.
Mais il y a aussi d’autres occupants : il suffit de regarder les traces de griffes des ours sur les grandes poubelles pour s’en convaincre !
L’environnement montagnard convient bien aux mathématiciens qui aiment la randonnée et l’escalade. Un jour nous sommes allés à Lake Louise et montés jusqu’au glacier Victoria. Faisaient partie entre autres de cette expédition Konrad Schmuedgen, Marie-Françoise Roy, Victoria Powers …
Banff est une station de ski et de montagne réputée, c’est un peu Chamonix et Mégève réunis, montagnes et luxe …
Mais je préfère Lake louise et ses environs plus calmes et plus sportifs ; et le bleu du lac Moraine tout proche est inoubliable !

Dans le même esprit que le MRSI ou l’IHP, c’est-à-dire un centre de recherches mathématiques mais sans logement, il y a le Newton Institute de Cambridge où je fus aussi, mais là il faut compter sur les thés et les pubs du soir pour se nourrir et fuir la nourriture des collèges environnants où on nous loge …

Dans un tout autre style il y a l’IMPA (Instituto de mathematica pura e applicada) à Rio de Janeiro. J’y fus deux semaines, pour une école d’Algèbre et pour un colloque en l’honneur des 70 ans de Jean-Jacques Risler.
C’est un peu dans la jungle à l’écart de Rio, au-dessus du jardin botanique. Il faut y aller en bus. Les singes ne sont pas rares sur les fils électriques du quartier.
Le restaurant y est un peu lassant, toujours des haricots rouges comme base de repas, mais on vient là pour faire des mathématiques ! Copacabana ou Ipanema offrent eux les fruits de la mer pour la soirée.
Un jour je fus diner en terrasse à l’Othon palace, il y avait du monde cela avait l’air bon. Seule j’observais les convives et les allées venues. Je me suis aperçue que certains hommes repartaient avec une convive vers l’hôtel. J’ai fini par comprendre qu’il s’y vendait du sexe.
J’avais l’impression de connaître deux hommes qui conversaient à une table. L’un d’eux a fini par emmener une belle métisse et j’ai vu le passage de reals.
Le lendemain je l’ai reconnu qui faisait une conférence. C’était donc une mise en jambe pour préparer son exposé ! C’était très joyeux dans ce pays sans interdits.
A un précédent passage à Rio sur le chemin de Campinas et de sa « Casa del professor visitante » j’étais allée à un spectacle type carnaval. C’était fort réussi – beaucoup mieux que le Moulin Rouge – et j’ai fini comme d’autres sur la piste à danser la samba en me demandant si en face de moi l’artiste était un homme, une femme ou un entre deux…

Je terminerai en parlant de AIMS (African Institute for Mathematical Science) à Muizemberg près du Cap. J’y fus pour des raisons féministes lors d’un régional workshop sur « The gender gap in sciences, how to mesure it, how to reduce it ?» organisé conjointement par Irvy Gledhill et Marie Françoise Roy.
C’est un très bel endroit pour le surf et les requins y sont très bien surveillés ! La plage régulièrement nettoyée est le matin pleine de coquilles de moules, il faut faire attention à ses pieds !
Les paysages y sont superbes et les environs sont plein de vignobles qui permettent d’intéressantes dégustations. Groot Constanzia, un classique où nous avons déjeuné, Beau Constanzia une découverte qui fait des recherches d’assemblages et Stellenbosh bien sûr. Mais en particulier Kleine Salze dont l’excellent restaurant gourmet m’a offert une viande cuisinée de Spring Box accompagné d’un vin reserve magnifique. C’est presque criminel de manger un si bel animal !
La visite du Cap, du jardin botanique, de Table Mountain, de Simons town sont aussi très intéressantes. Mais le plus mémorable fut d’aller jusqu’au Cap de Bonne Espérance avec Marie-Francoise Roy. C’est un magnifique lieu avec un vent impressionnant si on pense aux voiliers qui passaient là autrefois.

Avec beaucoup de chance, si la covid-19 le permet, je découvrirai peut-être le Fields Institute de Toronto à l’automne 2021 …

MARIE-FRANÇOISE ROY

Je connais Marie-Françoise Roy depuis au moins le colloque de Géométrie Algébrique Réelle tenu à Rennes en 1981.
Nos liens étaient donc scientifiques au départ.
Puis en 1987 ce fut avec la création de l’association femmes et mathématiques dont elle fut la première présidente que nous nous sommes liées. En 1989 elle fut membre du Jury de mon doctorat d’état, et nous nous croisions régulièrement dans des colloques.

Plus récemment, de 2017 à 2019, nous avons de nouveau travaillé ensemble pour le projet A Global Approach to the Gender Gap in Mathematical and Natural Sciences: How to Measure It, How to Reduce It?
C’est un projet de l’International Science Council (ISC) géré par l’International Mathematical Union (IMU) et l’International Union of Pure and applied Chemistry (IUPAC).
Nous avons en particulier collaboré pour le workshop initial à Paris et pour le regional workshop africain.

Marie-Françoise est très brillante, tant en mathématiques que dans ses activités et responsabilités autour des femmes et des mathématiques.
Elle fut d’ailleurs présidente de la Société Mathématique de France.
Elle a reçu en 2004 le prix Irène Joliot-Curie dans la catégorie reconnaissance.

Marie-Françoise sait emporter une équipe sur un projet.
Coorganisatrice du premier World Meeting for Women in Mathematics en 2018 elle a contribué à faire aboutir la demande des iraniennes pour faire du 12 mai une journée internationale célébrant les femmes en mathématiques.
Ce choix du 12 mai correspond à la date de naissance de Maryam Mirzakhani qui fut la première femme à recevoir la Médaille Fields.
Mais Marie-Françoise sait aussi se fâcher et le faire savoir quand les personnes ne font pas correctement leur travail !

Quand on souhaite l’inviter à parler au séminaire ou dans un colloque il faut s’assurer très tôt de sa disponibilité car elle voyage beaucoup !
En particulier en Afrique, continent auquel elle est très attachée, depuis ses années de poste au Niger au début des années 1980. Un engagement fidèle dans la durée à mettre à l’actif de sa ténacité.

J’ai toujours beaucoup de plaisir à la rencontrer ou à voyager avec elle.
C’est une amie que j’apprécie beaucoup.
Nous bavardons librement de nos vies et de nos familles. Qui plus est j’apprécie aussi son mari Michel Coste avec lequel j’ai travaillé pour le trimestre Borel. Ce n’est pas si courant de trouver un couple avec lequel s’entendre très bien.
Nos derniers colloques mathématiques ensemble furent Nagoya et Tromso.
Mais du côté mathématique Michel s’est un peu éloigné vers la robotique, et Marie Françoise a depuis longtemps orienté ses recherches vers l‘interface géométrie algébrique réelle et méthodes algorithmiques.
J’avais failli prendre ce virage lors du colloque de Catane où je ne suis finalement pas allée à cause d’un enfant malade.

Last but not least nous apprécions tous les trois les bons repas et les bons vins …
Je me souviens avoir collaboré avec Michel pour préparer la liste des restaurants du quartier de l’IHP à recommander aux participants de notre trimestre Borel !
Il faut que je les invite à un foie gras fait maison avec Champagne ou Sauterne, un jour, quand cette pandémie nous laissera enfin un peu en paix !

UNE BELLE SEMAINE

Lundi 18 septembre 1989 je soutiens mon doctorat d’état à l’Institut Henri Poincaré dans l’Amphi Darboux. Sujet « Théorie des modèles de corps ordonnables et sommes de puissances 2n-èmes », le Directeur de la thèse est Gabriel Sabbagh ; Georges Poitou devait présider le jury malheureusement il est déjà trop malade pour cela.
C’est une thèse sur travaux beaucoup des résultats sont déjà publiés.
Mes amis de Théorie des Nombres et de Théorie des Modèles sont là bien sûr. Je suis enceinte jusqu’au cou comme on dit ! La césarienne inévitable est prévue le samedi 30 septembre.
Tout se passe fort bien et je suis assez en forme ; j’ai commandé un pot gourmand au champagne que Claude mon mari apportera en temps utile, nous habitons tout près rue Lhomond. Il y a des arlettes de chez Dalloyau, et c’est si addictif que Gabriel Sabbagh très gourmet me demandera d’où cela vient !

Vendredi 22 septembre 1989 je suis en commission de spécialiste à Jussieu, je fais mon travail comme si je n’attendais pas une naissance imminente ! Quelques élancements abdominaux m’inquiètent un peu, je n’ai vraiment pas envie de perdre les eaux en commission … Le soir il me semble bien avoir des contractions, mais une semaine avant la césarienne c’est deux semaines avant le terme alors je fais comme si tout allait bien et je dine ; mais je compte le temps entre deux contractions. Un peu avant minuit j’appelle mon obstétricien qui me dit de venir illico à la clinique (de la Muette), c’est un peu à l’autre bout de Paris, je réveille Claude pour qu’il m’emmène, il prend de quoi s’occuper et nous voilà partis. Que d’embouteillages vers minuit un vendredi soir … Nous avons le temps de confirmer notre choix de prénom, ce sera Alice !

Samedi 23 septembre 1989 vers 2h Alice nait par césarienne, sous péridurale cette fois. Elle était déjà un peu descendue il a fallu la remonter pour pouvoir ouvrir l’utérus, j’ai évidemment vomi mon diner dans le haricot aimablement tendu par mon anesthésiste.
J’ai observé un peu tout cela dans l’éclairage scyalityque au-dessus du champ opératoire … On me pose Alice toute chaude sur mon buste bien froid dans cette salle réfrigérée. C’est très émouvant. C’est mon troisième enfant mais la première naissance sans anesthésie.
Claude trouvera le lendemain matin un PV de stationnement sur la voiture, il demandera une exemption en envoyant un acte de naissance et cela a effectivement été oublié car nous n’avons rien payé … Enfin la facture de la clinique c’était déjà suffisamment élevé !

Ma chambre est très petite et pas formidable, j’ai un dossier à terminer, je ne sais plus lequel, mais je demande s’il est possible d’avoir une chambre plus grande car je dois finir un dossier pour la présidence ; dans mon esprit c’est la présidence de l’Université mais ils ont dû l’entendre autrement car cela marche et je me retrouve au dernier étage dans la chambre spacieuse double exposition qui fut celle de maintes dames des politiques ! Un jour Claude arrive avec une botte de chrysanthèmes achetés en sortant du métro, j’imagine que les infirmières se sont interrogées … Mais seule l’intention compte !

LE CMJ

CMJ, Congrès Mathématique Junior ; il s’agit d’un évènement lié au premier colloque mathématique européen qui s’est tenu à Paris en 1992.
L’association femmes et mathématiques m’avait demandé de la représenter au comité d’organisation lié à « Maths à venir ».
Ce fut une aventure que j’ai partagée avec Jean-Pierre Ressayre que je connaissais déjà bien via l’équipe de Logique.
L’idée était de rassembler des lycéens participant à l’opération « Maths en jeans », des lauréats d’olympiades ou du concours général, ou des lycéens volontaires, et des chercheurs en mathématiques.
C’était donc ouvert à tous les lycéens et lycéennes et la motivation était de leur donner l’envie de faire de la recherche en mathématiques.
Il y avait à la fois des conférences magistrales, des exposés de leurs travaux par des lycéens de maths en jeans, et des ateliers de découverte.
Certaines conférences de lycéens étaient magnifiquement préparées. Je me souviens en particulier d’une présentation du billard elliptique illustrée par des simulations numériques.
Je me souviens aussi du moment où arrivèrent les résultats du baccalauréat par téléphone via les parents ou les professeurs. Et de la joie de toutes ces mentions très bien !
Tout cela se passait à la Villette … Et ce fut compliqué à organiser et terriblement administratif …
Par exemple ils nous demandaient le créneau de deux heures où nous livrerions les ordinateurs utiles, et nous à ce moment-là ne savions même pas où nous pourrions trouver ces ordinateurs !
Pierre Jarraud nous a permis de les trouver, je ne sais plus très bien comment, mais cela a bien fonctionné ! Et nous n’avons rien perdu ni cassé …
De mon côté grâce aux contacts de mon mari à la SNCF j’ai pu avoir les billets de train pour tous les lycéens qui venaient de province en échange d’une future publicité dans Quadrature qui diffuserait les actes du colloque.
L’opération a été un succès et fut passionnante. Tout a fini par très bien fonctionner y compris les pains au chocolat des pauses pour les jeunes !
Le moment le plus fort fut la conférence de clôture par Laurent Schwartz. Je me souviens m’être précipitée sur un micro pour la réannoncer car les jeunes commençaient à partir.
Ce fut une conférence extraordinaire, comme savait en faire Laurent Schwartz. Il a réussi à faire comprendre ce moment magique où le chercheur trouve la clef de son travail futur. C’est très bref, très fort et c’est une grande jouissance. Ensuite il faut travailler, travailler et encore travailler pour réaliser la chose, mais il y a un big-bang initial en quelque sorte !
La régie de la Villette devant cet amphi subjugué n’a pas mis fin à la conférence à l’heure prévue et Laurent Schwartz a débordé d’une bonne demi-heure je crois !
Je me souviens avoir ensuite assuré notre conférencier lors de sa sortie par les escaliers de cet amphi mal éclairé. Il était déjà âgé mais toujours passionné.
J’espère que tout cela a suscité quelques vocations de chercheur.

EN LOUISIANE

En avril 1996 une session spéciale de l’AMS sur « Real Algebraic Geometry and Ordered structures » nous réunit à Louisiana State University (Baton Rouge).
Je suis logée à la Student Union, dans l’une des deux suites qui servent pour accueillir les Présidents en visite ou les mariés lors de fêtes de mariage !
C’est somptueux et très américain dans la décoration. Le livre d’or porte les signatures de George et Barbara Bush !
A mon arrivée Max Dickman déjà là m’emmène diner dans la brasserie voisine, ce sera « étouffée d’écrevisses », c’est exquis. Nous en ferons une cure…
Au petit déjeuner sur place je suis servie par une femme noire, solide et souriante qui me donne du « Yes Mam » ; on se croirait dans « Autant en emporte le vent »…
Et pas seulement pour cela car les arbres du parc du campus sont inouïs, je comprends enfin l’importance de ceux-ci dans le roman.
Le diner du Colloque est dans un endroit spécialisé « hot crawfish » nommé Mulate’s, et on y sert d’immenses plats débordant d’écrevisses bien rouges et bien épicées. Sur place on danse, cajun bien sûr, je me souviens que Tomas Recio compte les pas, ce n’est pas ma vision de la chose, moi je me laisse porter par la musique.
Un soir avec Daniel Glushankoff et Max Dickmann nous avons envie d’un très bon diner. J’avais une voiture et on réserve dans un super restaurant qui ne paie pas de mine dans un centre commercial.
Daniel est en short, on espère que ce ne sera pas un problème et ça ne l’est pas. Le diner est magique, un délicieux crabe mou superbe dans mon assiette et un bread pie incroyable. Carpe diem, car deux ans plus tard, en 1998, Daniel, qui pourtant escaladait les 6000 sud-américains, trouvera la mort au cirque de Gavarnie. Son guide est venu pour la crémation au Père Lachaise et est reparti avec l’urne des cendres à disperser dans les montagnes. Montagnarde je n’ai pas oublié ce moment particulier.
La sortie durant ce séjour à Louisiana State University (LSU) fut en canoë dans un « Bayou aux alligators ». Le volume 253 de Contemporary Mathematics (2000) comporte, au-delà d’un article consigné avec Murray Marshall, mes photographies de cette sortie mémorable. En effet un canoë, celui de F.-V. Kuhlmann et d’un mathématicien russe je crois, a éperonné un autre canoë, celui où se trouvaient Chip Delzell, David Trotman et Chris Miller qui se retrouvèrent à l’eau.
J’étais avec Murray Marshall dans un troisième canoë et c’est la science canadienne de Murray qui les a tirés d’affaire. Car comment vider un canoë plein d’eau ?
Il suffit de mettre le nez du canoë naufragé sur le bord d’un autre canoë à flot (le mien dans ce cas) puis de le faire tourner pour vider l’eau avant de se hisser à bord.
Lors de ce séjour à Bâton rouge nous sommes aussi allés en voiture à la nouvelle Orléans avec Claus Scheiderer, Max Dickmann et Franz-Viktor Kuhlmann. C’était au moment du festival du quartier français.
L’ambiance était électrique et le quartier français fort animé. Nous avons écouté du Jazz ici et là en buvant des bières après avoir déposé Franz Viktor qui allait faire une conférence à l’université là-bas.
Vers 2h du matin nous avons pensé qu’il était temps de rentrer, nous avons pris la route vers 2h30 et avons essuyé les trombes d’eau d’un orage tropical. Claus s’était endormi à l’arrière et je demandais à Max de me parler sans arrêt pour me tenir éveillée ! Evidemment nous avons raté la bonne sortie d’autoroute – point d’iphone à l’époque – mais avons fini par retrouver notre campus. Inutile de dire que si nous étions au colloque le lendemain matin le niveau d’attention était faible !
Nous sommes aussi allés avec Murray Marshall et Franz-Vicktor à l’ile où est fabriqué le Tabasco. L’unique usine de Tabasco au monde dans un environnement fantomatique d’arbres plein de lichens pendants et d’eau stagnante regorgeant de crocodiles. Les guides ou notices recommandent si on est pris en chasse par ce genre d’animal de courir en zig-zag car ils ont du mal à changer de direction. Mais nous n’avons pas eu à expérimenter la méthode !
De ce séjour il me reste une carte de LSU staff avec un numéro de SS étrange, les règles administratives sont parfois surprenantes …

En avril 2007 un autre colloque a lieu à Louisiana State University.
J’étais toujours logée à la student union mais dans l’autre suite cette fois car le samedi soir il y avait un mariage et une grande fête. Je crois que Chip Delzell et Jim Madden, les organisateurs du colloque, prenaient soin de me loger superbement.
Les robes de fêtes en Louisiane sont spectaculaires. Enfin à cette époque, je ne sais si cela dure encore. J’ai eu l’occasion d’en revoir beaucoup à une fête d’alumni, et aussi souvent en fin d’après-midi sur la route où des demoiselles en robe longues étaient souvent juchées à l‘arrière d’un pick up pour aller à une soirée dans une de ces belles maison qui longent le Mississippi.
Surprenantes aussi dans ce pays sont les « escape routes » et les levées de terre énormes longeant le Mississipi pour échapper aux crues habituelles du fleuve.
A ce second colloque était venu Francois Lucas, pourtant déjà bien malade ; il avait affronté ce voyage plutôt long avec courage.
Je me souviens que je l’accompagnais prendre son café dans un endroit qui embaumait et que m’avait recommandé Max Dickmann bien sûr.
La sortie en soirée de ce colloque se terminait sur un bateau à roue type « Mississippi » qui était un bateau casino. Visiblement les mathématiciens n’étaient pas fascinés par le jeu. Nous nous sommes retrouvés sur le pont à l’air libre à deviser sous les étoiles !

ŒNOLOGIE

Petit à petit, sans doute à cause des Pouilly Fuissé « Claude Gondard »
que l’on buvait à des apéritifs chez moi je suis devenue la personne
référente pour les vins !

Lorsque nous avons fait notre colloque anniversaire des 30 ans du
Séminaire Structures Algébriques Ordonnées au CIRM en 2015 il y avait
une session poster. Je trouvais que ces sessions poster étaient en
général tristes alors que les jeunes se donnent un mal fou pour
présenter leurs travaux.
Alors j’ai eu une idée ! J’ai décidé d’y coupler une dégustation des vins locaux à siroter pendant la découverte des posters. Du Cassis Blanc et du Bandol Rouge bien sûr, et ce fut un succès : l’antichambre de l’amphi était quasiment trop
petite pour l’affluence !

Un des mérite de ces soirées légèrement :alcoolisées est que cela désinhibe et que l’on ose plus facilement lancer des idées mathématiques mal ficelées, voire un peu folles, mais qui plus tard se révèleront parfois fructueuses.

Avant le premier workshop d’ouverture du projet « Gender gap in
sciences » il y a eu un petit cocktail chez moi, apporté par le
traiteur Guillemard, qui fournit souvent l’Institut Henri Poincaré,
mais j’avais tenu à m’occuper des boissons et j’avais mis un blanc Côte
Chalonnaise et un Bordeaux rouge Benjamin achetés Rue Blainville à la
Truffière.
Cela a été suffisamment apprécié pour qu’une Sud-Africaine
en achète pour le rapporter chez elle ! Il avait aussi des macarons
aux truffes de la même adresse et là encore il y a eu des achats pour
emporter aux USA !

Lorsque je suis allée en Afrique du Sud au Cap en 2017 pour un
workshop nous avons fait des dégustations de vins
et j’ai évidemment dû enregistrer mon bagage cabine pour pouvoir
rapporter quelques bouteilles …
Nous fumes bien sûr à Groot Cosntanzia mais aussi à Stellenbosch. Là
j’ai bu un superbe vin avec une antilope (Springbok) très bien cuisinée.
Plus tard seule je suis allée à Beau Constanzia vraiment très beau et
très bon ; en plus ils font de la recherche avec des assemblages
innovants. C’est intéressant avec le climat la vigne pousse et produit vite ; au
début ce pays faisaient des vins doux, muscats, vin de paille etc… puis
ils ont suivi l’évolution des goûts et ont fait beaucoup de vins blancs mais maintenant ils sont passés aux rouges et ils y sont excellents. A La Réunion je boirai plus tard, en 2019, et avec plaisir pas mal de vins sud-africains.

Depuis plusieurs années déjà je suis des cours d’Oenologie avec le GPX
(Groupe Parisien des Polytechniciens). Cela affine l’analyse du vin
que l’on goute et on prête plus d’attention à ce que l’on boit … Du
coup c’est souvent à moi qu’on demande de goûter le vin apporté à
table durant les colloques …

A Oberwolfach début mars 2020 Greg Bleckermann est venu me voir un
soir en me disant qu’il avait une question pour moi. Je m’attendais à
une question de mathématiques, mais non il s’agissait de choisir un
bon vin pour la soirée !
Nous avons fini par élargir le cercle et bu plusieurs bouteilles dont
les deux que j’avais repérées comme sans doute intéressantes.

EN AMÉRIQUE LATINE

J’ai effectué une dizaine de missions pour les mathématiques en Amérique latine :
3 au Chili (2002 à Talca et Pucon, 2010 à Pucon, 2014 à Conception), 5 au Brésil (2004 et 2006 à Campinas, 2008 à Rio de Janeiro, 2012 à Salvador de Bahia, 2018 à Sao Paulo), ainsi qu’une en 2004 au Costa Rica (San José) et une en 2006 en Argentine (Buenos Aires).
Dans ce continent le Brésil est un continent à lui tout seul ne serait ce qu’en raison de la langue portugaise qui fait exception à l’espagnol généralement employé.

Ma préférence va je crois au Chili, pays de montagnes et d’océan, extrêmement varié en raison de sa latitude très étendue du nord au sud et de la proximité des Andes et du pacifique. Et puis les vins carmenere et les ceviche réjouissent mon palais !
Au plan architectural le Brésil est plus intéressant mais le Chili a plus de paysages magnifiques.
Et côté artistes la gravure en particulier sur bois est très utilisée au Chili alors que le Brésil est un pays de peintres magnifiques.
Buenos Aires c’est un peu l’Europe et le royaume du Tango et du cuir.

Le Costa Rica est lui le royaume de l’écologie. En 2004 ils n’avaient déjà plus d’essence avec plomb alors que c’était encore courant en France. Un de mes plus beaux souvenirs là-bas est d’avoir vu dans un rayon de soleil d’une forêt voler un de ces très grands papillons bleus. Le battement d’ailes est très lent, les ailes sont très souples, c’était féerique un peu comme un ballet. Depuis j’ai du mal à regarder ces pauvres bêtes si belles épinglées dans une vitrine … L’autre souvenir concret cette fois c’est la tortue en argent est résine achetée au musée de l’or de San José que porte depuis 2004, et qui arrête le regard de beaucoup d’interlocuteurs. Parfois des personnes inconnues osent même m’interroger ou me féliciter !
Pour la sécurité, je n’ai vu aucun problème au Chili ni en Argentine, par contre il faut avoir une certaine prudence au Costa Rica et surtout au Brésil.

Lorsque je suis arrivée à San José j’avais loué une voiture, il était déjà tard j’étais seule, et Hertz m’a fait signer un document disant qu’on m’avait avertie que si on me tirait dans les pneus il ne fallait pas que je m’arrête…
Il y a beaucoup de vols en effet, un des conférenciers s’est fait voler tous ses bagages pendant un déjeuner mais ils ont eu la délicatesse de lui laisser ses transparents sur le siège ! À L’université, où j’ai vu dans les arbres des paresseux vraiment immobiles, les deux organisateurs s’étaient déjà fait voler une voiture l’un à l’Université, l’autre chez lui.
Je me suis un peu promenée aux week-ends avant et après le colloque de Théorie des Modèles, quand sur la highway 1 près de l’océan j’ai eu envie de me baigner j’ai un peu hésité, mais finalement j’ai fait un petit tas de mes affaires à côté d’une famille en demandant au père s’il pouvait avoir un oeil sur mes vêtements qui contenaient surtout ma clé de voiture. Après mon bain nous avons un peu bavardé, il était médecin et il a profité de ma présence pour dire à ses deux petites filles qu’il fallait étudier pour avoir une vie intéressante. Et il m’a aussi conseillé de rester jusqu’au coucher du soleil qui était très couru à cet endroit. Je suis donc restée, j’ai vu les gens arriver à vélo pour le spectacle du soir et finalement je suis rentrée de nuit sur des routes délicates. Quand je rentrerai à Paris après cette mission je scruterai encore la chaussée pour éviter les trous supposés s’y trouver !

Au Brésil j’ai fait quelques imprudences, mais sans aller sur la plage de Copacabana le soir, il faut rester du côté des immeubles … Pourtant cela a l’air bon enfant avec des jeunes qui jouent au volley mais c’est absolument déconseillé. Une fois à Santa Teresa j’ai sagement renoncé à prendre une rue après l’avoir un peu observée. Voyageant seule je suis particulièrement attentive à l’environnement, je regarde, prends des photos, mais ne suis pas distraite par un accompagnateur.
Une fois tout de même à Foz de Iguacu le troisième jour, un dimanche, je retournais aux chutes éblouissantes en allant prendre le bus local qui transportait surtout les brésiliens locaux qui allaient y travailler. Sur la grande avenue qui menait à l’arrêt j’ai croisé un jeune qui ne m’a pas plu… Il a du faire demi-tour car je l’ai vu me dépasser ensuite, puis s’arrêter dans une cour pour parler avec d’autres jeunes, je me suis alors mise à surveiller mon ombre… C’était une bonne idée, j’ai vu soudainement une ombre se coller à moi derrière, j’ai bondi sur la chaussée et vu le même individu s’enfuir en courant … Au retour j’ai fini mes reals dans un tour d’hélicoptère au soleil de la fin d’après-midi au-dessus des chutes, ce fut inoubliable. Jamais je n’aurais pensé que voir des chutes d’eau pouvait valoir un voyage, dans le passé celles du Niagara, certes impressionnantes, m’ont paru manquer vraiment de beauté. Mais Foz de Iguaçu c’est magnifique, et le coté brésilien et le coté argentin sont assez différents. J’ai beaucoup aimé ce mélange spectaculaire de paradis et d’enfer, beau et changeant.

Mais revenons aux mathématiques et aux colloques ; j’ai été étonnée de constater que dans les écoles d’algèbre brésiliennes les femmes n’étaient pas du tout rares comme en France ou en Allemagne. On imagine un pays macho, mais en fait c’est assez égalitaire pour les études, et les mathématiques sont considérées et bien financées. Bien sûr dans les carrières on retrouve un plafond de verre, mais il y a un vivier de femmes mathématiciennes important.
Une autre des caractéristiques de ces colloques, c’est la fréquence avec laquelle on vient vous chercher à l’aéroport et on organise vos transports locaux. Assez surprenant aussi est le fait qu’au lieu de remplir plein de papiers pour être remboursé de frais dans un délai indéterminé, comme c’est souvent le cas, on vous remet en général une enveloppe avec des devises en quantité suffisante pour votre séjour contre la signature d’un simple reçu. Tout cela est très confortable.

LA SECTION F

C’est une première année « normale » mais une section qui accueille des élèves variés, anciens bacheliers scientifiques, élèves non francophones, bacheliers techniques et professionnels.
A la différence des autres sections il n’y a pas de séparation entre cours magistral et travaux dirigés. C’est plutôt le mode de fonctionnement des classes préparatoires, sans la sélection à l’entrée ni la pression des concours.
Cette population est assez attachante si on accepte de renoncer à trop d’élitisme et que l’on essaie surtout de leur redonner confiance en eux. Ils tentent de saisir leur chance d’être à l’université quitte à venir en skate de loin s’il a une grève des transports. Quelques-uns des souvenirs de ces années là sont particulièrement forts.

Un des élèves issus de l’enseignement technique était dans les meilleurs, il me rendait ses devoirs dans un A3 plié avec des photocopies de HardRock et il portait des bracelets de cuir muni de pointes, tout cela était sans importance. Jusqu’au jour où il levé la main pour me dire « Madame, donnez leur un exemple, ils ne comprennent que cela ! «. Il avait un peu raison j’avoue, mais le dire est une autre affaire. Il a doucement cessé de venir en cours sans doute mis à l’écart par le groupe. Et il m’a manqué car pour aider le groupe il suffisait de le faire passer au tableau où il trouvait des mots très adéquats pour expliquer aux autres étudiants !

Une autre fois deux étudiants ont eu une altercation au fond de la classe, je leur ai dit de sortir, mais immédiatement un remord m’est venu, et si l’un blessait l’autre dans le couloir … Heureusement un troisième a eu la bonne idée de sortir immédiatement pour calmer le jeu et ils sont rentrés ensuite très sereins tous les trois.

Un jour de début de mai arrive dans ma classe un étudiant nouveau ; je le remarque tout de suite car en fin d’année on connait bien les visages. Je lui demande s’il a une bonne raison d’arriver à cette époque de l’année.
Il fouille dans son portefeuille et en sort un papier plié en quatre qu’il me tend. Je m’attends à un certificat médical ou de déménagement et je découvre un document de sortie de la prison de Fresnes. Je cache ma gêne et lui rend son document avec un sourire en le remerciant.

J’ai aussi eu un étudiant qui toujours assis au premier rang dormait beaucoup. J’étais étonnée par le contraste entre cette attitude et la qualité de ses devoirs. Jusqu’au jour où j’ai su qu’il était veilleur de nuit. Il devait travailler pendant ce service de veille, et je me suis demandé ce que pouvait bien enregistrer son cerveau durant son sommeil pendant mes cours. Il a fini l’année avec mention très bien. Bravo !

Enfin j’ai aussi eu dans ma classe un étudiant iranien qui ne maitrisait pas le français et demanda un dictionnaire pour les partiels de décembre. Il était excellent et ce qui était remarquable c’est que son approche était assez différente de la nôtre.
J’aurais du mal à expliquer cela mais ce n’était ni cartésien à la française, ni formel à l’allemande, ni pragmatique à l’anglaise, mais un mélange de tout cela et extrêmement inventif avec beaucoup d’initiatives intéressantes.
Je n’ai pas été étonnée que la première femme Médaille Fields soit une iranienne, leur enseignement primaire et secondaire est certainement très bon et respecte la créativité et les goûts.

A propos de goûts je terminerai en racontant que souvent en début de première année je donnais deux, voire trois, démonstrations pour le même résultat et venait alors la question rituelle : « Madame, quelle est la meilleure ? »
Et ma réponse était tout aussi systématique « Celle que vous préférez ». Il faut aimer ce que l’on fait pour réussir, c’est le premier des enseignements à partager.

MURRAY MARSHALL

J’arrive à un colloque quelque part aux USA. Peut-être à Baton Rouge en 1996 ?… J’ai oublié où, c’était il y a bien longtemps, tant de rencontres ont eu lieu depuis …
Je fais les salutations d’usage aux premiers arrivés et dis « nice to meet you » à un mathématicien, barbu comme c’est souvent le cas.
Il me répond « I had dinner at your home ». Stupéfaction et confusion !
Je ne suis pas physionomiste je le sais, et puis une femme dans un milieu très masculin elle est toujours reconnue facilement, l’inverse est plus difficile.
Mes neurones tournent très vite, mais gentiment il m’aide « I was with Paulo Ribenboim »
Et là je revois dans un flash : c’était dans ce qui était alors une salle à manger et est devenu un bureau, donc à Paris après 1980. Il y avait là non seulement Murray Marshall et Paulo Ribenboim mais aussi T.Y. Lam. Peut-être Max Dickmann était-il là aussi comme souvent.
Murray était le plus gentil des mathématiciens, il ne m’a pas tenu rigueur de cette bévue ! Nous avons par la suite consigné deux publications en 2000 et 2010.
Je suis allée 8 fois à Saskatoon où il avait un poste en faisant souvent un détour par les Rocheuses et Lake Louise.
Une fois j’ai même emmené mes chaussures de ski dans mon bagage cabine ! J’ai skié à Lake Louise et à Sunshine Valley. J’ai aussi vu la coupe du monde de descente et de super G, et admiré Hermann Maier impressionnant d’aisance, puis assisté aux festivités qui suivent les compétitions au Château Lake Louise.

Murray divorcé vivait seul et quand j’étais à Saskatoon nous dinions souvent ensemble au restaurant. Il me racontait un peu sa famille qui exploitait une ferme dans cette partie du Canada qui est un peu un grenier a céréales pour une partie du monde. Le musée agricole présentait d’impressionnantes machines pour lexploitation des champs de céreales.
Le diner favori de Murray était « chowder soup with country good bread » dans un genre de grande brasserie à la fois populaire et branchée. C’était objectivement très bon à base de légumes, de crème, de moules et avec un peu de poisson.

La dernière fois à Saskatoon ce fut un colloque « in memoriam » pour Murray Marshall. Il nous a quitté en mai 2015 ; j’étais en voyage au Pérou avec de mauvaises connexions à mon mail par mon téléphone mobile.
Il y avait plein de messages nouveaux de plein de collègues, j’avais commencé à ouvrir par les plus récents, doucement le sentiment que quelque chose de grave était arrivé m’a envahie jusqu’au message d’annonce du décès de Murray.
Murray avait eu un triple pontage, il aimait les voitures de sport, il conduisait beaucoup et vite, il a eu un malaise à une station-service dont il ne s’est pas remis.
Au moins c’est sa passion qui l’a emporté, comme si je passais sous une avalanche ou sautais une barre rocheuse. Cela a ensuite été difficile coté recherche pour moi, nous avions des travaux en cours, il m’a fallu longtemps pour les reprendre.

Je me souviens d’une de ses phrases de jeune retraité qui disait à peu près « on ne mesure pas combien on dépend de son environnement professionnel ».
Maintenant émérite, et bénévole depuis près de 12 années je mesure combien continuer nos activités de recherche est vital pour nous, combien nous sommes attachés à notre communauté mathématique.

LE MÉRITE

Après avoir beaucoup travaillé pour l’AFFDU et avec Huguette Delavault cette dernière a je crois souhaité que je sois distinguée.
C’est Colette Kreder qui a soutenu mon dossier et c’est Jean-Pierre Rafarin qui m’a nommée. C’est ensuite Claudine Hermann Professeur de Physique à L’Ecole Polytechnique qui m’a remis ma distinction lors d’une petite fête en octobre 2003.
Avec Renée Gérard, également honorée, nous avons organisé cela à Reid Hall dans les locaux de Columbia University rue de Chevreuse.
Mes amis et ma famille sont venus et ce fut très chaleureux, mais Claude a refusé de venir, les choses devenaient déjà compliquées avec lui. Nous nous séparerons en octobre 2005.
Je reproduis ci-dessous les textes des deux interventions. Je comptais demander à Claudine son accord – qui ne faisait pas de doute – pour reproduire le texte de son discours, mais je n’en ai pas eu le temps. J’ai achevé le texte le 20 juillet et Claudine est décédée le 17 juillet 2021.

Mesdames, Messieurs, chers amis

Nous sommes réunis, famille, collègues et amis de Danielle Gondard à
l’occasion de sa promotion dans l’ordre du Mérite. Pour se voir décerner
cette décoration il faut d’abord avoir été proposée et nous remercions ici
Demain la parité et tout particulièrement Huguette Delavault et Colette
Kreder. C’est Huguette qui aurait dû être à ma place aujourd’hui, c’est
Huguette que Danielle a accompagnée dans ses derniers mois avec une
fidélité dont je parlerai tout à l’heure et toutes celles et tous ceux qui
l’ont connue l’associent à la cérémonie d’aujourd’hui. Après avoir fait
l’objet d’une proposition, il faut ensuite passer à travers des procédures
de sélection très sévères, ce qui assure que Danielle possède bien tout le
 » mérite » requis.

Danielle m’a donc fait l’amitié de me demander de lui remettre cette
décoration et je veux d’abord vous dire comme je suis touchée d’être
chargée de cette mission. En effet si j’ai rencontré Danielle pour la
première fois lors d’un repas organisé à l’occasion du 75° anniversaire de
l’AFFDU, ce n’est que depuis la création de Femmes et Sciences fin 2000 que
je la connais vraiment et que j’ai pu apprécier ses qualités et ses
convictions.

Danielle est une  » jeune du même âge  » que moi et je salue toute sa
famille, et particulièrement ses trois enfants dont j’imagine la joie
d’être ici présents. Danielle a effectué ses études à l’Ecole Normale
Supérieure de Cachan, elle est agrégée de mathématiques (1969) et a passé
sa thèse d’Etat en mathématiques en 1989. Sa carrière s’est déroulée à
l’université de Bretagne occidentale et à Paris VI où elle est maîtresse de
Conférences depuis 1985. Comme on le sait dans les pays étrangers, les
activités d’enseignement-recherche dans l’enseignement supérieur
s’organisent autour de trois pôles, l’enseignement, la recherche, mais
aussi l’administration du système universitaire : en effet il faut fournir
beaucoup d’énergie à la machine universitaire pour qu’elle puisse tourner.
Danielle excelle dans ces trois domaines.

Ses domaines de recherche sont l’algèbre réelle et la géométrie algébrique
réelle ; la théorie des modèles, l’arithmétique des corps, les sommes de
puissances. Danielle y a produit 25 articles et textes de revue. Je préfère
lui laisser le plaisir de vous raconter, simplement, elle-même, ce qu’elle
a fait, elle le fera infiniment mieux que moi ! Elle anime le séminaire « 
Structures algébriques ordonnées  » avec Françoise Delon et Max Dickmann,
seminaire dont l’édition et la diffusion par Danielle et ses
co-organisateurs assurent l’impact international, ceci depuis 19 ans. Elle
collabore avec des chercheurs étrangers en particulier à l’intérieur de
réseaux européens, mais est aussi responsable d’une coopération
franco-canadienne et est très fréquemment invitée comme conférencière dans
de nombreux pays (Chili, Pologne, Chine, Italie, Canada, pour ne parler que
de l’année dernière).

Elle a enseigné à l’université les mathématiques à plusieurs niveaux, y
compris en formation continue des enseignants du secondaire. Elle est entre
autre responsable depuis 11 ans de l’enseignement des mathématiques pour
la section d’accueil des bacheliers des séries technologiques, qui doivent
pouvoir l’année suivante suivre le cursus normal de DEUG 2° année. Pendant
15 ans elle a fait partie du jury du concours d’entrée à l’ENS Cachan.

Au plan administratif, elle a oeuvré dans les Commissions de Spécialistes de
Paris VI pendant 7 ans et a organisé plusieurs colloques dont le « 
Congrès mathématique junior « , lié au premier Congrès mathématique Européen
de juillet 1992 à Paris.

Mais son dévouement pour la communauté s’est aussi manifesté dans la vie
associative , à Femmes et mathématiques, à l’Association Française des
Femmes Diplômées des Universités (AFFDU) et à Femmes et Sciences dont elle
est membre du bureau : c’est une longue histoire, que je ne vais pas
raconter dans les détails. Elle a participé à la création de fetm le 16 mai
1987, a été membre du CA de cette association de 1987 à 1994. C’est parce
qu’elle travaille tant pour l’AFFDU qu’elle a tenu que la cérémonie
d’aujourd’hui ait lieu à Reid Hall, qui est le siège de cette association.
A l’AFFDU, elle a assuré la présidence de la commission des bourses de 1996
à 2002, ce qui signifie non seulement examiner des dossiers de demande,
mais aussi trouver des subventions et des mécènes. C’est sous la présidence
de Danielle que de nouvelles bourses ont vu le jour : Femmes et Finance en
1997, bourse Gauthier-Villars pour une étudiante mathématicienne en 1998..
Elle est maintenant présidente de la commission des admissions et des
équivalences depuis 2002, ce qui comprend entre autres la réorganisation
des procédures d’admission et des fichiers de l’association.

Ce qui caractérise l’activité associative de Danielle, en quelques mots,
c’est la continuité et la fiabilité dans les tâches souvent ingrates, la
modestie, la compassion, la capacité de travailler avec tout le monde dans
la concorde,.  » Servir et non pas se servir « , comme le disait un cadre
militaire de Polytechnique ! Ces qualités rares ont eu encore récemment la
possibilité de se manifester lors de la maladie d’Huguette Delavault,
auprès de laquelle Danielle a été d’une fidélité extraordinaire et pour
l’organisation du programme de l’hommage qui lui a été rendu le 3 juin
dernier : cette manifestation, qui a rassemblé 200 personnes alliait
les contraintes de l’organisation d’un colloque dans des délais très
réduits, un fort contenu affectif, la chasse aux oratrices et orateurs, et
des susceptibilités à ménager.

J’ai certainement oublié dans cette description d’autres facettes de
l’activité de Danielle. On y retrouve constamment sa passion pour les
mathématiques, sa puissance de travail car sans cela elle n’aurait pu mener
en parallèle sa carrière de mathématicienne, son engagement associatif et
sa vie familiale, son souci du bien commun et du travail fait à fond, sa
discrétion, son aptitude à collaborer avec toutes et tous, et comme nous le
voyons aujourd’hui son sens de la convivialité.

Danielle, tous les efforts que tu as consacrés à la collectivité, en
particulier, mais pas uniquement, pour la promotion des femmes dans les
mathématiques, l’enseignement supérieur et les sciences, par leur quantité
et leur qualité exceptionnelles, méritent récompense.

Madame Danielle Gondard née Cozette, au nom du Président de la République
et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons
CHEVALIER de l’Ordre National du Mérite.

Claudine Hermann
Laboratoire de Physique de la Matière Condensée
Ecole Polytechnique
91128 Palaiseau
France


Chère Claudine, Mesdames, Messieurs, Chers Ami(e)s,
Merci Claudine d’avoir accepté d’être ma marraine, et d’avoir si bien présenté mes activités professionnelles et associatives.
Je remercie également Colette Kreder d’avoir sollicité cette décoration au nom du réseau « Demain la Parité ».
Je veux aussi rendre hommage à Huguette Delavault, disparue il y a six mois, qui m’a presque tout appris sur l’AFFDU, et avec qui ce fut une joie de travailler.
Je suis bien sûr très fière, et très heureuse, d’être ainsi honorée ce soir ; mais à travers moi, ce sont AUSSI les associations féminines et les institutions universitaires au sein desquelles j’ai travaillé qui sont récompensées.
Je dois dire que la collaboration et les compétences de mes collègues à l’université, et de mes amies dans les associations, m’ont beaucoup aidée dans les réalisations évoquées par Claudine. Merci à tous ceux et toutes celles avec lesquels j’ai travaillé, et dont beaucoup sont ici ce soir.
Ma reconnaissance va aussi à ma famille et à mes professeurs, sans lesquels rien n’eut été possible ; en particulier à mon père, qui est parmi nous ce soir, et auquel je dois sûrement mon esprit scientifique ; et à ma mère, trop tôt disparue, qui m’a appris à oser entreprendre et vouloir réussir.
En fait, j’ai trouvé beaucoup de plaisir dans mes activités professionnelles et associatives, il n’y a finalement pas beaucoup de « mérite » à faire ce que l’on aime en compagnie de personnes remarquables !
Je m’intéresse, comme l’a dit Claudine, à la Géométrie Réelle, discipline récente puisque les premiers colloques ont eu lieu en 1981 à San Francisco et à Rennes.
Très schématiquement, une telle géométrie concerne les solutions « réelles » des équations et des inéquations polynomiales, et peut donc trouver des applications en traitement de l’image et en robotique.
Les chercheurs y sont venus d’horizons très divers, la géométrie et l’algèbre bien sûr, mais aussi la logique, la théorie des nombres, l’analyse fonctionnelle et d’autres sans doute…
Cela a créé une communauté internationale très riche et fort sympathique.
En choisissant ma profession, je n’imaginais pas combien l’activité mathématique pouvait être vivante et conviviale. Je n’imaginais pas non plus qu’il pouvait s’inventer CHAQUE JOUR quelques centaines de théorèmes nouveaux, dont quelques dizaines en France.
Claudine ayant fort gentiment dit que j’étais « une jeune du même âge qu’elle » et présenté ce que j’avais déjà fait, je vais parler un peu de l’avenir !
Avec Max Dickmann, nous avons initié un projet de trimestre dédié à la Géométrie Réelle, au centre Emile Borel de l’Intitut Henri Poincaré. En juin dernier nous avons eu la satisfaction de voir ce projet accepté pour l’automne 2005 ; ceci permettra de former assez complètement des jeunes à cette discipline, et d’en assurer l’avenir en France.
Quant au séminaire de recherche que j’anime avec Francoise Delon et Max Dickmann, il fêtera cette année ses 20 ans, en ayant réussi à éviter de devenir une « institution », puisque les doctorants osent encore y poser des questions !
Du coté de l’enseignement, je dirai que ce sont les publics exigeants, comme celui rencontré en formation continue des enseignants, ou difficiles comme les bacheliers technologiques dont j’ai actuellement la charge à l’Université Pierre et Marie Curie, qui donnent les plus grandes satisfactions. Ces publics vous obligent à faire évoluer votre manière d’enseigner, et sont souvent des élèves très motivés et très attachants.
Ces quinze dernières années ma vie associative a influencé mon enseignement : je suis devenue plus ATTENTIVE aux différences de comportement scolaire entre les filles et les garçons. L’équité VEUT que nous tenions compte de ces différences. J’ai aussi appris à devenir plus VIGILANTE sur les questions de parité dans mes activités administratives.
Mon engagement à « Femmes et Mathématiques » en 1987 était motivé par le passage à la mixité des Ecoles Normales Supérieures qui a provoqué une quasi-disparition des filles admises au concours en section mathématiques.
Plus de quinze ans après, cela n’a guère évolué : en 2003 il n’y a que 3 femmes parmi les 39 admis en liste principale à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm en section mathématique. Il serait peut-être bon de s’interroger sur la forme du concours et de développer des admissions parallèles sur dossier, qui sont elles plus favorables aux filles.
C’est en intervenant pour « Femmes et Mathématiques » à la journée organisée par l’AFFDU en 1991 sur  » la formation du personnel de l’enseignement secondaire à l’égalité des chances entre filles et garcons » que j’ai découvert l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités. Ce fut un coup de foudre, et j’adhérais immédiatement, séduite par la variété des disciplines représentées, et par la qualité des interventions de ses membres. Cette association, qui date de 1920, peut d’ailleurs s’honorer d’avoir compté Marie Curie parmi ses adhérentes les plus éminentes.
Le travail à l’AFFDU, initié en 1996 avec Huguette Delavault, sous la présidence de Nicole Bécarud, m’a d’abord permis de rencontrer des chercheurs d’autres disciplines au sein de la commission des bourses, ce qui fut très enrichissant.
Ce fut aussi un émerveillement de découvrir les cursus étonnants de cette centaine de jeunes doctorantes, de toutes les disciplines, qui postulent chaque année auprès de l’AFFDU pour obtenir une aide financière afin de réaliser un projet de recherche impliquant une mobilité vers l’étranger.
Depuis peu, je suis chargée à l’AFFDU des admissions et des équivalences, et j’essaie de prendre en compte la notion récente de « Validation des Acquis de l’Expérience » ;puisque expérience et compétences peuvent parfois remplacer le diplôme.
Enfin, c’est parce qu’Huguette Delavault, malade, démissionnait en 2001 du Conseil d’administration de la jeune association « Femmes et Sciences » que je décidais de m’y présenter afin de maintenir les liens avec l’AFFDU. « Femmes et Sciences » organise des congrès, des interventions, et des actions destinées à attirer plus de filles vers les études scientifiques.
L’association permet aussi aux femmes, qui sont très minoritaires dans les métiers scientifiques et techniques, de se retrouver et de de se soutenir.
EN SCIENCES, ENCORE PLUS QU’AILLEURS, la PARITE reste à réaliser.
Nous sommes pour cela soutenues par les institutions, par certaines grandes écoles et par quelques entreprises.
Il s’agit en effet d’un enjeu important pour la société et pour le monde de demain. BEAUCOUP TROP PEU de filles, et aussi trop peu de garçons, même brillants en sciences, s’engagent dans des études scientifiques.
C’est pourtant UN TEL CHOIX qui m’a donné la chance de faire ce que j’aimais, et de vivre des expériences passionnantes dans ma profession comme dans ma vie associative.
Merci à tous et à toutes d’être venus ici ce soir.
Danielle Gondard-Cozette
Institut de Mathématiques de Jussieu
Université Pierre et Marie Curie
4 Place Jussieu
75252 Paris cedex 05


ÊTRE OU NE PAS ÊTRE PROFESSEUR

Docteur d’état en septembre 1989 je suis en position de candidater sur des postes de Professeur des Universités.
Mais je viens aussi d’avoir une petite fille, et je n’ai guère envie de chercher un poste trop loin d’elle.
Pourtant c’est ce qu’il faudrait faire, car on demande de la mobilité dans notre discipline pour changer de corps.
Ensuite je serai inscrite sur les listes de qualification aux fonctions de professeur des Universités pour la 25ème section (mathématiques pures) en 1992, 1998 et 2003. Autant dire que je serai qualifiée Professeur jusqu’à ma retraite puisque je suis partie à presque 63 ans en 2009 !
J’ai donc fait beaucoup de candidatures en Ile de France et j’ai été très souvent auditionnée, parfois classée mais jamais en rang d’être retenue.
Je suis ainsi allée passer des auditions à Nanterre, à Versailles Saint-Quentin, à Paris V, à Paris VII et bien sûr plusieurs fois à Paris VI.
Je suis aussi allée plus tard au Mans, mais j’ai réalisé que mes conditions de travail à l’UPMC étaient trop bonnes pour les abandonner. J’avais déjà vécu 5 ans dans une petite Université, l’Université de Bretagne Occidentale, et je savais que ce n’était pas formidable, ni pour les conditions, ni pour l’ambiance.

A l’UPMC il y a eu quelques rares postes en transformation comme on les appelle, donc destinés à des Maîtres de Conférences locaux. L’un d’eux est allé à Marie-José Bertin ce qui était bien normal à mon avis.
Cette audition à Paris VI avait d’ailleurs donné lieu à une anecdote : je me présente, on me demande mon nom, je réponds Gondard, et là le Président de la commission me dit « vous n’êtes pas sur la liste » ; je réalise que mon vrai nom c’est celui de naissance Cozette.
Et je me représente du même coup tous ces tableaux dans les réunions de commissions de spécialistes où on a écrit Cozette, alors que je suis connue sous le nom de Gondard. Sans soutien puissant je suis forcément très vite effacée ! Cela n’était pas le meilleur début d’audition qu’on puisse rêver …
Un autre de ces postes a été attribué à Michel Vaugon, ce qui était à mon avis injuste. J’étais à l‘époque vice-présidente de la commission de spécialiste, ce poste m’était destiné, et j’avais un très beau dossier, bien meilleur que celui de Michel Vaugon.
Mais la malchance a voulu que le président de la commission de spécialistes Louis Boutet de Monvel soit en séjour de recherche au Japon, et c’est Thierry Aubin qui a présidé la commission et distribué les dossiers.
J’ignore le détail de ce qui s’est passé mais Thierry Aubin a réussi à faire prendre son élève Michel Vaugon qui avait à l’époque publié assez peu et toujours avec Emmanuel Hebey ; son dossier était donc plutôt léger.
Je sais qu’après cela Marie-Francoise Roy m’a dit que j’aurais dû démissionner de la commission de spécialistes. Mais c’était un peu tard pour le faire et obtenir la création d’un autre poste en transformation. J’aurais probablement dû démissionner et faire un scandale !

J’ai aussi failli prendre un poste à Grenoble où j’avais entre autres soutiens celui de Christine Laurent et de bonnes chances d’être prise.
Mais je ne voulais pas être un turbo-prof comme on dit car j’avais déjà habité Brest, Amiens ou Lille pendant 4 années (1976-1980) tout en étant en poste à Paris et en ayant un jeune enfant Gabriel né en 1975.
Claude mon mari a refusé que nous déménagions à Grenoble alors que les enfants auraient adoré monter tous les week-end à l’Alpe d’Huez où nous avions un appartement .
C’était choquant puisque Claude était en retraite avec seulement des activités artistiques, gravures et médailles, et l’exploitation de la propriété de Pouilly Fuissé à 3h de route de Grenoble.
Faisant passer ma famille d’abord, je n’avais finalement pas déposé mon dossier de candidature à Grenoble, dossier qui était pourtant prêt.
L’explication est venue plus tard : Claude ne voulait pas s’éloigner d’une maitresse habitant rue Vanneau. L’égoïsme des hommes est honteux.
Cette maitresse n’a pas seulement gâché la petite enfance d’Alice et l’adolescence des garçons en empêchant Claude de s’occuper suffisamment des enfants, mais cela a aussi gâché une sérieuse possibilité pour moi d’avoir un poste de professeur intéressant.
Au-delà du prestige et de l’intérêt du travail, maintenant que je suis seule suite à une séparation en 2005, les quelques 800 ou 1000 euros supplémentaires que cela m’aurait permis d’avoir en retraite me manquent cruellement.
Après cette séparation en 2005 mes enfants étaient grands, et j’ai tenté quelques candidatures en province (Lille, Le Bourget etc …)
Mais c’était bien trop tard : j’avais presque 60 ans ! …

LE CANADA

Le Canada a joué un grand rôle dans ma carrière de mathématicienne. Cela a commencé comme je l’ai déjà dit par un séjour « open house » à l’Université de Kingston (Ontario) en 1973 et ma collaboration scientifique avec Paulo Ribenboim qui y était en poste. Après une longue interruption je suis retournée travailler au Canada en Juillet-Aout 1999. C’était à l’occasion de « International Conference and Workshop on Valuation Theory ». Un très gros congrès organisé par Salma et Franz-Viktor Kuhlmann, et Murray Marshall.
C’était en pleine vacances scolaires j’avais déjà trois enfants et j’avais parfois emmené l’ainé Gabriel en congrès. Alors j’ai décidé d’emmener mon second fils Vincent qui allait avoir 15 ans et d’allonger le voyage pour découvrir l’ouest canadien. Nous sommes donc partis pour Vancouver où j’avais loué une voiture. Le soir de l’arrivée Vincent a vu au cinéma qu’un Star Wars, pas encore accessible en France, était visible, alors nous fumes au cinéma après un diner de saumon excellent. Lui avait très bien dormi dans l’avion mais pas moi qui ai piqué du nez durant la mémorable scène du sénat !
Vancouver est une très belle ville au bord du pacifique, par chance il faisait beau et le musée d’anthropologie est absolument superbe. Vincent aussi était un superbe blond aux cheveux longs et je me souviens que lors de la visite du musée de jeunes japonaises lui ont demandé d’être prises en photo avec lui !
Ensuite nous sommes allés prendre le ferry pour l’ile de Vancouver et visiter Tofino. Là nous sommes allés voir les baleines en zodiac et nous avons pris un hydravion pour aller aux sources chaudes. C’était assez fascinant même pour une habituée de très petits avions. Il faut une très grande distance de lac ou lagune pour décoller mais au contraire on peut amerrir très court grâce à la résistance de l’eau. Un soir nous avons fait un diner gastronomique à Tofino et ils nous ont demandé ce que nous voulions comme digestif arguant qu’ils avaient tout. Vincent a réfléchi un instant et demandé un Génépi. Le serveur est revenu perplexe nous dire qu’ils n’avaient pas de Génépi mais qu’ils avaient de la Bénédictine … Pour des français c’était assez drôle, mais vu de Tofino les Alpes et Fécamp en Normandie c’est quasiment au même endroit et l’idée de la fabrication est assez voisine même si les plantes diffèrent.
Ensuite nous avions une étape Tofino-Kamloops, bien trop longue pour une seule conductrice, et j’ai conduit de 6h du matin à 20h le soir, avec quelques arrêts, ferry et café, et un fils copilote souvent endormi. Les paysages étaient très beaux mais un peu monotones. Le blanc pur des glaciers m’impressionnait, dans nos Alpes l’été ils sont un peu gris de pollution. Ensuite nous sommes allés à Château Lake Louise, endroit magique je l’avoue, nous y avons marché, fait du canoé et nous sommes allés voir le bleu intense du lac Moraine. Ensuite ce fut la route pour Calgary et le vol pour Saskatoon et mon colloque.
Nous étions logés dans les résidences universitaires du superbe campus à l’architecture variée, mélange de néogothique anglo-saxon et de bâtiments modernes souvent reliés par des tunnels pour affronter les rudesses de l’hiver. Vincent avait emmené un pléïade et du répulsif, il lisait tranquillement sur les pelouses pendant les conférences. Encore une fois il s’est fait héler pour être sur une photo de mariage devant un beau bâtiment de l’Université. Il finira par être repéré par Hedi Slimane de Dior Homme et fera trois défilés puis des photos publicitaires par Richard Avedon à New York pendant sa prépa HEC à Henri IV…
C’était étrange alors de voir le profil de son fils sur les abribus.
Un soir il y eut une soirée au pub de l’université et on m’a expliqué que Vincent ne pourrait pas venir, alors j’ai compris les infractions à la législation durant notre voyage, en particulier au restaurant de Château Lake Louise devant ce superbe panorama lorsque la serveuse nous a demandé « un verre ou deux ? » et que j’ai répondu une bouteille (que nous n’avons pas finie tout de même), ce qui en retour nous valut un « oh excellent ! «.

Je suis ensuite très souvent retournée à Saskatoon : 2000, 2002, 2003, 2004, 2006, 2008 et une dernière fois en 2016. J’ai été logée de manières diverses, dans l’hôtel château au bord de la Saskatchewan, dans un Bed and Breakfast délicieux où j’étais réveillée par l’odeur du café et des muffins qui cuisaient, dans un autre moins bien où on m’a dit à la fin que le café était décaféiné, ce qui expliquait mon jetlag inhabituel, et où il fallait mettre du calgon dans le Jacuzzi, chez Salma Kuhlmann ce qui m’a permis de mieux connaitre sa famille, et plusieurs fois au Park Town hotel de l’autre côté du pont qu’il fallait traverser pour aller à l’université.

Cette rupture entre 2008 et 2016 est due à deux faits, d’abord la nomination de Salma Kuhlmann à Konstanz, puis la retraite de Murray Marshall qui partait souvent travailler ailleurs. Son décès en 2015 a tristement mis un point final à notre collaboration et en 2016 ce fut un colloquiumfest dédié à sa mémoire.
Parmi ces nombreux voyages certains furent en hiver et je fus skier à Lake Louise et à Sunshine Valley. Lors du dernier colloque de 2016 à Saskatoon je voulus aller une fois encore dans les rocheuses canadiennes. Je louais une voiture à Calgary et faisait route jusqu’à Jasper par la superbe route des glaciers (Icefields Parkway). Je passais une nuit à Num-Ti-Jah Lodge sur Bow lake, endroit assez étonnant et ancien, deux à Jasper (Mount Robson Inn), une dernière à Sunwapta falls, et finissais mon roadtrip dans la maison de Marie-Dominique Popelard (professeur de philosophie à Paris 3 – Censier et belle-mère de mon fils ainé) et de son mari Anthony à Calgary. Elle me fit découvrir les atouts de Calgary que je n’avais jamais que traversé par la highway 1 sans aucun charme.
En chemin sur cette Icefields Parkway j’avais fait quelques randonnées, Maligne Lake, mont Whistlers, mont Edith Cavell que j’ai adoré, et surtout je montais voir le glacier Saskatchewan d’où nait la rivière qui passe à Saskatoon et que je connaissais si bien.
Une sorte d’adieu à toutes ces visites à l’Université du Saskatchewan.


SCHIZOPHRÉNIE OBLIGATOIRE …

Partie pour faire de la théorie des nombres je me suis retrouvée plongée dans les ordres des corps et de là dans la géométrie algébrique réelle qui est liée aux corps ordonnables et aux sommes de carrés. Et puis j’ai découvert les charmes de la théorie des modèles et la magie des inclusions élémentaires.
A partir de là je devenais un peu schizophrène entre deux communautés différentes, la théorie des nombres dans l’équipe de Paris 6, et la logique et la théorie des modèles dans l’équipe de logique de Paris 7. La géométrie réelle était liée aux deux mais au départ ces communautés s’ignoraient.

En 1995 ce fut une grande joie pour moi d’aller à Segovia. Il y avait au même moment et dans un même lieu une école « Model Theory and Real Algebraic Geometry » et un congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry ». C’était enfin une sorte d’amalgame entre les deux communautés au sein desquelles je travaillais. Cela avait été rendu possible grâce à deux réseaux européens du programme Human Capital and Mobility dont je faisais partie : « Model Theory and Applications » (1993-1996) et « Real Algebraic and Analytic Geometry » (1994-1997).
J’ai donné à ce moment une conférence à trois mains dirais-je … Elle portait sur le papier cosigné avec E. Becker, R. Berr et F. Delon que nous avions publié en 1994 au Journal de Crelle. Eberhard Becker faisait le premier exposé d’introduction du problème et des préalables, je faisais l’exposé des résultats obtenus et de la méthode utilisée, et Françoise Delon exposait des éléments de preuve avec des détails. Il fallait donc coordonner nos notations et nos définitions pour être cohérents.
J’ai eu ce jour-là une grande frayeur, j’avais couru trop vite de l’hôtel à l’endroit où avait lieu le colloque pour échapper à une grosse averse, j’avais repris mon souffle, mais quand j’ai pris la craie, j’ai eu un blanc total de quelques secondes, sans doute un vide hypoglycémique ou une sous oxygénation. Ce fut court, je me suis reprise vite mais ce n’est pas passé inaperçu car Francoise m’a dit après l’exposé que je lui avais fait peur. A moi aussi je me suis fait peur, car avoir une audience importante dans le dos, une craie à la main et ne plus savoir que dire c’est assez terrifiant !
Segovia était une charmante petite ville un peu décadente qui commençait à être restaurée. J’étais logée à l’hôtel « Los Linajes » sur les remparts et j’avais un petit balcon avec une superbe vue sur La Mancha où quelques monastères étaient illuminés le soir.
Je me souviens qu’un matin Ilia Itenberg est sorti au même moment que moi sur le balcon de la chambre voisine et nous avons contemplé le lever de soleil sur ce très beau paysage.
A la fin de la semaine il y avait fête avec un feu d’artifice à Segovia, mais Thomas Recio nous ayant demandé de fournir un texte d’urgence j’avais rédigé cela à la main dans ma chambre en essayant d’être lisible et en entendant seulement les échos de la fête. Quel dommage ! Je suis quand même sortie un peu tard prendre un verre avec des amis pour me détendre.

Mais cet aspect schizophrène n’était pas seulement disciplinaire, les universités Paris 6 et Paris 7 qui coexistaient à Jussieu étaient assez différentes. Elles étaient issues d’une scission après mai 68, car certains professeurs ne pouvaient plus vivre au sein du même établissement et se disputer le pouvoir. Quoique les universités scientifiques ne soient pas très marquées politiquement, je dirais que Paris 6 penchait un peu à droite et Paris 7 un peu à gauche. Cela changeait aussi l’ambiance, à Paris 7 le tutoiement était très usuel mais à Paris 6 cela dépendait. Et bien sûr les discussions dans nos espaces de convivialité reflétaient cette différence.
En 1994 il y a eu la création de l’Institut de Mathématiques de Jussieu, UMR 7586 du CNRS, qui rassemblait les mathématiciens des deux universités et qui a un peu effacé ces différences. Ensuite en 1999 nous avons déménagé rue du Chevaleret pour cause de désamiantage et cela a achevé de réunir les deux communautés. Mais en 2010 nous fûmes de nouveau scindés sur deux sites : Jussieu et les Grands Moulins. L’institut est alors devenu « Institut de Mathématiques de Jussieu – Paris Rive Gauche » rattaché à Sorbonne Université pour la partie ex-Paris 6 et à Université de Paris pour celle ex-Paris 7. Maintenant il existe des séminaires comme celui de Théorie des Nombres qui alternent leur lieu, ce qui n’est guère favorable pour avoir une grande audience !

Enfin un dernier point plus personnel relève une peu de la schizophrénie : je vivais dans un milieu professionnel universitaire, et mon mari dans un milieu professionnel polytechnicien et même militaire dans ses premières années. Leurs codes sociaux sont assez différents et cela m’obligeaient à jouer un peu au caméléon pour éviter de faire des bévues risquant de choquer un côté comme l’autre …
Une fois à Brest Claude avait invité son chef Dominique Castellan à diner à la maison. Las c’était le frère d’un Castellan de mon université l’UBO et rien à faire ils se ressemblaient trop je n’ai pu éviter de le tutoyer et pire j’ai vouvoyé sa femme Catherine … Ce fut sans rancune heureusement de leur part, ils sont devenus des amis et lorsque je suis allée avec mon père à Dakar en février 1976, après le décès de ma mère le 18/12/1975, ils ont tout fait pour rendre ce séjour mémorable et nous sortir de notre tristesse. Mon père avait perdu son épouse et pris sa retraite dans la même semaine et c’était très difficile pour lui. Cela l’était pour moi aussi qui venait d’avoir en juillet 1975 un premier enfant Gabriel qui n’avait donc que quelques mois.

Plus tard Claude, alors détaché à la SNCF, a pris en 1990 sa retraite militaire au bout de 25 années de service pour se consacrer à ses activités artistiques – dessins et médailles – et à la propriété de Pouilly-Fuissé dont il avait hérité.
Je ne sais si c’est un hasard mais nombre d’ingénieurs du corps du Génie Maritime ont une attirance pour les activités artistiques. Je peux citer le graveur Dominique Beau spécialisé dans les pointes sèches, l’aquarelliste Jean François Pacault qui m’adresse toujours chaque 1er Janvier une jolie aquarelle, le peintre Alain Tournyol du Clos dont j’ai à la maison un portrait représentant sa femme Catherine. Mais ce serait injuste d’oublier le graveur étonnant et charmant qu’est Jacques Boulard qui ingénieur des Ponts et Chaussées s’occupait du maritime à Brest.

D’une certaine manière le coté artiste de Claude le rapprochait de mon côté chercheur grâce au souci de création que nous avions en commun. Nous avons ainsi conçu ensemble l’étiquette des bouteilles du Pouilly-Fuissé que désormais il vignifiait lui-même. Un autre point fut qu’il s’occupa dès 1994 d’éditer des objets pour les bicentenaires de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Normale Supérieure en particulier. Il travaillera ensuite avec l’IHP et Cédric Villani dont il illustrera le livre Théorème Vivant. Cependant les disputes financières à cause de droits de succession énormes, ou les discussions politiques houleuses à cause des grèves de 1995 ont contribué à nous éloigner et ont abouti en 2005 à une séparation qui couvait depuis quelque temps.

EN COMMISSION DE SPÉCIALISTES

J’ai longtemps fait partie de commissions de spécialistes, tant à Paris 6 que comme membre extérieur dans d’autres universités comme celles de Nantes, de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines ou du Maine.
A cette époque les commissions étaient formées de très nombreux membres. Je me souviens qu’à Paris 6 nos réunions avaient lieu au dernier étage de la tour Zamansky avec une vue superbe sur Paris, du Panthéon à Beaubourg qu’à cette époque nous surnommions la raffinerie tant les couleurs étaient crues et l’architecture surprenante.

A quoi servent ces commissions ? Leur rôle essentiel est celui des recrutements d’autres enseignants chercheurs. Il s’y faisait aussi des propositions pour certaines promotions, congés sabbatiques ou invitations de professeurs étrangers, mais c’était un travail moins important.
Le fonctionnement de ces commissions était sociologiquement très intéressant. Il y avait des rapports sur les candidats, parfois une centaine pour une seul poste et la compétition était dure et pas seulement entre les candidats. Il s’y jouait aussi le pouvoir de certaines disciplines ou de certains mandarins. C’était étonnant comme un argument en faveur d’un candidat pouvait se voir retourner contre lui par un adversaire ! Paul Malliavin excellait à ce petit jeu. Parfois un candidat d’abord coulé et effacé de la liste au tableau pouvait resurgir miraculeusement. Car il y avait aussi des jeux d’alliance, je t’aide pour ton candidat cette fois et je m’attends à un retour d’aide sur un poste futur…

Lorsque j’étais juste membre j’étais assez timide et je n’intervenais qu’un minimum.
Mais quand j’ai pris en 1992 la suite de Gilles Christol à la Vice-Présidente je suis passée face à l’audience et j’ai beaucoup changé dans mon fonctionnement. D’abord je connaissais tous les dossiers, et pas seulement les miens, car avec le Président, Charles-Michel Marle d’abord puis Louis Boutet de Monvel ensuite, nous consultions tous les dossiers faisions un tableau synthétique et attribuions les dossiers aux rapporteurs. C’est déjà un très grand pouvoir cette répartition car vous pouvez y enterrer un dossier ou lui donner des chances selon le choix du rapporteur. Ces deux Présidents étaient très différents dans leur style, l’un très discret l’autre plus offensif, mais tous deux étaient de grande qualité par leur connaissance des mathématiques et des mathématiciens, et par leur honnêteté intellectuelle.

J’ai donc été Vice-Présidente de la commission de spécialiste de Paris 6 de 1992 à 1998. C’était beaucoup de travail et d’obligations mais c’était passionnant. De plus j’étais en position de donner parfois des orientations aux discussions. Il m’est par exemple arrivé lorsqu’un duel opposait deux membres sur deux candidats de relancer un dossier qui me paraissait intéressant et du même niveau, et de changer le cours des choses. J’ai ainsi en particulier veillé au sort des candidates femmes.
Je me souviens avoir soutenu, entre autres femmes, les candidates Debhia Achab et Christine Bertrand. Un moment mémorable fut celui où remontant après la commission dans mon bureau j’ai trouvé Debhia Achab devant mon bureau. Elle devait attendre depuis longtemps, et je lui ai laissé entendre que cela allait être favorable. Inoubliable fut la joie que j’ai vue dans son regard car ce n’était pas juste un poste, c’était toute sa vie qui se jouait : algérienne soit elle obtenait un poste soit elle retournait dans son pays. Elle est toujours dans notre institut et fait une carrière tout à fait raisonnable. Christine Bertrand qui semblait pourtant très prometteuse a disparu sur d’autres voies que la recherche mathématique me semble-t-il. Sans doute avec sa personnalité un peu détonante (entre punk et gothique) se sentait elle trop à l’étroit dans le monde académique…
Ces femmes doivent avoir près de 60 ans maintenant, et je me sens reléguée dans la catégorie « grand âge » alors que dans ma tête et mes envies j’ai toujours 35 ans … Quel naufrage c’est que la vieillesse !

SALMA KUHLMANN

Je connais Salma Kuhlmann depuis très longtemps. Elle faisait sa thèse dans l’équipe de Logique de Paris 7 sous la direction de Daniel Lascar.
A l’époque elle ne s’appelait pas Kuhlmann, qui est le nom de Franz-Viktor, mathématicien allemand qu’elle a rencontré à Heidelberg je crois, et qui est devenu son mari.

C’est une nomade brillante et polyglotte. Elle est née en Egypte et y a passé son bac, puis elle a rejoint sa famille émigrée au Canada en 1975 où elle a été étudiante en Master à Mc Gill, avant de venir à Paris pour son DEA et sa thèse. Ensuite Salma a obtenu un poste à l’Université du Saskatchewan où elle a pu faire venir Franz-Viktor.
Elle a eu deux filles et a une maison là-bas, mais a depuis divorcé de Franz-Viktor. Elle a alors réussi à obtenir un poste à Konstanz où elle est toujours.
Après un séjour au Japon Salma a épousé Victor Vinnikov un mathématicien israélien. Elle voyage donc au minimum entre ses trois pays d’attache Allemagne, Canada et Israël. Il faut y ajouter ses nombreux séjours en France et ses missions un peu partout dans le monde pour donner des exposés de Mathématiques.

Nous sommes devenues des amies après le trimestre Borel de l’IHP auquel elle a participé durant les trois mois. C’est juste après qu’elle s’est séparée de Franz-Viktor et c’était le moment où moi aussi je me séparais de Claude.
Nous nous sommes soutenues mutuellement et avons constaté des similitudes dans nos difficultés matrimoniales.

Salma est souvent venue exposer au séminaire et a eu aussi des séjours de recherche à Paris. De mon côté je suis souvent allée exposer et travailler à Sasaktoon, puis à Konstanz où je faisais parfois durant mon bref séjour deux exposés de mathématiques ou dans le cadre de leur programme KWM pour les mathématiciennes. J’ai préparé pour cela un exposé sur Olga Taussky-Todd auquel j’ai beaucoup travaillé et que j’ai eu beaucoup de plaisir à faire à Konstanz. Je connaissais cette grande mathématicienne depuis longtemps l’ayant rencontrée dans mes débuts lors des colloques d’arithmétique.

Ces derniers temps nous nous sommes vues lors de colloques fréquents au CIRM ou à Oberwolfach. La première semaine de mars 2020 nous étions à Oberwolfach pour un dernier colloque en présentiel avant la pandémie.
Début 2021 nous nous sommes résignés à redémarrer notre séminaire DDG en virtuel par Zoom. Et bien sûr Salma fut une de nos premières conférencières.
C’est aussi une contributrice importante dans nos éditions d’actes où il y a parfois plusieurs de ses prépublications.

Elle est venue au mariage de mon ainé Gabriel à la maison des X fin 2005 ; puis avec Victor Vinnikov elle est venue dans ma campagne normande près de Lyons la Forêt. Salma est vraiment une amie.

Et j’ai toujours plaisir à retourner à Konstanz, belle ville agréable à vivre sur le lac du même nom. Un jour en face de son appartement nous nous sommes baignées avec les cygnes, je n’étais pas très tranquille de leur voisinage mais c’est un beau souvenir. De cette baignade je conserve aussi des chaussons pour marcher sur les roches au fond de l’eau, ils me servent régulièrement lorsque je vais dans la belle-famille de Vincent près d’Etretat…

A l’Université de Konstanz il y a aussi de vielles connaissances comme Alex Prestel et Claus Scheiderer que j’ai beaucoup de plaisir à revoir.
J’étais là-bas lorsque l’université de Konstanz fut déclarée d’excellence et j’ai participé à la fête qui a suivi la nouvelle (bières et saucisses bien sûr ! ).

UN TRIMESTRE BOREL À L’IHP

L’histoire commence sur les marches du bureau des guides à l’Alpe d’Huez !
Depuis les premiers colloques de géométrie réelle en 1981, à San Francisco d’abord et à Rennes ensuite, il y avait eu des contrats européens avec pas mal de congrès et de doctorants. Cependant j’avais l’idée de donner à la géométrie réelle, discipline donc assez récente, une meilleure visibilité.

Thierry Coulhon avait partagé mon bureau à Jussieu pendant pas mal de temps et avait fini par venir à l’Alpe d’Huez, et par y revenir très régulièrement ; j’avais fait un adepte qui louait même dans mon immeuble … Je savais que Thierry s’était occupé d’un trimestre Borel à l’IHP, et je l’ai donc interrogé, chaussures de ski aux pieds, sur les intérêts et les moyens d’un tel trimestre.
Il m’avait alors fortement encouragée à me lancer.

Puis j’avais interrogé Joseph Oesterlé, qui est dans notre équipe de Théorie des Nombres et a dirigé l’IHP, pour avoir plus de détails sur les moyens et conditions.
Ensuite je me suis dit que je n’allais pas faire cela toute seule, j’en ai donc d’abord parlé à Max Dickmann qui a été enthousiaste, puis à Michel Coste qui avait géré notre premier réseau européen RAAG (Real Algebraic and Analytic Geometry).
Nous avons alors formé un comité d’organisation : Max Dickmann, Michel Coste et moi-même. C’était assez équilibré nous faisions tous de la géométrie algébrique réelle, mais Max était plus proche de la Théorie des Modèles, Michel Coste de la Géométrie Algébrique, et moi de l’Algèbre.

Avec Max nous sommes passés en audition pour notre candidature ! Nous avions rendez-vous en fin d’après-midi à l’IHP et étions en train de préparer cela à Chevaleret quand on nous a appelés en début d’après-midi pour nous dire qu’on nous attendait ! Donc nous y sommes allés, et avons un peu improvisé devant une commission qui comportait entre autres membres Cedric Villani (pas encore Médaille Fields, ce sera en 2010). L’improvisation a été un succès et notre projet a été accepté pour l’automne 2005.

J’en ai informé bien sûr Thierry Coulhon et mon message a donné lieu à l’échange ci-dessous du 17 septembre 2003.
« Cher Thierry,
Tu te souviens peut-être que lors de notre dernière rencontre sur les marches
du chalet des guides à l’Alpe d’Huez, tu m’avais encouragée à me lancer dans une
demande de semestre IHP-Borel en Géométrie Réelle puisque nous avions un réseau européen…
Je suis heureuse de t’annoncer que je me suis lancée, que j’ai entrainé quelques
collègues et que nous aurons un trimestre à l’automne 2005 avant que le
réseau européen ne soit achevé ! Amicalement, Danielle »
« Chère Danielle,
bravo ! c’est maintenant que les emmerdements commencent, mais je confirme que le jeu en vaut la chandelle.
amitiés, et à bientôt devant le chalet des guides ou dans le hall d’Alpe 2000
T «

Nous avons vraiment beaucoup travaillé tous les trois, Michel Coste, Max Dickmann et moi-même, pour organiser ce trimestre Borel a l’Institut Henri Poincaré. Max est chercheur CNRS, et Michel et moi avons eu des délégations CNRS pour nous rendre disponibles.
Heureusement le staff de l’IHP nous a aidé pour connaître les routines et régler les divers problèmes matériels.
Je dois avouer aussi que si je savais déjà travailler avec Max Dickmann, travailler avec Michel Coste dont je partageais le bureau à l’IHP pendant le trimestre fut une découverte et une vraie joie.
Michel est d’un calme parfait et d’une grande gentillesse, mais surtout il est d’une efficacité redoutable ! Il m’est arrivé de venir au bureau en ayant en tête « il faut faire ceci ou cela » et de découvrir en arrivant que Michel avait déjà réglé la chose !

Le programme d’un trimestre Borel offre pas mal de mois de professeur invité. Nous avons donc cherché chacun dans notre spécialité de bons chercheurs également bons orateurs.
Quand nous pensions être prêts à faire lancer nos invitations par l’IHP (les financements ont diverses origines) j’ai reculé ma chaise, regardé la liste et constaté avec horreur qu’il n’y avait aucune femme !
Pourtant Michel Coste est marié à la première présidente de femmes et mathématiques, j’ai participé à la création de cette association, et Max qui codirigeait depuis 1984 le séminaire DDG avec deux femmes n’est pas particulièrement macho.
Si nous, nous ne voyons pas les mathématiciennes concernées, alors forcément pour d’autres les femmes sont totalement invisibles …
Nous avons réfléchi et bien sûr nous en avons trouvé d’excellentes, qui en plus sont parfois venues trois mois avec un seul mois d’invitation, et même éventuellement accompagnée d’un conjoint mathématicien dans le même domaine.

Il y a eu beaucoup de cours – j’en ai fait un moi-même bien sûr – beaucoup de très vivants thés de matheux, quelques workshops thématiques, une sortie en cars Suzanne au château de Vaux le Vicomte, et forcément quelques cocktails.
Le dernier cocktail festif en décembre 2005 se prolongea chez moi, tout près de l’IHP, avec un anniversaire de Max Dickmann (65 ans) qui fut une très belle clôture. Ci-après un résumé du programme du trimestre donne une idée de son importance !


TRIMESTER ON REAL GEOMETRY
September 12th – December 16th, 2005
Courses
Topology of Real Algebraic Varieties:
• F. Catanese, Univ. Bayreuth (November 10th – 29th, 8 lectures) : Deformation types of real algebraic functions and manifolds
• G. Mikhalkin, Univ. Toronto (September 23rd – December 16th, 16 lectures) : Amoebas of algebraic varieties and tropical geometry
• S. Orevkov, Univ. Paul Sabatier, Toulouse (September 15th – October 7th, 8 lectures) : Courbes algébriques réelles, tresses et courbes J-holomorphes
• F. Sottile, Texas A&M Univ. (November 14th – 29th, 8 lectures) : Real solutions to equations from geometry
Semi-algebraic, Subanalytic and o-minimal Geometries:
• F. Acquistapace, Univ. Pisa (September 14th – October 13th, 8 lectures) : Autour du 17ème problème de Hilbert pour les fonctions analytiques
• G. Comte, Univ. Nice (October 4th – 26th, 8 lectures): Propriétés métriques en géométrie modérée
• M. Coste, Univ. Rennes 1 (September 13th – 28th, 8 lectures) : Ensembles constructibles en géométrie réelle ; géométrie modérée
• C. McCrory, Univ. of Georgia (September 28th – October 28th, 16 lectures) : Invariants and singularities
• J.-Ph. Rolin, Univ. de Bourgogne (November 16th – December 15th, 8 lectures) : La o-minimalité du point de vue de la géométrie et de l’analyse
Real Algebra, Quadratic Forms and Model Theory:
• M. Dickmann, CNRS Univ. Paris 7 (September 13th – October 24th, 8 lectures) : Théorie des modèles en algèbre et géométrie
• L. van den Dries, Univ. of Illinois at Urbana-Champaign (November 28th – December 14th, 8 lectures): Asymptotic differential algebra
• S. Kuhlmann, Univ. Saskatchewan (September 26th – October 17th, 8 lectures) : Polynômes positifs et problèmes de moments
• A. Macintyre, Queen Mary Univ. London (October 17th – November 15th, 8 lectures): Model theory of elliptic functions
• L. Mahé, Univ. Rennes 1 (November 10th – December 16th, 12 lectures) : Formes quadratiques et géométrie réelle
• B. Teissier, CNRS Univ. Paris 7 (September 19th – October 17th, 5 lectures) : Introduction to valuations in algebraic geometry
D. Gondard, Univ. P. et M. Curie (October 24th – November 14th, 3 lectures) : Valuations in real algebra
Algorithms, Complexity, Effectivity and Applications:
• S. Basu, Georgia Tech. (November 16th – 25th, 4 lectures) : Efficient Algorithms for Computing the Betti Numbers of Semi-algebraic Sets
• L. González-Vega, Univ. Cantabria (October 20th – 26th, 4 lectures): Using real algebraic geometry to improve curve and surface algorithms in computer aided geometric design applications
• P. Parrilo, MIT (November 21th – 24th, 4 lectures): Computational techniques based on sum of squares decompositions
• F. Rouillier, INRIA Rocquencourt (September 14th – 28th, 5 lectures), M.-F. Roy, Univ. Rennes 1 (October 3rd – 12th, 5 lectures), S. Basu, Georgia Tech. (November 14th – November 28th, 5 lectures) : Algorithms in real algebraic geometry

Mini-courses
A. Gabrielov, Purdue Univ. (Pfaffian functions and Sparsity. Real Schubert Calculus and the B. and M. Shapiro Conjecture , October 20th – 28th, 4 lectures)
L. Paunescu, Univ. Sydney (Tree Model, Relative Newton Polygon and Applications, December 1st – 16th, 4 lectures)
E. Shustin, Tel-Aviv Univ. (Patchworking construction and its applications, September 29th – October 14th, 4 lectures)

Workshops

Real Algebra, Quadratic Forms and Model Theory ; Algorithms and Applications
November 2nd – 9th, 2005
Organizers : M. Dickmann, D. Gondard, L. Mahé, M.-F. Roy
Programme

Topology of Real Algebraic Varieties ; Semi-algebraic, Subanalytic and o-minimal Geometries
December 5th – 9th, 2005
Organizers : M. Coste, I. Itenberg, V. Kharlamov, K. Kurdyka, A. Parusinski, J.-J. Risler, D. Trotman

Seminars
• Structures algébriques ordonnées (F. Delon, M. Dickmann, D. Gondard)
Tuesday, 14h30 – 16h00

• Seminar on real geometry
Thursday, 14h30 – 16h00
• Sources of real algebraic geometry
A special day will take place on November 30th. (organized jointly with the Seminar on History of Mathematics). See the programme of the special day.
« Reading sources » sessions on Monday 19 september and Monday 12 December, 14:00-16:00

Les archives se trouvent sur la page personnelle de Michel Coste :
https://perso.univ-rennes1.fr/michel.coste/Borel/realgeom.html

AVOIR 60 ANS !

C’était une tradition de faire des colloques en l’honneur des 60 ans et du départ en retraite de mathématiciens.
Je dirais que la tradition évolue, maintenant on fête plutôt les 70 ans et les chercheurs continuent de chercher comme émérites.
C’est sans doute la conséquence de l’allongement de la vie et surtout de la vie en bonne santé. C’est aussi dû je crois à l’évolution de nos conditions de travail avec l’avènement du numérique qui permet de prolonger facilement nos activités.

Je fus ainsi à de nombreux congrès en l’honneur de … : celui pour les 70 ans de Jean-Jacques Risler à Rio de Janeiro où il avait fait son service militaire comme coopérant, celui en l’honneur de Melvin Henriksen à Baton rouge, de Eberhard Becker à Dortmund, de Murray Marshall à Saskatoon, de Angus MacIntyre à Ravello, des 90 ans de Paulo Ribenboim à Sao Paulo ou encore de Masahiro Shiota à Nagoya.
Ce dernier demande plus de détails, car malheureusement Masahiro trop malade n’est pas apparu à ce colloque pourtant magnifiquement organisé et je ne sais même pas si il aura pu consulter la version de Théorème vivant en japonais dédicacée par Cedric Villani et illustrée par mon mari Claude que je lui avais apportée.

Pour moi j’étais pour mes 60 ans à Cortona dans le splendide palazzone dépendant de l’Ecole Normale Supérieure de Pise et le hasard fit que le social dinner a eu lieu dans un très bon restaurant exactement le jour de mon anniversaire. Ce n’était pas programmé pour cela mais c’était quand même un heureux hasard.

Le colloque portait sur un projet de livre concernant l’histoire de la géométrie réelle. J’étais venue de Rome, où j’avais loué une voiture, avec Hourya Sinaceur qui partagerait une chambre avec moi, nous fîmes un stop à Oviedo avec un délicieux petit vin blanc sur la place de la cathédrale. La vue de notre chambre était très belle le palazzone étant en hauteur.

Le colloque a donné lieu à quelques moments surréalistes, par exemple dans une salle voutée aux superbes fresques il était projeté grâce à internet des textes de Descartes écrits en latin. Cette manière de faire de l’histoire en enjambant les siècles me plaisait beaucoup. Je garde un souvenir excellent de cette réunion de 2006 qui était une suite de celle de Belle île.

Au retour avec Hourya nous avons séjourné une nuit en banlieue de Rome pour visiter ensemble la villa d’Este et la villa d’Hadrien. C’était très agréable de visiter avec Hourya.

Mais j’ai eu droit à un vrai colloque dédié à mes 60 ans ; ce fut à Saskatoon organisé par Salma Kuhlmann et Murray Marshall.
Je les en remercie car c’est très agréable d’assister à une série d’exposés qui ont été spécialement choisis pour vous plaire !

SUR LES THÉSARDS

Si je n’ai jamais dirigé seule une thèse, il y a plusieurs raisons à cela.
La première est que les étudiants qui suivaient mon séminaire, codirigé avec Françoise Delon et Max Dickmann, étaient en général inscrits à Paris 7 et non à Paris 6.
J’ai donc seulement participé à des direction de thèses, par exemple celles d’Arileide Lira ou de Vincent Astier, par des discussions en réponse à leurs questions.
Mais je ne me suis pas occupée de leurs rédactions, j’ai seulement participé aux jurys.
Une autre raison est certainement que je n’avais pas très envie de prendre la responsabilité d’un thésard. Je faisais déjà beaucoup de choses et j’avais peu de temps.
Mais surtout je me disais qu’il ne suffit pas de faire soutenir une thèse, après il faut aider l’étudiant à trouver un poste ou un postdoc. Et cela m’angoissait je crois.
Certains directeurs incitaient les étudiants à passer l’Agrégation en filet de sécurité, mais du coup c’était la facilité pour le jeune d’aller enseigner en lycée ou en prépa.
Car après la thèse de nos jours les étudiants galèrent de post docs en demi-ater ou poste de moniteur, jusqu’à réussir à obtenir enfin un vrai poste. Cela peut durer des années.
Certains pourtant très bons ne l’ont obtenu que fort tard à près de 40 ans. Je pense en particulier à Jochen Koenigsmann et Marcus Tressl.

En décembre 2010 je fus à un double congrès à Pucon. Pour le premier on m’avait demandé de l’ouvrir par une introduction à la Théorie des Modèles.
C’était une idée étrange car je suis autodidacte en Theorie des Modèles ! J’ai appris seule en l’utilisant dans mes recherches.
Mais finalement cela m’a obligée à pas mal de travail et a été intéressant pour moi. Je faisais l’exposé le matin après un long voyage Paris-Santiago-Temuco-Pucon.
J’étais partie sous augmentin, et peut être faute de boire suffisamment en vol, je suis arrivée avec une allergie débutante aux mains qui a vite empiré.
Carol Wood m’a heureusement passé un médicament américain – du Benadryl – qui a bien aidé à réduire mon problème…
Mais mon exposé a beaucoup plu. Au point qu’une jeune et brillante chilienne Natalia Garcia voulait faire sa thèse avec moi.
Mais j’étais déjà retraitée et je n’avais pas encore demandé l’éméritat, car il fallait le renouveler tous les ans à cette époque.
Je ne voulais pas non plus être une directrice de thèse fantôme cachée derrière un prête-nom. Donc Natalia est allée faire sa thèse à Queen’s University à Kingston au Canada.
Cela lui a bien réussi et elle y était avec son ami Hector Pasten. J’ai été heureuse de les voir revenir exposer à nos séminaires à Paris ; Natalia a très bien réussi dans ses recherches.
Au second congrès – joint meeting SoMACHi/AMS – je faisais un exposé recherche sur mes sujets favoris « On valuation fans and some elementary field theories », c’était facile !
J’avais espéré monter le volcan Villarica cette fois après l’échec météo de 2002, mais vu mon souci de santé j’ai abandonné l’idée et suis allée à la pêche avec Carol Wood, Charles Steinhorn et Segei Starchenko.
Nous étions dans deux bateaux avec des rameurs chiliens qui nous maintenaient contre le courant. J’ai eu la joie de sortir une superbe truite saumonée et Caroll en a sorti deux !
Nous sommes allés ensuite dans un restaurant qui nous les a cuisinées et ce fut un régal. Sauvages les couleurs des trois poissons étaient différentes mais tous étaient exquis.
Après Pucon j’avais prévu d’aller visiter Valparaiso, cela avait aussi été l’idée de Caroll, nous avons donc un peu visité ensemble.
Au retour vers Santiago je suis passée à Isla Negra ou repose – enfin reposait avant son exhumation – Pablo Neruda.
L’endroit est superbe et Pablo collectionnait beaucoup de choses, dont des flacons d’alcool aux formes variées, mais surtout des figures de proue colorées de bateaux qui habitent les lieux et les rendent vivants.

En 2014 je suis retournée au Chili en janvier pour faire un cours durant l’Ecole doctorale d’été. J’étais invitée par Xavier Vidaux à l’Université de Conception.
J’ai bien sûr travaillé à préparer un cours et des exercices avant de partir ; cela faisait 5 ans que je n’enseignais plus, j’appréhendais un peu, mais quand j’ai pris la craie ce fut une grande joie d’enseigner à nouveau.
Et puis j’ai découvert un système d’université semi-privée et leurs modes d’évaluation. Il a fallu que je note les étudiants et leur délivre éventuellement un diplôme.
Le système est tel qu’ils sont obligés de réussir tout ce à quoi ils se sont inscrits. Ils sont donc très motivés ! J’ai fait les cours en anglais mais parlant espagnol cela m’a bien servi pour répondre à leurs questions.

LE CNU

Le CNU c’est le conseil National des Universités.
Il est organisé en 11 groupes, le groupe 5, le nôtre, comporte trois sections
• Section 25 – Mathématiques
• Section 26 – Mathématiques appliquées et applications des mathématiques
• Section 27 – Informatique
Compte tenu de mes spécialités en recherche je relève de la section 25.
C’est Francois Lucas qui m’avait sollicitée pour être élue au CNU via les listes du Snesup. Je l’ai été deux fois dans la section 25.
J’ai donc siégé au CNU de 2003 à 2009. En 2009 mon second mandat n’était pas fini mais j’étais en retraite depuis la fin de décembre 2008.
J’ai tout de même fait tous les rapports sur les dossiers attribués mais sans avoir le droit de voter !

Siéger au CNU c’est beaucoup de travail, surtout pour les dossiers de candidatures à la qualification, mais cela concerne aussi une partie des attributions des congés sabbatiques, ainsi que les promotions dans les grades.
Les réunions ce sont plusieurs jours bien inconfortables sur les bancs de l’amphi Hermite à l’Institut Henri Poincaré…
Mais c’est un travail très intéressant. Cela permet de connaître d’autres universités via leurs représentants et d’autres spécialités.
Ce fut parfois compliqué quand j’héritais de dossiers réputés « Logique » mais qui étaient surtout liés à l’informatique.
Cependant j’avais une longue expérience de l’étude de dossiers par mon travail en commissions de spécialistes, mais aussi par celui d’expertise pour des attributions de bourse ou de prix (Affdu, L’Oréal, DIU …).
On apprend à deviner quand un dossier est loyal et honnête ou un autre surfait. Et aussi à reconnaître quelques qualités ou défauts visibles du candidat dans la composition et la rédaction du dossier.

Parmi les souvenirs drôles du CNU j’ai reçu un ordre de mission très officiel pour me faire rembourser mes frais de transport de mon Université place Jussieu jusqu’à l’IHP. Il y a bien 600m à pied !
J’aurais dû le garder, peut-être l’ai-je fait et pourra-t-on le retrouver dans le dossier CNU de mon armoire à Jussieu …
L’autre anecdote fut lors de mon second mandat. Il fallait au début constituer le bureau du CNU et c’était un jour de grève des transports. Or les membres du CNU viennent de partout, même de Papeete parfois !
L’administratrice présente m’a appelée pour présider le début de cette session … comme m’a-t-elle dit « doyenne d’âge ». Là je me suis dit intérieurement qu’il était vraiment temps de partir.
Il y avait donc grève des transports et les membres arrivaient au compte-goutte ! Pour que l’élection soit valable je voulais un quorum important non contestable.
J’ai donc un présidé en meublant le temps près d’une heure pour laisser arriver plus de monde. Je ne sais plus avec quelles idées je l’ai fait, mais finalement tout cela s’est très bien passé.

VOYAGER DE -25 A +25

C’est une double mission un peu folle en janvier 2008.
Je suis invitée à l’Université du Saskatchewan sise à Saskatoon du 8 au 14 janvier à faire une conférence de séminaire – Real Holomorphy Rings and the Complete Real Spectrum – et une autre au colloquium – From Artin Schreier to Valuation Fans –
Puis ensuite je vais du 14 au 21 pour faire un exposé de colloquium – From Orderings to Valuation Fans – à l’Université de Hawaii à Manoa où Tom Craven et Ron Brown ont travaillé sur des sujets liés aux espaces d’ordres.
J’ai des billets d’avion un peu compliqués avec quatre compagnies, Air France, Air Canada, Canadian airlines, Delta airlines.
L’itinéraire Paris – Toronto – Saskatoon – Vancouver – Honolulu – Atlanta – Paris, et les contraintes budgétaires m’ont obligée à optimiser les tarifs selon les choix de compagnies et leurs contraintes horaires. Je stresse un peu pour les connections avec changement de compagnie à Toronto, Vancouver et Atlanta, il ne faut pas que le premier vol soit annulé ni trop en retard !
Mais tout se passera bien et le hub d’Atlanta, quoique gigantesque, est décidément le plus clair que je connaisse.

Fidèle à mes principes je suis partie avec juste un bagage cabine ! Et ce malgré trois collections de vrais transparents …
A Saskatoon il fait -25 en moyenne et pour aller de l’hôtel au campus il faut traverser le pont au-dessus de la Saskatchewan gelée où le vent est terrible. A Honolulu il fait aux environs de +25 et les plages y seront très tentantes …
Faire ma valise se révèle un challenge, donc après-ski fourrés, polaire, veste goretex, collants de soie et moufles de renard, fourrées mouton, pour Saskatoon ; sandales, bermuda, veste légère, robe, maillot de bain et teeshirts pour Honolulu …
Le contrôle des bagages cabines au départ d’Honolulu me réservera le désagrément de devoir tout vider, mais me donnera l’amusement de voir une agente sidérée prendre mes moufles de renard, fourrées mouton, en appelant son collège pour lui montrer cet objet incroyable !

A Saskatoon je travaille avec Murray Marshall avec lequel j’ai déjà publié, et la semaine sera bien remplie et bien scientifique.
A Honolulu je compte travailler avec Tom Craven et peut être avec Ron Brown, cependant Ron Brown a d’autres travaux en cours et Tom Craven qui passe sa retraite à courir des marathons tout autour du monde a justement une très importante course de 24h.
Ce sera finalement un bien agréable séjour mais plus touristique que scientifique !
J’ai heureusement réservé une voiture pour l’arrivée à Honolulu et cela me permettra de découvrir l’ile.
Les reliefs volcaniques érodés y sont vraiment très étonnants.
Je découvre les vagues à surfeurs réputées sur des plages familiales où de petits enfants de 3 ans en vêtement anti-UV, mais sans flotteurs, jouent déjà seuls dans les vagues, pendant que les parents surfent ou sont loin à l’ombre des arbres ; clairement ici la mer et la vague sont des amies avec lesquelles on apprend à vivre très tôt.
Il y a aussi de superbes plages tropicales quasi désertes – mais pas celle de Waikiki bien sûr – avec comme toujours aux USA des accès faciles et des sanitaires parfaits.
J’apprécie aussi l’architecture du campus où je suis logée : point de climatisation, mais une ventilation naturelle avec des parties ouvertes à tout vent. Ce système est visiblement très efficace.

AUTOUR DE L’IEC

l’IEC ou Institut Emilie du Chatelet est une fédération de recherche qui rassemble de nombreux établissements franciliens. Il a été créé en 2006, sous l’impulsion du Conseil régional d’Île-de-France. De 2012 à 2017, l’IEC a piloté le pôle Genre du Domaine d’intérêt majeur (DIM), labellisé par la Région Île-de-France, « Genre, Inégalités, Discriminations » (GID), au côté de l’Alliance de Recherche sur les Discriminations (ARDIS). Le nom d’Emilie du Chatelet est celui d’une brillante scientifique qui traduisit Newton et fût l’amie de Voltaire.

Initialement l’IEC travaillait au développement de la recherche et des enseignements sur les femmes, le sexe ou le genre, dans l’ensemble des disciplines scientifiques. Il attribuait également des allocations doctorales et postdoctorales à de jeunes chercheur-e-s, soutenait financièrement des manifestations scientifiques, organisait des conférences et des assises ouvertes au public, ainsi que des séminaires et des colloques scientifiques.
A une époque faste il rassemblait une quinzaine d’établissements qui participaient soit financièrement, soit par la mise à disposition de salles ou de personnel :
le Conservatoire national des Arts et Métiers,
l’École des Hautes Études commerciales (HEC) Paris,
l’École des Hautes Études en Sciences sociales (EHESS) Paris,
l’École normale supérieure Paris,
la Fondation nationale des Sciences Politiques (FNSP),
l’Institut national d’Études démographiques (INED),
le Muséum national d’Histoire naturelle,
l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
l’Université Paris 8,
l’Université Paris Diderot,
l’Université Paris Est Créteil (UPEC),
l’Université Paris 13 SPC,
l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense,
l’Université Paris-Sud,
l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC).
Cependant suite à l’arrêt des financements par la Région Île-de-France nous avons du licencier nos précieuses administratives Sylvie Blumenkrantz et Sandrine Lely ; la gestion des multiples activités, et le financement des bourses n’était plus possible et si l’IEC existe encore, il ne fait plus grand chose à part quelques séminaires « sexe et genre » régulièrement annoncés dans la lettre de l’IEC. Cependant si les activités sont devenues rares, le site de l’IEC contient de précieux témoignages de ce riche passé et des liens très utiles.
http://www.institutemilieduchatelet.org/presentation-liec

Le comité de direction de l’IEC est formé des représentants des établissements de la fédération. Je suis donc arrivée dans ce comité de direction comme représentante de l’Université Pierre et Marie Curie à la demande de Françoise Barret-Ducrocq qui était la première présidente de l’IEC et que je connaissais car elle avait fait partie de ma commission des bourses de l’AFFDU. Le président de Paris 6 J.-C. Pomerol a alors signé la convention liant l’UPMC à l’IEC.
Ensuite l’IEC a eu pour présidentes Catherine Louveau, puis Florence Rochefort et enfin Eliane Viennot. Un conseil scientifique et un conseil d’orientation complètent l’organigramme de l’IEC.

J’ai eu plaisir a travailler avec cette équipe multidisciplinaire et dynamique.
J’ai en particulier organisé la journée du 17 octobre sur la place des femmes en sciences, que j’ai intitulée « On ne nait pas scientifique, on le devient » lors des assises de 2011 consacrées à « L’éducation à l’égalité entre les sexes. »
Les journées de ces assises étaient les suivantes :
3 octobre – L’éducation à l’égalité commence dès la naissance
10 octobre – L’éducation à la sexualité, une égalité à construire
17 octobre – On ne nait pas scientifique, on le devient
24 octobre – L’éducation à l’égalité dans le monde du travail

J’ai donc organisé la journée, animé la première table ronde et Véronique Chauveau la seconde. Le programme de cette journée du 17 octobre était le suivant :
On ne naît pas scientifique, on le devient
Ouverture, par Isabelle This Saint-Jean (Vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France) et Catherine Louveau (Présidente de l’IEC, Université Paris 11)
Introduction, par Véronique Chauveau (association femmes et mathématiques)

Table ronde 1 : Existe-t-il un «gène» du scientifique ?
Isabelle Collet (Université de Genève)
Marie-Odile Lafosse-Marin (ESPCI-Paris Tech)
Gaïd Le Maner-Idrissi (Université Rennes 2)
Catherine Vidal (Institut Pasteur)
Modération: Danielle Gondard (Université Pierre et Marie Curie)

Table ronde 2 : Sciences et techniques: un domaine réservé ?
Christian Margaria (Association Femmes et Sciences)
Catherine Marry (CNRS)
Marie-Hélène Therre (Association Femmes ingénieures)
Annick Valibouze (Université Pierre et Marie Curie)
Modération: Véronique Chauveau (association femmes et mathématiques)

Synthèse et perspectives, par Nicole Mosconi (Université Paris Ouest Nanterre)

LE DIU

Il s’agit en fait d’un diplôme de formation continue, diplôme interuniversitaire entre Paris 6 et Paris 3.
Il est intitulé « Conseiller, Conseillère référent-e égalité femmes/hommes.
Les détails peuvent être trouvés sur la page :
http://www.fc.upmc.fr/fr/formations-en-sciences-et-pluridisciplinaires/diu_egalite_femmes_hommes.html

Son histoire commence sur la grand-place de Varsovie en septembre 2002 où je me trouve après un colloque à Kazimierz.
Anne Nègre présidente de l’AFFDU me téléphone pour me demander de représenter l’AFFDU dans un comité, à la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité d’Île-de-France, qui doit mettre en place un diplôme de formation à l’égalité femme/hommes.
Je réfléchis et me dis que si je n’y vais pas il n’y aura sans doute pas de scientifique dans ce comité et donc personne pour la place des femmes en sciences.
J’accepte donc et me rends assez régulièrement rue de Grenelle à la Délégation Régionale. Les réunions sont présidées par Catherine Morbois et sont à la fois sympathiques et efficaces.
La composition du diplôme prend doucement forme ainsi que la définition du public cible de cette formation. Thierry Benoit (association La Boucle) est aussi un moteur dans cette création.

Vers Mai 2004 je crois, Claude Alquié la directrice de la formation Continue à Paris 6 (UPMC) m’appelle pour me dire que le diplôme va être créé et qu’il semble que je puisse en prendre la responsabilité.
Alors je pose mes conditions, oui je veux bien m’en occuper mais à condition que ce soit pour la rentrée 2004 car en 2005 je fais le trimestre Borel de Géométrie réelle à l’IHP.
Donc je me mets au travail, mise en place du programme et des interventions, recrutement des stagiaires, le tout avec l’aide de l’administration de la formation continue et le recours à mes réseaux de femmes dans les associations.

Cela fonctionne bien, au début je fais le travail en heure supplémentaires, puis je le fais intégrer dans mon service et enfin je le fais bénévolement après ma retraite.
Je m’occupe donc de ce diplôme interuniversitaire Paris 6 – Paris 3 de 2004 à 2014. J’y fais aussi des interventions sur la place des femmes en sciences.
Nous faisons passer des oraux, dirigeons des mémoires car c’est un diplôme bac plus 4. Comme souvent la formation d’adultes est assez passionnante. Je garde par exemple un très bon souvenir entre autres dela direction des mémoires de Martina Mac Donnell et de Sabine Reynosa.
Je comprendrai doucement que la place des femmes en sciences est un sujet élitiste qui intéresse au fond assez peu les milieux féministes.
C’est pourtant mon combat depuis la création de femmes et mathématiques en 1987. Je profite aussi de mes interventions variées pour alerter sur notre manque de scientifiques.

Les cours sont donnés par les spécialistes des sujets traités, la très longue liste des interventions inclus entre autres personnalités : Claudie Baudino (politologue), Marie-France Casalis (Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes), Sylvie Cromer (sociologie des enfants), Sandrine Dauphin (sociologie, sciences politiques), Marie Duru-Bellat (sociologue), Geneviève Fraisse (philosophe), Patrick Fargès (historien), Anne-Isabelle François (littérature comparée), Natacha Henry (journaliste), Catherine Le Magueresse (avocate), Catherine Louveau (sociologie du sport) , Françoise Milewski (économiste), Nicole Mosconi (philosophe), Anne Nègre (juriste), Michelle Perrot (historienne), Réjane Sénac (politologue), Catherine Vidal (neurobiologiste), Francoise Vouillot (sociologue), et bien d’autres …
Quand ma fille Alice, administratrice à l’Assemblée Nationale, sera un temps affectée à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité ce sera amusant de la savoir auditionner tant de personnalités que je connais.

En 2014 Le diplôme DIU Paris 6 – Paris 3 refuse de financer mon voyage au ICWM de Séoul (International Congress of Women Mathematicians) alors qu’il avait financé celui de 2010 à Hyderabad.
Il faut savoir que mes intervenantes, même en retraite, sont rémunérées mais que je ne le suis pas étant retraitée de cette même université. En réalité une administratrice du diplôme trouve qu’un cocktail c’est plus utile … Le directeur de la formation continue enseignant-chercheur m’est favorable mais Christine Mantecon a monté une cabale contre moi avec les administratifs de Paris 3.
Il n’y a pas d’autre enseignant – chercheur dans le comité pédagogique ce jour-là. Je n’apprécie pas la démarche et laisse tomber le diplôme. Qu’ils se débrouillent sans moi désormais.
lls auront deux années problématiques ayant sous-estimé mon rôle dans les milieux féministes qui alimentaient le diplôme en stagiaires grâce à mes relances régulières.
Ils finiront par redémarrer une nouvelle formule en 2017, en bonne partie grâce à l’énergie des enseignants chercheurs de Paris 3 qui participaient à la formation !
Ce fut une belle aventure qui se termine mal mais me rend beaucoup de liberté dans mon emploi du temps, parfait car je commence à avoir plusieurs petits fils !

Voici une des descriptions de ce Diplôme interuniversitaire Paris 3 – Paris 6

Un diplôme interuniversitaire de formation continue Paris 3-Paris 6 :
« Conseiller et conseillère référent-e égalité entre les femmes et les hommes »

La politique d’égalité des chances a historiquement fait appel à trois stratégies : le recours à l’égalité formelle par le droit, l’adoption de mesures d’action positives, et une « approche intégrée du genre » ou « gender mainstreaming ».
Afin de mettre en œuvre cette politique en région Ile-de-France, il s’est constitué en 2000 le réseau A.V.E.C. (Actrices-Acteurs Volontaristes pour l’Égalité des chances entre les femmes et les hommes), mis en place au niveau régional par la Déléguée Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité.
C’est dans ce cadre que ce DIU a été créé en 2004 par les universités Sorbonne Nouvelle (Paris 3) et Pierre & Marie Curie (UPMC- Paris 6), qui se sont associées pour organiser ce diplôme avec l’appui de leurs services respectifs de formation continue, et en partenariat avec des personnes ressources de diverses associations dont La Boucle et l’AFFDU.
Ce diplôme veut participer à l’émergence d’un nouveau métier, celui de « Conseiller et conseillère référent-e égalité entre les femmes et les hommes » et le structurer en partant d’une approche « compétences » faisant le lien entre connaissances théoriques et activités « de terrain ».
L’accès à la formation est ouvert en application du décret de 1985 pour permettre à ceux et celles qui n’ont pas le niveau de diplôme normalement requis pour s’inscrire (bac+3) mais ont une expérience de terrain importante de suivre la formation et de valider un diplôme d’université bac+4. Cette politique d’ouverture du recrutement permet d’avoir des promotions formées de stagiaires d’origine, de formation et d’expérience très variées ce qui contribue à nourrir les échanges et à élargir les réseaux des stagiaires.
Ce diplôme s’adresse aux personnes travaillant dans les domaines des ressources humaines, de la formation, de l’enseignement, de l’insertion sociale et professionnelle, de l’orientation, du travail social : responsable ressources humaines et formation, chargé de mission égalité, consultante, formateur, cadre de la fonction publique, conseillère en insertion sociale et professionnelle, acteur du secteur associatif, syndicaliste, inspectrice du travail, etc…

La formation vise 3 objectifs principaux :
• Construire et mettre en œuvre la fonction de « conseiller, conseillère référent-e en égalité femmes/hommes » ;
• Intégrer la question de l’égalité femmes/hommes de manière transversale dans sa pratique professionnelle ;
• Accroître ses connaissances théoriques par une approche transdisciplinaire.
L’enseignement est organisé en modules :

Module I – Aux sources des inégalités – La construction sociale des identités féminines et masculines :
• La terminologie – Les concepts ;
• La construction des identités sexuées et les mécanismes d’intériorisation des stéréotypes.
Module II (organisé en 4 unités) – La marche vers l’égalité : Avancées et perspectives :
• Pour une éducation et une orientation professionnelle égalitaires ;
• Mettre en œuvre des politiques publiques d’égalité ;
• Pour l’égalité professionnelle ;
• Agir dans la vie associative, syndicale et politique.
Module III – Méthodologie : Savoir – faire et faire savoir.
Module d’accompagnement du mémoire en projet individuel tutoré : réalisation d’une étude ou d’une enquête sur terrain professionnel donnant lieu à la rédaction d’un mémoire et à une soutenance orale.
L’enseignement à temps partiel est compatible avec une activité professionnelle et représente 350 heures dans l’année réparties comme suit : 3 jours de cours par mois pendant 10 mois (de janvier à décembre représentant 210 h en présentiel) et 140h d’enquête ou d’étude sur terrain professionnel pour la réalisation du mémoire.

Il est important d’anticiper les inscriptions pour avoir le temps de monter le financement de la formation (3600 €) avec son employeur et les divers organismes.
Renseignements et inscriptions auprès des services de formation continue des Universités Paris 3 (Sorbonne Nouvelle) et Paris 6 (UPMC).

COEXISTER

Dans l’ensemble la vie de la communauté des mathématiciens est assez paisible.

Au moins dans les spécialités qui sont les miennes, Arithmétique des Corps, Géométrie Algébrique Réelle et Théorie des modèles, si lors d’un exposé dans un colloque important quelqu’un voit une faille ou une erreur possible, le plus souvent on attend la fin de l’exposé pour aller en discuter après, en privé ou presque.
Ce n’est pas du tout comme dans des séminaires ou groupes de travail qui servent à tester des résultats, ce qu’on appelle des « work in progress », et où les questions intéressantes fusent en cours d’exposé !

La politesse et le respect mutuel sont la règle mais il peut y avoir des exceptions.
Je me souviens de quelques réactions déplaisantes : un collègue qui se plaint qu’on lui a volé un courrier de l’Académie des Sciences dans sa boite à lettres, un autre qui pense son nom oublié sur un article travaillé en collaboration, ou même une franche accusation de vol de son travail de thèse par son directeur de recherche.

Quand l’équipe de théorie des nombres a recruté Anna Cadoret comme professeur, il a fallu lui trouver un bureau individuel. On lui a attribué celui d’Ariane Mézard qui devait en récupérer un autre. A l’époque c’était Marc Chardin qui dirigeait l’équipe de Théorie des Nombres, il a décidé de déplacer Michel Carpentier pour faire un bureau de 4 membres émérites ou bénévoles. Il nous a demandé à Marie-José Bertin, Odile Lecacheux et moi-même notre accord pour accueillir le collègue déplacé. Mais le résultat a été assez pénible pour nous toutes !

Côté convivialité c’est zéro pointé, ni bonjour, ni au revoir. Les autres sont ignorés.
Un jour une table carrée a été enlevée, Odile ne pouvait plus s’assoir à son bureau, il n’y avait plus de place pour sa chaise à roulettes. « Je fais comment » a-t-elle soupiré en arrivant…
Une autre fois, suite à une perte de clés, on nous demande de passer notre clef de bureau en précisant qu’on viendra nous ouvrir dans le quart d’heure si nous avions besoin !
A l’automne 2020 avec la covid-19 je voulais entrouvrir l’une des trois fenêtres comme recommandé pour aérer en continu. Je retrouvais toujours la fenêtre fermée…
Tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg des petits conflits stupides qui minent parfois notre ambiance de travail.

CÉLÉBRER UN 90ème ANNIVERSAIRE

Paulo Ribenboim nous répétait qu’il allait avoir 90 ans en 2018, par exemple quand il nous a fait un exposé quasi privé (il n’y avait que Max Dickmann, Zoé Chatzidakis et moi) sur son futur livre à propos des Espaces Ultramétriques.
Exposé purement oral bien sûr car il ne voit pratiquement plus suite à l’évolution de son glaucome.
Sentant qu’il avait envie d’une petite fête en cet honneur, nous avons projeté de lui consacrer un mardi de notre séminaire, en l’intégrant dans le trimestre Borel organisé à l’IHP notamment par Zoé.
J’ai pas mal travaillé à cela, programme scientifique, réservations d’hôtel et défraiements pour les orateurs, préparation d’un 4 pages de biographie de Paulo Ribenboim, organisation du cocktail de fin d’après-midi commandé finalement au CROUS (moins cher et plus facile).
Cette festivité scientifique était prévue le 20 mars 2018, une semaine après ses 90 ans car il est né le 13 Mars 1928.

Fin février j’étais en montagne, j’y avais gardé un petit fils et le reste de sa famille m’avait rejointe. Mais j’étais déjà malade en y partant (bronchite asthmatiforme avait dit le médecin de l’Institut Arthur Vernes) et monter en altitude malade c’est un pari bien connu : soit on guérit soit cela s’aggrave. Ce fut la seconde hypothèse … A ma seconde visite chez le médecin de l’Alpe d’Huez, un jour de grande tempête, il m’a mise sous oxygène et envoyée au CHU de Grenoble sans même me laisser prendre chez moi un chargeur de téléphone et quelques affaires. Les pompiers sont venus me chercher au cabinet médical toujours sous oxygène … L’un d’eux a dit pendant la descente des célèbres lacets « elle n’a pas l’air de quelqu’un à 88 » (en saturation oxygène) ; effectivement j’ai un syndrome de Raynaud et une circulation des doigts assez mauvaise alors au lobe de l’oreille j’étais plutôt à 92 je crois. J’ai passé 48h au CHU avec oxygène et aérosols variés, puis je suis revenue à Paris début mars.

Forcément j’étais fatiguée, mais il fallait boucler cette organisation. Le jour J tout était prêt et nous avions un beau programme.
En arrivant à l’IHP je me souviens avoir dit en riant à Françoise Delon « j’espère que je ne vais pas faire comme Molière ! »
La matinée s’est bien passée, le déjeuner rue Saint-Jacques chez Perraudin aussi. Je me souviens que j’étais en face de Maxim Kontsevich et à coté de Pierre Cartier. Daniel Bertrand complétait ce carré et nous a bien aidé pour animer les conversations de cette partie de table ; les autres orateurs et Paulo étaient plus loin à cette même table bien sûr. Le service a traîné un peu et on ne pouvait pas priver notre vedette de café, je suis donc vite allée dans l’amphi Hermite pour faire patienter l’auditoire sagement revenu.
Et là peu après quelques mots, j’ai senti que cela n’allait pas bien, j’ai posé le micro sur la table du premier rang et me suis appuyée au radiateur … Et puis plus rien du tout, jusqu’à cette phrase de Françoise penchée sur moi au sol  » Danielle ça va aller les pompiers sont prévenus » et ma réaction un peu absurde « non, non, les pompiers j’ai déjà donné » ; j’ai repris mes esprits et mes forces, et assise il a fallu qu’au téléphone tendu par la gardienne de l’IHP je répète aux pompiers que cela allait bien, et que c’était inutile de venir, et que oui je leur promettais de bien consulter un médecin !

Pour la suite de l’après-midi j’ai passé la main à Max et Françoise, nous avions démarré avec au moins 45mn de retard. Je suis montée tout au fond de l’amphi, près de mes amis Salma Kuhlmann et Victor Vinnikov. J’ai réalisé que mon jean était humide et que je sentais mauvais. Avec beaucoup de gentillesse Salma et Victor ont pris mes clefs d’appartement (il n’est pas loin rue Lhomond) et ils sont allés sur mes indications me chercher de quoi me changer. Ce que je fis dans les toilettes de l’IHP, pas trop fière avec le bas dénudé en utilisant moulte papier et serviettes sans tout salir ni rien boucher …
Puis je suis revenue dignement dans l’amphi Hermite avec un sac poubelle bien fermé contenant mes vêtements sales.
J’avoue ne pas avoir pleinement profité des exposés de l’après midi, mais pour la soirée cocktail j’étais remise et l’objet de plein d’attentions …

Les actes de notre séminaire « Structures Algébriques Ordonnées « 2017-2018 contiennent les textes des exposés et des photographies de l’évènement.
J’ai été ensuite invitée à refêter les 90 ans de Paulo Ribenboim dans un colloque d’Algèbre à Sao Paulo en novembre 2018 et à donner une conférence « From Orderings to Valuation Fans and Related Topics « qui mettait en lumière des travaux en collaboration avec Paulo Ribenboim et leurs développements récents.
Le séjour n’était que de quelques nuits et je repartais le dimanche, jour des élections présidentielles après avoir un peu visité la ville au week-end.
Tout le monde savait quel en serait le résultat et cela plombait un peu l’ambiance. Or un jour d’élections là-bas cela signifie qu’il n’y a ni métro ni taxi !
Heureusement un jeune homme de l’accueil de l’hôtel avait une application Uber et a sauvé mon retour en me commandant une voiture !
Et comme toujours sur mes vols France-Brésil ou retour j’ai dormi entre Recife et le Maroc …

RETRAITE, BÉNÉVOLAT ET ÉMÉRITAT

Prendre sa retraite est une décision difficile, surtout lorsqu’on aime son travail !
Je suis partie en décembre 2008, j’allais avoir 63 ans, compte tenu de mes 5 années d’études comme élève professeur (IPES et ENSET) et de mes trois enfants ma retraite serait voisine de mon salaire en raison de l’arrêt des cotisations retraite.

La motivation est venue de deux soucis, d’une part des douleurs a l’épaule droite après avoir écrit dans ma vie plusieurs centaines de kilomètres de tableaux, d’autre part dans l’atrium tout neuf les tableaux blancs nous avaient valu des markers Bic bas de gamme qui m’ont donné une rhinite allergique dont je subis encore parfois les conséquences avec d’autres solvants.
Arrêter l’enseignement permettait des résoudre ces soucis, mais je n’avais aucune envie d’arrêter la recherche et le séminaire animé depuis 1984. Par contre oublier les charges administratives n’était pas un regret !

J’ai donc demandé dès janvier 2009 le bénévolat pour pouvoir continuer à travailler et je suis revenue à Jussieu récemment désamianté où je suis toujours en 2021. J’ai régulièrement fait des dossiers de bénévolat tous les ans au début puis tous les deux ans lorqu’ils ont offert cette possibilité.
Ce n’est pas inintéressant de faire un tel dossier, on met son CV à jour, on écrit un bilan pour les années passées et un projet pour les années à venir, cela oblige a réfléchir sur nos activités.
Ensuite le dossier suit un chemin kafkaiesque de signatures : Institut, UFR, affaires générales qui fabrique un dossier plus juridique, retour au demandeur puis à nouveau institut, UFR et enfin la présidence de l’Université qui valide et vous retourne à votre domicile un exemplaire original …

Je ne demandais pas l’éméritat qu’il fallait demander tous les ans et ne durait qu’une année. Je me suis décidée à le faire en 2020 car la durée était passée à 5 années.
J’ai donc été nommée Maître de Conférence Emérite le 1er janvier 2021 et le suis jusqu’au 31 décembre 2025. A cette date j’aurai presque 80 ans, il faudra réfléchir, mais Max Dickmann qui a plus de 80 vient de redéposer un dossier de demande d’éméritat…

Dans la foulée de l’attribution de l’éméritat les ressources humaines m’ont nommée bénévole jusqu’au 31 décembre 2023. A l’automne 2023 si la forme est toujours bonne je referai bien sûr un dossier de bénévolat jusque 2025. Après 2025 je verrai à ce moment là que décider …

Les chercheurs, et en particulier les mathématiciens dont le travail de recherche supporte bien d’être un peu nomade sont, comme les artistes et les politiques, des travailleurs qui ne savent pas s’arrêter.
Le travail est trop passionnant, on a du mal à s’en passer et puis on reste très attaché à sa communauté professionnelle où l’on trouve une analogie de pensée, de sensibilité et de raisonnement.

À PROPOS DES BIOGRAPHIES ET CONCLUSION

Née en 1946 je suis de la génération des babyboomers comme on nous appelle. Nous n’avons pas connu de guerre, mais avons joui des trente glorieuses, eu peu de soucis professionnels et sommes restés en assez bonne santé.

Je constate que les biographies naissent en ce moment dans cette génération. Ma cousine Dominique Cozette née aussi en 1946 a écrit et publié un livre autobiographique assez drôle sur les « ratages » de son existence, mon amie Anne-Marie Charbonnel, née en 1945, écrit un témoignage sur sa vie de mathématicienne à laquelle se mêle sa vie personnelle, je pourrai surement trouver d’autres exemples autour de moi.

La première autobiographie de mathématicienne que j’ai lue fut celle d’Olga Taussky-Todd que j’avais croisée dans des colloques de théorie des nombres au début de ma carrière.
J’ai travaillé ce texte et fait des recherches pour faire à Konstanz un exposé sur cette mathématicienne. J’ai trouvé cela très intéressant et l’ai illustré en particulier avec des reproductions de deux portraits peints très remarquables qui me faisaient découvrir la femme plus jeune que je n’avais pas connue.

Je suis assez incompétente en histoire mais j’ai acquis une grande estime des historiens en travaillant avec eux en particulier avec Marianne Bruguière et Nicole Fouché.
Certes d’immenses serveurs gardent trace de nos échanges et de nos vies mais seront-ils toujours sauvegardés sur des machines exploitables facilement ? J’ai le souvenir d’un diner chez Paul et Marie-Paule Malliavin dans l’ile Saint-Louis avec Benoit Mandelbrot, le père des fractals. Ce dernier nous avait expliqué qu’il avait gardé précieusement les bandes magnétiques de ses premiers travaux mais qu’il n’avait plus de machine pour les lire.
Les historiens du futur vont se heurter à un blanc de quelques dizaines d’années entre les archives papier et les archives cloud … Et je me demande que faire de quelques belles lettres manuscrites de mathématiciens que je conserve précieusement.

Ces raisons et aussi les disparitions qui se produisent, tant dans le milieu mathématique que dans celui des associations, me laissent penser qu’il est peut-être urgent de laisser des traces de nos vies autres que des publications numérisées dans des revues internationales.
Nous avons malheureusement par exemple subi ces dernières années les pertes de certains mathématiciens Daniel Glushankoff, François Lucas, Murray Marshall, Jean-Pierre Kahane, Alberto Tognoli ou Jean-Jacques Risler, et de certaines membres émérites remarquables dans nos associations comme Huguette Delavault, Nicole Mosconi et Claudine Hermann.

Une autobiographie c’est un peu égocentrique forcément, et je me demande quelle image reste après lecture de quelques pages de ce livre.
Sans doute comprend on que je ne me prends pas au sérieux et que me suis beaucoup amusée dans ma vie professionnelle, mais j’espère aussi que l’on aura compris l’importance que j’attache à nos responsabilités envers nos étudiants et les jeunes chercheurs.

En conclusion je voudrais insister sur le fait que la recherche fondamentale, un peu éloignée de futures applications, demande du temps et ne peut pas résulter d’une programmation rigide.
La liberté du chercheur est essentielle.
J’ajouterai que l’on ne trouve que ce que l’on a réellement voulu chercher, une question que l’on se pose à soi-même après des études ou un exposé a plus de chances d’être résolue qu’une question ouverte, supposée intéressante, proposée par un autre chercheur.

Par contre les échanges et les discussions informelles entre chercheurs, de domaines proches ou non, sont source de nouvelles et fructueuses collaborations.
C’est pour cela que les mathématiciens courent le monde à la recherche de ces rencontres …

En ces temps de pandémie ces déplacements nous manquent beaucoup. Heureusement il me semble que les plus jeunes se sont bien adaptés à ces réunions virtuelles en Zoom, que nous sommes bien forcés d’utiliser pour poursuivre notre vieux séminaire organisé par trois émérites.

CURRICULUM VITAE

Danielle GONDARD née COZETTE

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan (1966-1970) ;
Agrégée de l’Université (Mathématiques, 1969) ;
Doctorat de troisième cycle (Mathématiques, Université Paris-Sud, 1973) ;
Docteur d’Etat ès Sciences (Mathématiques, Université Paris VII, 1989).

Institut de Mathématiques de Jussieu -Paris Rive Gauche
UMR 7586 du CNRS, Projet Théorie des Nombres
Bureau 15-25 424, site Jussieu ; 06 82 31 04 64 ; danielle.gondard@imj-prg.fr

Sorbonne Université (Case courrier 247)
4, Place Jussieu 75252 PARIS Cedex 05.

Née le 7 Avril 1946 ; trois enfants.
Anglais, Espagnol, notions d’Allemand et de Russe.

CARRIÈRE

Maître de Conférence Émérite depuis le 1er Janvier 2021.

Maître de Conférences retraitée de l’Université Pierre et Marie Curie, sous contrat de collaborateur bénévole avec Sorbonne Université (ex UPMC) depuis 2009.

Maître de Conférences hors-classe, Université Paris VI (1992-2009) ;

Inscrite sur les listes de qualification aux fonctions de Professeur des Universités en 1992, 1998 et 2003, (qualifications 9212511011, 9812583209 et 03125083209) ;

Maître-Assistante (1976-1985), puis Maître de Conférences (1985-1992), Université Paris VI ;

Assistante (1970-1974), puis Maître-Assistante (1974-1976), Université de Bretagne Occidentale.

RECHERCHES MATHÉMATIQUES

Domaines de recherche :

Publications scientifiques : plus de 30 articles publés.

Conférences à l’étranger : plus de 60 missions effectuées.

Coopérations internationales :

    Membre de l’Executive Committee du projet international (2017-2019) de l’International Council      for Science (ICSU) : 
    « A Global Approach to the Gender Gap in Mathematical and Natural Sciences: How to Measure It,          How to Reduce It? ». 
    https://icsugendergapinscience.org/organization/executive-committee/

Animation de séminaire, direction de recherche :

Édition :

ACTIVITÉS D’ENSEIGNEMENT ET DE FORMATION

Responsable scientifique 2004-2014, pour l’Université Pierre et Marie Curie, du Diplôme inter-universitaire Paris III – Paris VI, « Conseiller – Conseillère Référent-e en Egalité Femmes/Hommes ». Il s’agit d’un diplôme de formation continue, de niveau bac+ 4, créé en 2004 par les Universités Paris 3 et Paris 6, avec le soutien du Fonds Social Européen et de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité d’Ile-de-France.

Cours magistraux en DEUG SCM première année, puis en L1, modules LM 120 et LM 125, 1992-2008.

Travaux dirigés dans divers certificats de Licence et Maîtrise de Mathématiques et en DEUG seconde année MP (1976-1992).

Expérience d’initiation à l’informatique en école maternelle avec le langage LOGO en moyenne et grande sections, école 29 rue Mouffetard à Paris 5ème (1988-1990).

Participation à la licence par correspondance de l’Université Paris VI, certificat de Topologie (1979-1981).

Membre du jury du concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, pour la 1ère épreuve de mathématiques (1971-1986).

Chargée de la formation continue des professeurs certifiés à l’IREM (Institut de Recherche pour l’Enseignement des Mathématiques) de l’Université de Bretagne Occidentale (1974-1976).

Cours magistraux et travaux dirigés en 1ère année de premier cycle à l’Université de Bretagne Occidentale (1970-1974).

AUTRES RESPONSABILITÉS

Administration et politique scientifique :

  -    Membre du Jury du concours d’entrée 2018 à l’ENS ULM. 

Correctrice de l’épreuve de mathématiques de 6h : Math D.

  -    Membre du Comité Exécutif du projet 2017-2019:

A Global Approach to the Gender Gap in Mathematical and Natural Sciences: How to Measure It, How to Reduce It?
Projet de l’International Council for Science (ICSU) géré par l’International Mathematical Union (IMU) et International Union of Pure and applied Chemistry (IUPAC).
Co-responsable de la tâche 3 :
https://icsugendergapinscience.org/work-packages/database-good-practices/

  -    Membre du Comité Parité de l’Institut Mathématique de Jussieu - Paris Rive Gauche depuis 2017.

  -    Représentante, depuis 2010, de l’Université Pierre et Marie Curie au Comité de Direction de l’Institut Emilie du Chatelet (Fédération de recherche sur les femmes, le sexe et le genre, qui rassemble 17 grands établissements au sein d’un DIM financé par la Région Ile-de-France) 

  -    Membre du "Conseil National des Universités", 25ème section, 2003-2009.

Organisation de congrès :

- Co-organisatrice de la journée du 20 Mars 2018 à l’Institut Henri Poincaré. Journée en l’honneur des 90 ans de Paulo Ribenboim.

http://modvac18.math.ens.fr/Ribenboim.html

- Co-organisatrice du colloque international « Structures algébriques ordonnées et leurs interactions », colloque 1155 au CIRM (Luminy), 12-16 Octobre 2015 

- Co-organisatrice du colloque en l’honneur de Max Dickmann, Institut de Mathématique de Jussieu et Equipe de Logique (avec F. Delon (Paris 7)), les 24 et 25 juin 2007. 

- Co-organisatrice du trimestre de recherche sur «La Géométrie Réelle » au Centre

Emile Borel, (avec Michel Coste (Rennes) et Max Dickmann (Paris 7)), Institut Poincaré, Paris, automne 2005

- Co-organisatrice du Congrès Mathématique Junior (avec J.-P. Ressayre (Paris 7)), organisé à la Cité des Sciences de La Villette en  juillet 1992.

Ce congrès a été organisé dans le cadre du premier Congrès Mathématique Européen, et réalisé en liaison avec les associations APMEP, « Femmes et Mathématiques », SMAI, SMF et UPS, ainsi qu’en coopération avec les Concours Mathématiques pour lycéens et l’opération « Maths en Jeans ». Un numéro spécial de la revue mathématique pour lycéens « Quadrature » (numéro 16, septembre-octobre 1993) a été consacré aux actes du CMJ.

- Membre du comité d’organisation du congrès sur « Ordered Fields and Real

Algebraic Geometry », Boulder (Colorado,U.S.A.) en 1983.

DISTINCTIONS ET SOCIÉTÉS SAVANTES

Nommée Chevalière dans l’Ordre National du Mérite en 2003. Décoration remise par Claudine Hermann (Professeure de Physique à l’Ecole Polytechnique et Présidente de l’Association Femmes et Sciences) le 3 octobre 2003 à Reid Hall (Columbia University).

Membre de la Société Mathématique de France depuis 1974.

Membre de l’American Mathematical Society, 1985-2010.

Membre de l’Association de Nationale des Membres de l’Ordre National du Mérite depuis 2003.

ACTIVITÉS ASSOCIATIVES

Membre de l’association Femmes et Mathématiques depuis sa création en 1987.

Membre de l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités 1992-2015.

Membre de l’association Femmes et Sciences depuis sa création en 2000.

Membre du Comité de direction de l’Institut Emilie du Chatelet depuis 2010.

Membre de l’association Réussir l’égalité femmes hommes depuis 2013

Activités pour l’ « Institut Emilie du Chatelet ».

Activités pour « l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités » (AFFDU)

Présidente de la Commission des Bourses de 1996 à 2002.

Publications et rapports dans la revue Diplômées :

Membre de la Commission Web et Nouvelles Technologies à sa création en 1999.

Présidente de la Commission des Admissions et des Equivalences 2002-2008.

Organisatrice de l’ Hommage à Huguette Delavault du 3 juin 2003 à Reid Hall.

Editrice des textes des interventions pour la revue Diplômées de juin 2003, # 205, consacrée à cet hommage.

Représentante de l’AFFDU dans le comité de pilotage pour la création du diplôme interuniversitaire « Egalité des chances entre les femmes et les hommes », diplôme de Formation Permanente (bac+5), créé par les universités Paris 3 et Paris 6, le 18 octobre 2004 avec le soutien du Fonds Social Européen et de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité d’Ile-de-France.

Activités dans l’association « Femmes et Sciences »

Membre du bureau de l’association « Femmes et Sciences » 2002-2005. Chargée des relations avec les autres associations poursuivant les mêmes objectifs.

Membre du CA pour 2014-2016.

Activités dans l’association « Femmes et Mathématiques »

Participation à la création de l’association le 16 mai 1987 et membre du premier conseil d’administration de l’association « Femmes et Mathématiques ».

Membre du Conseil d’Administration de « Femmes et Mathématiques » de 1987 à 1994.

Durant cette période :

Contribution à l’iconographie du livre « Du coté des Mathématiciennes », ALEAS, 2002.

Participation à la table ronde « Women in Mathematics » , le 24 août 2002, dans le cadre du Congrès International des Mathématiciens (20-28/8/2002), à Pékin (Chine).

Participation au colloque ICWM (International Conference of Women Mathematicians) 17-18 Aout 2010, University of Hyderabad (Inde).

Publications :
« Quelques actions de l’association Femmes et Mathématiques », Diplômées #158, septembre 1991, pp. 89-95.
Huguette Delavault 1924-2002, Gazette des mathématiciens, juin 2003 ;
Huguette Delavault 1924-2002, revue de l’association Femmes et mathématiques, juillet 2003 ;
Huguette Delavault , cosigné avec Anne-Marie Charbonnel, Dictionnaire des créatrices, Edition des femmes (2013).

Activités dans l’association REFH (Réussir l’égalité femmes hommes)

Participation à la création de l’association.

Membre du premier CA 2013-2016.

Coopération avec Corinne Belliard pour un travail d’étude sur les Femmes à l’Institut Unversitaire de France. Apport de données concernant les mathématiques.

PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES DANIELLE GONDARD-COZETTE

[32] Nombre de composantes connexes d’une variété réelle et R-places, J. of Pure and Abstract Algebra 2020, https://doi.org/10.1016/j.jpaa.2020.106611; edited by Saugata Basu, Cordian Riener, Marie-Françoise Roy ; Volume 225, Issue 7 , July 2021.

[31] The Space of Valuation Fans and Admissible P-Structures, in séminaire « Structures Algébriques Ordonnées », Série preprints Paris 7 Logique # 94, Février 2021.

[30] Note on Artin’s solution for Hilbert’s 17th problem and The Stengle Nullstellenstaz, manuscripts in preparation for « Sources for Real Geometry », collective book in preparation.

[29] On valuation fans and the real holomorphy ring, in Séminaire Structures Algébriques Ordonnées, Série preprints Paris 7 Logique # 91, Mai 2017.

[28] R-places and related topic, in « Valuation Theory in Interaction », Antonio Campillo (Valladolid, Spain), Franz-Viktor Kuhlmann (University of Saskatchewan, Canada) and Bernard Teissier (IMJ, Paris, France) editors, Series of Congress reports, E.M.S., 2014.

[27] Real Holomorphy Rings and the Complete Real Spectrum, en collaboration avec Murray Marshall, Annales de la faculté des sciences de Toulouse, Mathématiques, tomes XIX, n° SI, p.57-74, 2010.

[26] On some elementary theories, in Séminaire  »Structures Algébriques Ordonnées » in Séminaire  »Structures Algébriques Ordonnées » 2006.

[25] Cours CENTRE EMILE BOREL, Octobre-Novembre 2005, « Valuation Fans in Real Fields ».

[24] R-places : résultats et problèmes ouverts, in Séminaire  »Structures Algébriques Ordonnées » 2001-2002, Mai 2003.

[23] Towards an abstract description of the space of real places, en collaboration avec M. Marshall, in Real Algebraic Geometry and Ordered Structures, C. Delzell et J. Madden eds., Contemporary Mathematics, vol. 253, AMS, 77-113, 2000.

[22] Valuation fans and residually real-closed henselian fields, en collaboration avec E. Becker et R. Berr, Journal of Algebra 215, 574-602, 1999.

[21] Notes on the space of real places of a formally real field, en collaboration avec E. Becker, in proceedings « Real Analytic and Algebraic Geometry » Trento (Sept.92) ; F. Broglia, M. Galbiati, A. Tognoli eds. ; W. de Gruyter, Berlin New-York, 21-46,1995.

[20] Hilbert’s 17th problem for sums of 2nth powers, écrit en collaboration avec E. Becker et R. Berr (Dortmund) et F. Delon (Paris7), J. für die reine und ang. Mathematik , 450, 139-157, 1994.

[19] Sur les ordres de niveau 2n et sur une extension du 17ème problème de Hilbert, in  »Real Algebraic Geometry » , LNM #1524, Springer-Verlag, 257-266, 1992.

[18] 17ème problème de Hilbert sur les corps chaîne-clos, en collaboration avec Françoise Delon, Journal of Symbolic Logic, vol. 56, # 3, 853-861, 1991.

[17] Axiomatisations simples des théories des corps de Rolle, Manuscripta Mathematica, 69, Springer-Verlag, 267-274, 1990.

[16] 17ème problème de Hilbert et résultats récents, in « Structures Algébriques Ordonnées », Vol. II, Publications Mathématiques de l’Université Paris VII, Vol. 33, 21-49, 1990.

[15] Théorie des ordres de niveau supérieur et corps chaîne-clos, in « Structures Algébriques Ordonnées » Vol. I , Publications Mathématiques de l’Université Paris VII, Vol. 32, 37-63, 1990.

[14] Chainable fields and real algebraic geometry, in « Real Algebraic and Analytic Geometry », (Trento 1988) Lecture Notes in Math. # 1420, Springer-Verlag, 128-148, 1990.

[13] Théorie des modèles de corps ordonnables et sommes de puissances 2n-èmes, Thèse de Doctorat d’Etat, Université Paris VII, soutenue le 18-09-1989, Directeur de thèse et Président du Jury G. Sabbagh.

[12] On rings admitting orderings and 2-primary chains of orderings of higher level, en collaboration avec E. Becker, Manuscripta Math. 65, 63-82, 1989.

[11] Foundations of chain algebra and a Nullstellensatz, Actes de l’Association Française d’Algèbre Ordonnée, Le Mans, Novembre 1987.

[10] Théorie du premier ordre des corps chaînables et des corps chaîne-clos, C. R. Acad. Sc. Paris t. 304 , # 16, 1987.

[9] Théorie des modèles et fonctions définies positives sur les variétés algébriques réelles, Contemporary Mathematics (AMS), vol 8, 119-139, 1982.

[8] Le 17ème problème de Hilbert pour les matrices hermitiennes, manuscrit, Département de Mathématiques, Université de Bretagne Occidentale, 1976.

[7] Quelques Notions Fondamentales d’Algèbre et d’Analyse, exposés de formation continue des professeurs des lycées, Publication de l’IREM de Brest , 1976.

[6] Fonctions définies positives sur les variétés réelles, écrit en collaboration avec P. Ribenboim, Bull. Sc. Math. Tome 98, 39-47, 1974.

[5] Le 17ème problème de Hilbert pour les matrices, en collaboration avec P. Ribenboim, Bull. Sc. Math., Tome 98, 49-56, 1974.

[4] Sur le 17ème problème de Hilbert , Thèse de 3ème cycle, Université de Paris-sud Orsay, soutenue le 24-1-1973 ; Directeur : P. Samuel ; Président du jury : G Poitou.

[3] Sur le 17ème problème de Hilbert dans R(V), C. R. Acad. Sc. Paris, Tome 276, 19-2-1973.

[2] Sur le 17ème problème de Hilbert, C. R. Acad. Sc. Paris, tome 278, 20-8-1973.

[1] Etude et applications de la théorie des corps ordonnables, mémoire de D.E.A., Université
Paris VI ; Directeur : P. Ribenboim, (publié dans « Arithmétique des corps », Hermann, 1972)

MISSIONS À L’ÉTRANGER DE DANIELLE GONDARD-COZETTE (1973-2020)

March 1-7 2020, invited to « Real Algebraic Geometry with a View Toward Hyperbolic », Mathematisches Forschungsinstitut, Oberwolfach, (Germany)

November 3-9 2019, participation to the final conference « Conference on Global Approach to the Gender Gap in Mathematical, Computing and Natural Sciences: How to Measure It, How to Reduce It? » ; ICTP Trieste (Italy)
March 29th – April 7th 2019 : invited speaker, On the number of connected components of smooth projective non empty real varieties., Arctic Applied Algebra, Artic University, Tromso, (Norway)
December 6-8 2018 : invited speaker, A Global Approach to the Gender Gap in Mathematical, Computing, and Natural Sciences: How to Measure It, How to Reduce It? ; KWIM-Festtage” Konstantz University (Germany)

November 23-29 2018 : invited speaker, From Orderings to Valuation Fans and Related Topics, Algebra : celebrating Paulo Ribenboim’s ninetieth birthday. https://www.ime.usp.br/~eventoribenboim/, University Sao Paulo, Sao Paulo, Brazil

January 7-13 2018 : Research School, Model Theory, Combinatorics and Valued Fields, CIRM, Luminy.

December 1-3 2017 : Regional meeting of ICSU project « A Global Approach to the Gender Gap in Mathematical and Natural Sciences: How to Measure It, How to Reduce It? », Le cap (Afrique du Sud).

September 17-22 2017 : « Perspectives in Real Geometry », CIRM, Luminy.

August 20-26 2017 : « Sums of squares » University if Innsbruck (Autriche).

March 11-19 2017 : « Topics in Real Geometry », Graduate School of Mathematics, Nagoya University (Japon).
March 5-10 2017 : « Real Algebraic Geometry with a view towards moment problems and optimization », Mathematisches Forschungsinstitut, Oberwolfach, (Germany)

August 30-31 2016 : « Marshall’s problem and some further developments », invited speaker nineteenth colloquiumfest held in honor of Murray Marshall, University of Saskatchewan, Saskatoon, (Canada).

October 11-17 2015 : « Oredered Algebraic Structures and related Topics », CIRM, Luminy.

June 17-20 2014 : « Olga Taussky-Todd, sums of squares and Hilbert’s 17th problem », invited speaker, Konstantz University (Germany)

April 6-12 2014 : « Real Algebraic Geometry With A View Toward Systems
Control and Free Positivity », Mathematisches Forschungsinstitut, Oberwolfach, (Germany)

January 5-18 2014 : Invited Professor : « R- places and related topics », Doctorate course in summer doctoral school. Universidad de Concepcion (Chile).

January 8-9 2014 : « Hilbert’s 17th problem : an old problem with new developments », invited talk for the closure of mini-congreso, Universidad del Bio Bio, Concepcion (Chile)

July 17-20 2013 : Model Theory and Applications to Geometry, CMAF Universidade de Lisboa, Lisbonne (Portugal).

July 14-23 2012 : On valuation fans and related topics, Invited speaker, XXII Brazilian Algebraic Meeting, San Salvador de Bahia (Brazil).

June 18th 2012 : On some elementary field theories, Invited speaker, Konstantz University (Germany).

June 15th 2012 : An Artin’s theorem for symetric matrices, Invited speaker, Konstantz University (Germany).

August 21-28 2011 : Algebra, Combinatorics and Model Theory, Koc University, Istanbul (Turkey).

July 23-29 2011 : « On R-places and related topics », Invited speaker, Second international conference and workshop on Valuations (Universités de Valladolid et de Madrid), El Escorial (Spain).

December 11-23 2010 : “On valuation fans and some elementary field theories”, Invited speaker, special session “”Algebra and Model Theory” of the first joint meeting AMS / SoMaChi, Universidad de la Frontera, Pucon (Chile)

August 15-27 2010 : participation in ICWM and ICM 2010, Hyderabad (India).

September 30 – October 6 2009 : Positivity, Valuations and Quadratic Forms, Conference in honor of Alexander Prestel, University of Konstanz, Germany.

August 9-14 february 2009 : ESF-EMS-ERCOM Conference on Model Theory, The Banach Center, Bedlewo, Poland.

February 15-21 2009 : Conference “Real Analytic and Nash Functions and Related Topics”, “On the number of connected components of smooth real varieties” in memoriam Alberto Tognoli, University of Pisa, Italy.

November 7-8 2008 : Conference in honor of Eberhard Becker, Univ. of Dortmund, Germany.

September 13-15 2008, Conference on Model Theory of Fields. University of Freiburg, Germany.

August 4-18 2008 « On the number of connected components of smooth real varieties”, conferences invitées au colloque en l’honneur de J.-J. Risler : “Around Hilbert’s 16th problem”, et à l’Escola de Algebra, IMPA, Rio de Janeiro, Brazil.

Mai 26-Juin 02 2008, « Real Holomorphy Rings and the Complete Real Spectrum », 5th Linear Algebra Workshop, University of Ljublijana, Kranjska Gora, Slovenia.

January 14-21 2008, “From Orderings to Valuation Fans” , Colloquium talk et séjour de recherche, University of Hawaii at Manoa, USA.

January 8-14 2008, “From Artin Schreier to Valuation Fans” ; “Real Holomorphy Rings and the Complete Real Spectrum”, Colloquium and Seminar talks, University of Saskatchewan, Canada.

April 24-30 2007, “On Real Holomorphy Rings of Rings”, invited speaker in Conference on Oredered Rings, Louisiana State University, Baton Rouge, USA (Honoring Melvin Henriksen on his 80th birthday).

November 25-27 2006, “On Theories of Closures of fields equipped with valuation fans”, invited conference for the Model Theory of Fields, University of Freiburg, Germany.

October 7-14 2006, invitation workshop « Positive Polynomials », Pacific Institute for Mathematical Sciences, Banff, Canada.

October 5-6 2006, Invitation mini-conference “Topics in Real Algebraic Geometry”, University of Saskatchewan, Saskatoon, Canada.

Avril 2-8 2006,  »Reading Stengle », conference in Worshop “Sources for Real Geometry », Cortona, ENS de Pise, Italy.

March 20-26 2006, « On Valuation Fans », invited speaker in Workshop on  »Valuation Theory and its Application », in memoriam Otto Endler, University of Campinas, Brazil ;

March 17 2006, « Number of connected components of real algebraic varieties », talk in Algebra Seminar, Universidad de Buenos Aires, Argentina.

4 – 9 septembre 2005, participant RAAG meeting, University of Passau, Germany.
.
28 mars -7 avril 2005 : participant in workshop MAAWO1, “An introduction to recent applications of model theory”, Isaac Newton Institute, Cambridge, United Kingdom.

7-16 Novembre 2004 : conférence invitée « On the number of connected components of real varieties”, University of Saskatchewan, Saskatoon, Canada.

11-16 Septembre 2004 : conférence invitée « Sur le nombre de composantes connexes des variétés réelles », Medhia, Université de Kenitra, Maroc

14-27 juillet 2004 : conférence invitée « On some elementary theories », Escola de Algebra, Universidad de Campinas, Brésil.

21-27 Juin 2004 : participante conférence RAAG, Universidad de Salamanca, Espagne.

12-16 April 2004 : conférence invitée « Number of connected components and R-places », Mathematical Sciences Research Institute », Berkeley, USA.

22-26 mars 2004 : participante au colloque RAAG, european network meeting « Singularity Theory », à la mémoire de Stanislaw Lojasiewcz, Cracovie, Pologne.

11-12 mars 2004 : participante au congrès « representation of semidefinite positive functions as sums of squares and related topics”,. University of Pisa, Italy.

8-20 January 2004 : conférence invitée « Towards a theory of R-places in spaces of orderings », XII° Simposio Latinoamericano de Logica matematica, Univ. Costa Rica, San Jose, Costa Rica.

11-18 Novembre 2003 : conférence invitée  » Higher level orderings and R-places » et collaboration avec le Pr. Murray Marshall, University of Saskatchewan, Saskatoon, Canada.

22- 26 Octobre 2003 : conférence invitée « From higher level orderings to R-places » , Conférence “Real Algebra”, European Network RAAG, Universität Dortmund (Allemagne).

Avril 2003 : participante Conférence RAAG, et séjour au centro di Ricerca Matematica Ennio de Giorgi, Pisa (Italy).

Décembre 2002 : participante conference « Quadratic Forms », Talca-Pucon, University of Talca (Chile).

Septembre 2002 : invitation Conférence « Real Algebraic and Analytic geometry», réseau européen RAAG, Kazimierz, (Pologne).

Août 2002 : participation ICM 2002, Beijing (Chine).

Mai 2002 : invitation Euro-Conférence in «Model Theory and Applications », Université de Naples, Ravello,( Italie).

Mars 2002 : invitée « Colloquiumfest on Valuation Theory », Université du Saskatchewan, Saskatoon (Canada).

Novembre 2000 : conférencière invitée, Université du Saskatchewan, Saskatoon (Canada).

Juillet-Août 1999 : invitation à « International Conference and Workshop on Valuation Theory », Université du Saskatchewan, Saskatoon (Canada).

Septembre 1998 : invitation du CIRM de Trento au congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry », à Levico (Italie).

Juin 1998 : invitée au Workshop on  »Model Theory, Algebra and Arithmetic », Mathematical Sciences Research Institute, Université de Berkeley (U.S.A.).

Octobre 1997 : conférencière invitée, « Hilbert’s 17th problem for higher levels », Université de Trente (Italie).

Septembre 1997 : invitation au HCM-Workshop « Spectral Spaces in Real and p-adic Geometry », Université de Dortmund (Allemagne).

Mai 1997 : conférencière invitée, « generalizations of real-closed fields theory », Université de Pise (Italie).

Septembre 1996 : invitation au congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry », Université de Genève (Suisse).

Avril 1996 : conférencière invitée : special session of AMS meeting on « Real Algebraic Geometry and Ordered Structures » Baton Rouge, Louisiane (U.S.A.), et séjour dans le cadre du « special semester » sur le même sujet.

Juin 1995 : conférencière invitée in « School on Model Theory and Real Algebraic Geometry » et invitation au congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry » organisés par les universités de Madrid et Santander à Segovia (Espagne).

Juin 1994 : professeure invitée à l’Université de Dortmund, (Allemagne), coopération Procope.

Mai 1994 : invitation au congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry » organisé par l’Université d’Amsterdam à Soesterberg (Pays-Bas).

Mars 1993 : professeure invitée a l’Université de Dortmund (Allemagne), coopération Procope.

Septembre 1992 : conférencière invitée au congrès  »Real Algebraic and Analytic Geometry », C.I.R.M. Trente (Italie).

Mai 1992 : invitation au congrès “Quadratische Formen“ Mathematisches Forschungsinstitut Oberwolfach (Allemagne).

Novembre 1991 : professeure invitée, Université de Dortmund (Allemagne).

Juin 1989 : professeure invitée, Université de Dortmund (R.F.A.), coopération Procope.

Octobre 1988 : conférencière invitée au congrès « Real Algebraic and Analytic Geometry », C.I.R.M. Trente (Italie).

Août 1988 : invitation au « Logic Colloqium 88 », Padoue (Italie).

Juillet 1987 : conférencière invitée au « Logic Colloquium 87 », Grenade (Espagne).

Avril 1987 : conférencière invitée « Reelle Algebraische Geometrie », Mathematisches Forschungsinstitut Oberwolfach (R.F.A.).

Août 1986 : participation ICM 1986, Université de Berkeley, (U.S.A.).

Juillet 1986 : invitation au congrès « Quadratic Forms and Real Algebraic Geometry », Oregon State University, Corvallis (U.S.A.).

Juillet 1983 : invitée et membre du Comité d’organisation , A.M.S.- N.A.T.O. « Ordered Fields and Real Algebraic Geometry », Boulder, Colorado (U.S.A.).

Janvier 1981 : conférencière invitée au 87ème congrès de l’A.M.S., special session on « Ordered Fields and Real Algebraic Geometry », San Francisco, Californie (U.S.A.).

Août 1978 : participation ICM 1978, Helsinki, (Finlande).

Décembre 1973 : invitation au Bedford College de Londres (Grande-Bretagne).

Juin-Juillet 1973 : invitation Open House, Queen’s Université, Kingston, Ontario (Canada).

TABLE DES CHAPITRES

Eléments de mémoire
Pourquoi les mathématiques ?
En prépa à Janson de Sailly
A l’Ecole Normale Supérieure de Cachan
Ski-études
De Cachan à l’UBO
Une carrière avec l’aide des hommes !
Premiers colloques internationaux
Les thés mathématiques
Premières missions à l’étranger
Sur la genèse des théorèmes
Enseigner à Paris VI
Maths, mets et vins …
Ensemble(s)
Max Dickmann
Structures Algébriques ordonnées (1984 – ?)
Françoise Delon
Le parfum
La vie associative
Huguette Delavault
Des jurys de concours
Des travaux d’écriture et d’édition
Eberhard Becker
Les ICM
Les centres de rencontres mathématiques
Marie-Françoise Roy
Une belle semaine
Le CMJ (1992)
En Louisiane (1996 et 2007)
Oenologie
En Amérique Latine
La section F
Murray Marshall
Le Mérite (2003)
Être ou ne pas être professeur
Le Canada
Schizophrénie obligatoire !
En commission de spécialistes
Salma Kuhlmann
Un trimestre Borel à l’IHP (2005)
Avoir 60 ans !
Sur les thésards
CNU (2005-2009)
Voyager de – 25 à + 25
Autour de l’IEC
Le DIU (2004-2014)
Coexister
Célébrer un 90ème anniversaire (2018)
Retraite, bénévolat et éméritat (2009 – ?)
A propos des biographies et conclusion
Curriculum Vitae
Liste de publications
Missions à l’étranger
Table des chapitres
Index des personnes citées

INDEX DES PERSONNES CITÉES

Debhia Achab, Mathématicienne

Claude Alquié, Directrice de la Formation Continue UPMC.

Daniel Andler, élève de spé X’2, Mathématicien

Roger Apery, Mathématicien

Francesca Aquistapace, Mathématicienne

François Aribaud, Mathématicien

Vincent Astier, Mathématicien

Thierry Aubin, Mathématicien

Richard Avedon, Photographe

Ricardo Baeza, Mathématicien

Olivia Barbarioux, Administratrice

Françoise Barret-Ducrocq, Spécialiste de la civilisation britannique

Daniel Barski, Mathématicien

Saugata Basu, Mathématicien

Claudie Baudino, Politologue

François Bayen, Mathématicien

Dominique Beau, Ingénieur

Eberhard Becker, Mathématicien

Corinne Belliard, Historienne

Thierry Benoit, président de l’association La Boucle

Ralph Berr, Mathématicien

Marie-José Bertin, Mathématicien

Christine Bertrand, Mathématicienne

Daniel Bertrand, Mathématicien

Jean-Paul Bertrandias, Mathématicien

Anne-Marie Blandeau épouse Charbonnel, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicienne

Greg Bleckermann, Mathématicien

Jacques Boulard, Ingénieur

Jean-Pierre Bourguignon, Mathématicien

Louis Boutet de Monvel, Mathématicien

Anne Boyé, Mathématicienne

Monsieur Brille, Professeur de mathématiques, Sup 1 lycée Janson de Sailly

Ludwig Bröcker, Mathématicien

Fabrizio Broglia, Mathématicien

Ron Brown, Mathématicien

Marianne Bruguière, Historienne, Académicienne

Gregory Brumfiel, Mathématicien

Sheana Bull, jeune fille au pair, puis Sociologue à l’université de Boulder

Madame Canguilhem, Professeur de Philosophie, lycée de Saint Cloud

Michel Carpentier, Mathématicien

Pierre Cartier, Mathématicien

Pierre-Henri Cassou, élève de sup 1, X 66

Dominique Castellan, Ingénieur

Fabrizio Catenese, Mathématicien

Jean-Louis Charbonnel, X 65

Marc Chardin, Mathématicien

Zoé Chatzidakis, Mathématicienne

Véronique Chauveau, Professeur de mathématiques

Mme Choquet, Mathématicienne, Académicienne

Gille Christol, Mathématicien

Isabelle Collet, Université de Genève

Jean Combes, Mathématicien

Georges Comte, Mathématicien

Michel Coste, Mathématicien

Thierry Coulhon, Mathématicien

Tom Craven, Mathématicien

Sylvie Cromer, Sociologue

Pato, Catherine, Christian et Jean-Guy Cupillard, amis d’huizats

Hédi Daboussi, Mathématicien

Sandrine Dauphin, Sociologie

Huguette Delavault, Mathématicienne

Françoise Delon, Mathématicienne

Charles Delorme, Mathématicien

Chip Delzell, Mathématicien

Michel Demazure, Mathématicien

Roger Descombes, Mathématicien

Jean-Marc Deshouillers, Mathématicien

Max Dickmann, Mathématicien

Don Dubois, Mathématicien

Thierry Dujardin, élève de sup 1, X 65

Dominique Dumont, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicien

Anne Durrande, Administratrice

Marie Duru-Bellat, Sociologue

Monsieur Ecalle, Professeur de Mathématiques, math Spé X’2 lycée Janson de Sailly

Ido Efrat, Mathématicien

Gus Efroymson, Mathématicien

Patrick Fargès, Historien

Anne-Isabelle François, Littérature comparée

Nicole Fouché, Historienne

Geneviève Fraisse, Philosophe

A. Gabrielov, Mathématicien

Natalia Garcia, Mathématicienne

Renée Gérard, membre de l’AFFDU

Mlle Girard, Professeur de Français et Latin, lycée de Saint Cloud

Henri Giraud, Aviateur, spécialiste de la montagne

Irvy Gledhill, Physicienne

Daniel Glushankoff, Mathématicien

Claude Gondard, élève de spé X’2, X 65

Lorenzo Gonzalez-Vega, Mathématicien

Colette Guillopé, Mathématicienne

Jonathan Harman, Mathématicien

Deidre Haskell, Mathématicienne

Claudine Hermann, Physicienne

Francis Hirsch, Mathématicien, Directeur des études ENS Cachan

Emmanuel Hebey, Mathématicien

Melvin Henriksen, Mathématicien

Natacha Henry, Journaliste

Madame Hervé, Mathématicienne

Johannes Huismann, Mathématicien

Ilia Itenberg, Mathématicien

Bill Jacob, Mathématicien

Henri Jannet, élève de sup 1, X 65

Pierre Jarraud, Mathématicien

Monique Jeanblanc, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicienne

Madame Janneau, Directrice ENS Cachan

Jean-René Joly, Mathématicien

Hussein de Jordanie, Roi

Jean-Pierre Kahane, Mathématicien, Académicien

Jean-Michel Kantor, Mathématicien

Slava Kharlamov, Mathématicien

Huguette Klein, Professeur de Mathématiques

Jochen Königsmann, Mathématicien

Maxim Kontsevick, Mathématicien, médaille fields

Marc Krasner, Mathématicien

Colette Kreder, Fondatrice du réseau demain la parité

Paul Krée, Mathématicien

Jean-Louis Krivine, Mathématicien

Franz-Viktor Kuhlmann, Mathématicien

Salma Kuhlmann, Mathématicienne

Kristof Kurdyka, Mathématicien

Jean-Pierre Laffon, Mathématicien

Marie-Odile Lafosse-Marin (ESPCI-Paris Tech)

T. Y. Lam, Mathématicien

Guy Laroque, élève de sup 1, X 65

Daniel Lascar, Mathématicien

Christine Laurent, Mathématicienne

Pierre Le Bihan, Mathématicien

Odile Lecacheux, Mathématicienne

Mlle de Leiris, Professeur de physique-Chimie, Lycée Janson de Sailly

Catherine Le Magueresse, Avocate)

Gaïd Le Maner-Idrissi (Université Rennes 2)

Paulette Lieberman, Mathématicienne

Arileide Lira, Mathématicienne

Madame Loubiat, Professeur de mathématiques lycée de Saint Cloud

Catherine Louveau, Sociologus

François Lucas, Mathématicien

Mlle Lutz, Mathématicienne

Angus MacIntyre, Mathématicien

C. MacCrory , Mathématicien

James Madden, Mathématicien

Philippe Magnien, élève de sup 1, X 66

Louis Mahé, Mathématicien

Hermann Maier, Champion de ski

Marie-Paule Malliavin, Mathématicienne

Paul Malliavin, Mathématicien, Académicien

Benoit Mandelbrot, Mathématicien

Christine Mantecon, Administratrice

Christian Margaria (Association Femmes et Sciences)

Maurice Margenstern, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicien

Charles-Michel Marle, Mathématicien

Jean Marot, Mathématicien

Dominique Marre, élève de sup 1, X 65

Catherine Marry (CNRS)

Murray Marshall, Mathématicien

Monsieur Meny, Professeur de mathématiques, ENS Cachan

Thérèse Merlier, Mathématicienne

Patrick Merycer, élève de Sup 1, normalien

Monsieur Meunier, Instituteur, lycée Corneille à Rouen

Yves Meyer, Mathématicien

Alain Mézard, Mathématicien

Ariane Mézard, Mathématicienne

Maurice Mignotte, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicien

G. Mikhalkin, Mathématicien

Françoise Milewski, Economiste

Chris Miller, Mathématicien

Maryam Mirzakhani, Mathématicienne, Médaille fields

Roger Mohr, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicien

Catherine Morbois, Directrice de la Délégation aux Droits des Femmes et à l’égalité d’Ile de France

Nicole Mosconi (Université Paris Ouest Nanterre)

John Nash, Mathématicien et économiste, prix Nobel

Anne Nègre, Juriste

Viviane Neveu épouse Durand, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicienne

Didier Nordon, élève de sup 1, camarade de promotion ENS Cachan, Mathématicien

Joseph Oesterlé, Mathématicien

S. Orevkov, Mathématicien

Jean-François Pacault, Ingénieur

P. Parrilo, Mathématicien

Adam Parusinski, Mathématicien

Hector Pasten, Mathématicien

I. Paunescu, Mathématicien

Michelle Perrot, Historienne

Christian Peskine, Mathématicien

Olivier Peyon, Cinéaste

Joëlle Pichaud, Spé X’2, Mathématicienne

Olivier Pironneau, élève de Sup 1, Mathématicien, Académicien

Gilles Pisier, Mathématicien, Académicien

Georges Poitou, Mathématicien

Monique Pontier, Spé X’2, Mathématicienne

Marie-Dominique Popelard, Philosophe

Denis Porgès, élève de sup 1, X 65

Yves Pourchet, Mathématicien

Vicky Powers, Mathématicienne

Alex Prestel, Mathématicien

Jean Querré, Mathématicien

Yann Quentel, Mathématicien

Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre

Gérard Rauch, Mathématicien

Thomas Recio, Mathématicien

Jean-Pierre Ressayre, Mathématicien

Paulo Ribenboim, Mathématicien

Jean-Jacques Risler, Mathématicien

Charlie Robson, Mathématicien

Florence Rochefort, Historienne

Jean-Philippe Rollin, Mathématicien

Fabrice Rouiller, Mathématicien

Marie-Françoise Roy, Mathématicienne

Gabriel Sabbagh, Mathématicien

Pierre Samuel, Mathématicien

Françoise Sarret, amie d’Huizate

Odile et Françoise Seigle, amies d’Huizates

Réjane Sénac, Politologue

Claus Scheiderer, Mathématicien

Konrad Schmuedgen, Mathématicien

Laurent Schwartz, Mathématicien, Académicien

Tamara Servi, Mathématicienne

Masahiro Shiota, Mathématicien

E Shustin, Mathématicien

Hourya Sinaceur, Historienne

Hedi Slimane, directeur de Dior Homme

Emmanuel Smyrnelis, Mathématicien

Franck Sottile, Mathématicien

Sergei Starchenko, Mathématicien

Charles Steinhorn, Mathématicien

Katrin Tent, Mathématicien

Alberto Tognoli, Mathématicien

Olga Taussky-Tood, Mathématicienne

Bernard Tessier, mathématicien

Marie-Hélène Therre (Association Femmes ingénieures)

Isabelle This Saint-Jean, Vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France

Alain Tounyol du Clos, Ingénieur

Markus Tressl, Mathématicien

David Trotman, Mathématicien

Annick Valibouze (Université Pierre et Marie Curie)

Lou Van den Dries, Mathématicien

Nicolas Varopoulos, Mathématicien

Michel Vaugon, Mathématicien

Jacques Vauthier, Mathématicien

Catherine Vidal, Neurobiologiste

Xavier Vidaux, Mathématicien

Eliane Viennot, Historienne

Cédric Villani, Mathématicien, Académicien, Médaille Fields

Victor Vinnikov, Mathématicien

Françoise Vouillot, Sociologue

Carol Wood, Mathématicienne

Martin Ziegler, Mathématicien



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